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  • Batho l'écolo règle ses comptes: des lobbies industriels voulaient sa tête

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    Delphine Batho, le 29 novembre 2012 à Paris, pour le Comité de Pilotage du débat national sur la transition énergétique. Photo archives / AFP

    Delphine Batho affirme ne pas avoir manqué à la solidarité gouvernementale et accuse Jean-Marc Ayrault de l'avoir évincée du gouvernement en cédant à la pression de "forces économiques" liées au secteur de l'énergie.

    Débarquée brutalement du ministère de l'Ecologie par François Hollande, le 2 juillet, pour avoir rompu la règle de la solidarité gouvernementale en critiquant le budget 2014 qui amputait son ministère de 7% de ses crédits, Delphine Batho avait promis de s'expliquer publiquement ce jeudi sur les vraies raisons de son limogeage. Chose promise, chose due : l'ex-ministre n'a pas mâché ses mots aujourd'hui pour dire tout haut ce que beaucoup de monde pense tout bas: le gouvernement a cédé à des puissances industrielles liées au gaz de schiste et au nucléaire.

    ayrault pas souriant.jpgLe nucléaire, les gaz de schiste et l'absence de solidarité gouvernementale

    L'ex-ministre a accusé devant la presse Jean-Marc Ayrault d'avoir cédé à "certaines forces économiques", liées notamment au gaz de schiste et au nucléaire, qui "voulaient (s)a tête" : "Certaines puissances économiques n'acceptaient pas le niveau d'ambition que je fixais pour la transition énergétique", notamment sur la question du gaz de schiste et la réduction de la part du nucléaire en France, a-t-elle déclaré.  "Ces forces ne se sont pas cachées de vouloir ma tête, mais si le gouvernement avait été solidaire, elles n'y seraient pas parvenues", a-t-elle ajouté. On se rappelle notamment les passes d'armes qui l'avaient opposée l'été dernier sur le nucléaire et les gaz de schiste avec Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif.

    bricq largeur.jpgDéjà, Nicole Bricq, en juin 2012

    On avait soupçonné les mêmes pressions, sans en avoir jamais eu confirmation, pour expliquer le soudain départ de Nicole Bricq,  son prédécesseur, de ce même ministère, le 21 juin 2012, en plein Sommet de Rio. Ministre à la feuille de route quasi éco-exemplaire depuis trois semaines, Nicole Bricq avait eu ce premier acte de vouloir mettre un frein aux appétits des explorateurs pétroliers qui ne prennent pas en compte de façon satisfaisante les problématiques d'environnement, en gelant temporairement, le 13 juin 2012, les permis de recherches de Shell en Guyane et en classant parmi ses priorités la réforme du Code minier français de 1956, issu d'une loi de 1810, afin d'intégrer la nouvelle donne de la protection environnementale... le dossier avait été repris en main une semaine plus tard par le premier ministre Ayrault, qui avait désavoué Nicole Bricq en donnant au préfet de Guyane l'autorisation de signer les arrêtés préfectoraux permettant la relance des travaux.  A peine aux manettes, Bricq était déjà débarquée...

    crouzet.jpgLe patron de Vallourec aurait annoncé la mise à l'écart de Batho à l'avance

    Delphine Batho s'en est également pris au patron de l'entreprise de tubes en acier Vallourec, Philippe Crouzet, époux de Sylvie Hubac, directrice de cabinet du président François Hollande. "Est-il normal que le patron de l'entreprise Vallourec directement intéressé par l'exploitation des gaz de schiste ait pu annoncer ma marginalisation des semaines à l'avance devant des responsables de son entreprise aux USA?" a-t-elle demandé.  "Que le patron de Vallourec dise que je suis un désastre parce que je fais rempart au gaz de schiste et que je veux réduire la part du nucléaire, c'est une chose, qu'il annonce ma mise à l'écart à l'avance, c'en est une autre. De quelle informations disposait-il pour être si sur de lui?" a-t-elle poursuivi. 

    L'absence de débat collégial au sein du gouvernement

    Delphine Batho a enfin également mis en cause les "conseillers de Matignon et de l'Elysée". Est-il normal "qu'ils "me critiquent publiquement dans la presse"? a-t-elle lancé, en déclarant ne pas avoir dérogé au principe de la solidarité gouvernementale.  La solidarité gouvernementale repose, a-t-elle rappelé, sur une Charte de déontologie gouvernementale qu'elle a signée, comme ses collègues, mais qui prévoit aussi la collégialité. Or, selon, l'ex-ministre,  "Il n'y a pas eu débat collégial au sein du gouvernement sur les arbitrages budgétaires, comme il n'y en a plus sur tant d'autres sujets".

    "J'appelle la gauche à un sursaut en faveur de l'écologie de l'espoir"

    Enfin, pour Delphine Batho, le budget 2014 marque un tournant de la rigueur inacceptable car terreau de l'extrême-droite dans le pays, mais aussi "un tournant par rapport à la volonté de mener à bien la transition écologique",  tout aussi inacceptable, aux vues de son engagement pour l'écologie. La question pour elle n'est pas seulement celle d'un "poste ministériel", mais celle du droit de sa "génération à avoir des espoirs et à agir".  "Le temps est venu de reprendre la main du changement, j'appelle la gauche à un sursaut en faveur de l'écologie de l'espoir et des générations futures", a-t-elle conclu.

    Cathy Lafon avec l'AFP

  • Philippe Martin : un nouveau ministre socialiste écolo-compatible ?

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     Le 3 juillet 2013, Philippe Martin, nouveau ministre de l'Ecologie, salue l'action de Delphine Batho, débarquée du gouvernement la veille. Photo AFP

    Limogeage de Batho : le jour d'après. Les écolos se réveillent avec la gueule de bois et un nouveau ministre : Philippe Martin. Mais qui est le troisième ministre de l'Ecologie du gouvernement Hollande en treize mois? Surtout, est-il écologiste ou du moins proche des écologistes ?

    martin tete (2).jpgGascon d'adoption, rose par nature et vert par conviction

    Philippe Martin, nouveau ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, a succédé mardi 2 juillet à Delphine Batho, sèchement limogée par Hollande et son Premier ministre, pour avoir critiqué la diminution drastique du budget de son ministère en 2014. Né en région parisienne à la Garenne-Colombe (Hauts-de-Seine), il a 59 ans. Ancien préfet du Gers, puis des Landes, ce fabiusien est élu pour la première fois en 1998 conseiller général du Gers. Propulsé dans la foulée  à la présidence du Conseil général, il contribue à repeindre le département en rose.  Elu député PS du Gers en 2002 et réélu à ce siège dès le premier tour en 2012, il est habitué à l’emporter devant la droite dans son département.  Bien implanté localement, Philippe Martin passe pour un bon vivant, amateur de bons mots.

    L'Ecologie, sinon rien

    Nombreux étaient ceux qui  prédisaient au vice-président du groupe socialiste à l’Assemblée à qui tout a déjà réussi localement, un bel avenir national... Le nouveau ministre, qui a participé aux négociations sur l’accord entre le PS et les écologistes avant la présidentielle, avait été récemment mandaté pour faire le lien avec eux à l’Assemblée. Bien vu d'Ayrault et de ses camarades socialistes, Philippe Martin ne voyait pas d'autre ministère pour lui que celui de l'Ecologie. Depuis ce matin, c'est chose faite.


    Passation de pouvoir au ministère de l'écologie par lemondefr

    Contre l'extraction des gaz de schiste et pour la sortie du nucléaire ?

    Comme la première personnalité socialiste à avoir occupé le poste de ministre de l'Ecologie dans le gouvernement Ayrault, Nicole Bricq, l'élu gersois a souvent défendu des positions proches des écologistes. Sur  les gaz de schiste, notamment, il considérait en 2011 que «s’entêter dans l’extraction [...], c’est tourner le dos à la nécessaire et urgente transition environnementale». Sur le nucléaire aussi, où il s’en était pris à Nicolas Sarkozy en le soupçonnant d’être « probablement le dernier nucléariste au monde pour lequel il n’y a pas d’après-Fukushima ».  S''il ne s'agit pour l'heure que de déclarations, on lui accordera cependant un premier bon point "vert" pour "bonnes intentions", en attendant mieux.

    martin ogm.jpgNon aux OGM

    Sur les OGM, dossier sensible dans le Gers, département rural, il n'y a pas photo. Le nouveau ministre, siégeant au sein de la Haute Autorité sur les OGM, a soutenu l’activation de la clause de sauvegarde afin de suspendre l’utilisation de maïs transgénique Monsanto 810 (photo ci-contre, lors d'une manifestation contre les OGM). Et il fait partie des responsables de collectivités locales qui ont bataillé pour proclamer leurs territoires "sans OGM". Le 30 décembre 2009, le Conseil d’État a mis fin à une bataille juridique de plus de cinq ans, en reconnaissant le droit du conseil général du Gers d’exprimer son refus des OGM.  Victoire symbolique, certes, car cela n'induit pas le pouvoir de faire respecter ce positionnement, mais victoire quand  même. Deuxième bon point "vert".

    Pour les circuits courts

    Localement, Philippe Martin mène aussi depuis plusieurs années un combat pour privilégier les circuits courts et les filières locales, en particulier dans les cantines des collèges. Enfin, alors qu'il était membre de la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, il s'est également illustré le 1er juillet 2012, en demandant aux restaurateurs d'arrêter de servir des vins de Californie, afin de protester contre la loi interdisant la vente de foie gras outre-Atlantique. Troisième et quatrième bons points "verts".

    martin1.jpg"Un homme du terroir et de combat"

    Philippe Martin n'est donc pas un inconnu chez les militants écologistes, dont il a partagé certains combats de terrain, comme celui de José Bové sur les OGM (photo ci-contre, avec José Bové, lors d'un fauchage de champ OGM à Solomiac en 2004, dans le Gers). L'eurodéputé EELV réagit plutôt favorablement à la nomination du nouveau ministre : "Je connais Philippe depuis quinze ans et c'est un homme qui n'a jamais lâché ses convictions", confie-t-il à "Metronews". "Sur la question des OGM, il s'est battu à l'Assemblée comme sur le terrain, en organisant une pétition pour demander un référendum d'initiative populaire, ou encore au tribunal, en témoignant à plusieurs reprises en faveur des faucheurs volontaires. Même chose sur les gaz de schiste : il fait partie de ceux qui ont animé à l'Assemblée la campagne contre la fracturation hydraulique et la prospection. C'est un homme du terroir et de combat." Cinquième bon point "vert".

    matthieu orphelin.jpg"Le timing est étrange"

    Après avoir vivement regretté Bricq l'écolo, le monde de l'écologie s'était habitué à Batho, qui commençait à prendre la dimension de la crise environnementale et à comprendre la nécessité de la transition écologique. A défaut d'un bilan brillant, on lui reconnait un investissement courageux dans les dossiers sensibles de la transition énergétique, du diesel, de la taxe carbone, malgré le peu de soutien de la majorité de ses collègues ministres. Matthieu Orphelin, élu régional du Maine et Loire et porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, traduit bien l'ambiance générale, en s'inquiètant aujourd'hui dans "Libération" du limogeage de Delphine Batho : "Comment cela peut être une décision positive alors qu’on est à 15 jours de la fin du débat sur l’énergie, et à quelques jours de décisions importantes sur la fiscalité écologique, qui sont des grands enjeux ? Le timing est étrange." "Ce n'est pas un bon signal de virer encore la ministre de l'Ecologie", a déclaré à l'AFP le porte-parole de France Nature environnement (FNE), Benoît Hartmann. De son côté, Greenpeace, qui boycotte le débat sur la transition énergétique, ne mâche pas ses mots : "Delphine Batho n'est qu'une victime collatérale de l'absence totale d'ambition environnementale du gouvernement et du président de la République", a réagi l'ONG.

    Alors, les écolos attendent. D'abord, les explications de l'ex-ministre Delphine Batho sur son limogeage, qu'elle a promises pour demain. Puis, de voir ce que Philippe Martin fera de ce maroquin vert, aujourd'hui le moins durable du gouvernement. Mais aussi ce que Hollande et Ayrault feront ensuite de Philippe Martin "l'écolo", qui a au moins la chance de ne pas être une femme... Et surtout, de savoir enfin si, oui ou non, l'écologie est "prioritaire" en France.  Sur ce dernier point, aux vues de l'urgence des dossiers en cours, ils seront vite fixés.

    Cathy Lafon

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