La centrale nucléaire du Blayais en Médoc (Gironde) Photo archives "Sud Ouest" / Laurent Theillet
L'ASN vient à peine de décerner la mention "assez satisfaisant" à la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) pour sa sûreté en 2012, que le gouvernement autorise EDF à utiliser du MOX, un combustible nucléaire contenant du plutonium provenant de combustibles usagés, dans deux réacteurs supplémentaires de la centrale girondine, par un décret publié jeudi dernier au Journal officiel. Au grand dam des écologistes, comme on peut s'en douter.
Le MOX : kesaco ?
Du MOX partout à Blaye ? Soit, mais encore ? Pour le public non averti mais néanmoins intéressé, il convient de préciser que le MOX est une spécialité, non pas de la gastronomie française, mais de son industrie nucléaire et de son "chef", Areva. Un réacteur nucléaire fonctionne grâce à l’uranium. En même temps, on produit un élément plus lourd et plus radioactif : le plutonium. Le combustible MOX est un mélange d’uranium et de plutonium, d’où son appellation issue de l’anglais, "mixed oxyde" : MOX désigne donc cet "oxyde mixte d'uranium et de plutonium", fabriqué par Areva et employé dans l'Hexagone depuis 1987.
MOXER, c'est recycler...
Pour Areva, le grand atout du MOX est son rôle de recyclage, car, issu du retraitement de déchets nucléaires opéré dans l'usine de la Hague (Manche), il réutilise le plutonium obtenu au terme de la combustion d'uranium enrichi. A l'heure où l'on pointe l'insoluble question de l'avenir des déchets nucléaires, à l'occasion notamment de l'ouverture du débat public du futur centre d'enfouissement de Bure, suivez mon regard. A Blaye, il était déjà utilisé dans les réacteurs 1 et 2 de la centrale proche de Bordeaux. Il pourra désormais être employé dans les autres réacteurs, le 3 et le 4. Telle est la décision du ministère de l'Ecologie et de l'Energie. Ce qui porte à 22 sur 58 le nombre de réacteurs français "moxés".
L'ASN a dit oui
Après la demande d'EDF d'utiliser plus de MOX au Blayais en avril 2010, avant la catastrophe de Fukushima, l'Autorité environnementale avait obtenu un an plus tard que le dossier soit complété. A l'issue d'une enquête publique, fin 2011, l'Autorité de Sécurité nucléaire a finalement émis un avis favorable en octobre 2012. Le gendarme du nucléaire a notamment considéré "que l'expérience acquise depuis 1987 sur l'utilisation du MOX dans les réacteurs nucléaires français n'a pas fait apparaître de comportement du combustible différent en exploitation de celui du combustible à l'uranium enrichi", souligne le ministère.
Je t'aime MOX non plus
Au total, le MOX contient entre 5 à 10% de plutonium. La radioactivité du plutonium étant considérablement plus élevée que celle de l'uranium enrichi, le MOX représente un risque supplémentaire en cas d'accident nucléaire. Alors, pas contents, les écolos. Et ils le font savoir. Le MOX n'est pas leur tasse de thé. Ils l'ont au contraire dans leur collimateur, de même que certains scientifiques qui le considèrent comme potentiellement très dangereux.
Coucou, le revoilou !
Vieille pomme de discorde politique entre les écologistes et le Parti socialiste qui avait rechigné à valider en 2011, avant les élections législatives et présidentielle, l’accord sur le paragraphe concernant le retraitement des déchets nucléaires et qui avait tenté de refuser d'entériner sa disparition, le MOX resurgit en 2013. Noël Mamère, le député-maire écologiste de Bègles (Gironde), ne pouvait manquer de dénoncer ce qu'il appelle "une décision politique", destinée, à "protéger la filière MOX, que", dit-il "nous sommes le seul pays au monde à vouloir continuer". Selon lui, la décision concernant la centrale du Blayais est "contraire aux engagements de François Hollande sur la transition énergétique", visant à faire passer de 75% à 50% la part du nucléaire dans l'électricité d'ici à 2025. Le député-maire girondin souligne, en outre, que l'"on vient prendre ce risque dans une centrale vulnérable, qui a frôlé une catastrophe majeure en décembre 1999 avec une alerte de niveau 2".
Le MOX d'Areva est reparti vers le Japon
Le 16 avril dernier, en dépit des manifestations des opposants écolos, Areva a recommencé à expédier par la mer le MOX, cargaison à très haut risque, vers le Japon où seules deux centrales nucléaires ont redémarré depuis la catastrophe de Fukushima, en mars 2011. Transport contrôlé par l'ASN (photo ci-contre). Un cadeau pour le moins embarrassant pour l'Empire du soleil levant.
"A la demande de la France"
Pas vraiment enthousiaste, le client d'Areva, la compagnie japonaise Kansai Electric Power, a précisé dans un communiqué que « l'envoi de combustible se faisait à la demande de la France, qui cherche à mettre fin à son stockage prolongé », mais que son «utilisation restait encore incertaine ». Prévu initialement en 2011, ce type de transport que contrôle l'ASN avait été retardé après la catastrophe de Fukushima : le MOX était employé dans l'un des réacteurs accidentés (le numéro 3) de la centrale japonaise...
En France, les quatre réacteurs du Blayais qui vont tous désormais se nourrir au MOX, ont chacun une puissance de 900 mégawatts. Ils font partie de la génération de réacteurs la plus ancienne actuellement en fonctionnement en France. Dans le rapport sur la sûreté nucléaire en France en 2012 récemment rendu public par l'ASN, le Blayais est l'une des centrales françaises les mieux (ou les moins mal) notées par le gendarme du nucléaire. Elle a cependant enregistré 48 incidents significatifs, dont six de niveau 1, contre 35 en 2011.
Cathy Lafon
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