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  • Sciences : elle aussi, l'écrevisse stresse !

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    Une écrevisse à pattes rouges dans son milieu naturel. Photo DR

    L'écrevisse stresse. Ce n'est pas pour autant pour cela qu'elle devient rouge vif quand on la fait cuire. Mais si on lui donne sa dose d'anxiolytique, elle redevient zen. Un point commun avec les êtres humains, mis pour la première fois en évidence chez un animal invertébré par des chercheurs du CNRS et de l'université de Bordeaux.

    "Connais l'écrevisse et tu te connaîtras toi-même !"

    Selon ces travaux, publiés dans la revue "Science",  le 13 juin 2014, les mécanismes neuronaux liés à l'anxiété de ces crustacés se sont conservés tout au long de l'évolution. Première découverte. L'analyse de ce comportement ancestral chez un modèle animal simple ouvre, en outre, une nouvelle voie pour l'étude des bases neuronales de cette émotion chez l'être humain. Comment et pourquoi ?

    1. L'"anxiété", késaco?

    En biologie, l'anxiété peut être définie comme une réponse comportementale au stress, engendrant une peur durable des événements futurs. Elle est positive, car elle favorise la survie des individus, en les aidant à détecter les menaces et à les anticiper de façon adaptée. Mais, il en est de l'anxiété comme des bonnes choses, le gras du confit de canard et le bon vin, par exemple, un trop plein d'anxiété peut nuire. Quand le stress est chronique, l'anxiété devient pathologique et peut conduire à un état dépressif, pas toujours facile à soigner. 

    cnrs,animal,évolution,recherche,crustacé,écrevisse,invertébré,stress,anxiété,comportementComment mettre en évidence le stress des écrevisses?

    Jusqu'à présent, l'état d'anxiété n'avait été décrit par les scientifique que chez l'homme et quelques vertébrés. Pour la première fois, elle a été observée chez un invertébré, l'écrevisse. Daniel Cattaert et Pascal Fossat, deux chercheurs de l'Institut de neurosciences cognitives et intégratives d'Aquitaine (CNRS/université de Bordeaux) et de l'Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/ université de Bordeaux), ont mené ces recherches inédites, en exposant d'abord les crustacés cobayes à des chocs électriques répétés durant trente minutes. Ensuite, ils les ont placés dans un labyrinthe aquatique en forme de croix. Deux des bras étaient éclairés, ce qui naturellement inquiète les écrevisses, et deux étaient dans l'obscurité, ce qui, au contraire, les rassure.

    2. Comment réagissent les écrevisses en proie à l'anxiété?

    Les chercheurs ont alors analysé les réactions des écrevisses. Les écrevisses rendues anxieuses ont eu tendance à rester dans les parties sombres du labyrinthe, contrairement aux écrevisses témoin, qui ont exploré, comme si de rien n'était, l'ensemble du labyrinthe. Pour les scientifiques, un tel comportement montre la capacité du crustacé, pourtant réputé bête comme chou, à donner une réponse adaptative au stress subi. Rendu anxieux par le désagrément du champ électrique, l'animal cherche à minimiser les risques de rencontrer un agresseur. Cet état émotionnel dure environ une heure et demi, puis l'écrevisse retrouve un comportement normal.

    cnrs,animal,évolution,recherche,crustacé,écrevisse,invertébré,stress,anxiété,comportement3. Quel mécanisme chimique pousse l'écrevisse à fuir ou affronter le danger? 

    Les scientifiques ont également relevé que l'anxiété des écrevisses était corrélée à un accroissement de la concentration de sérotonine dans leur cerveau. Ce neurotransmetteur est impliqué dans de nombreuses régulations physiologiques tant chez les invertébrés que chez l'homme. Il est libéré dans des contextes de stress et régule plusieurs réponses liées à l'anxiété, comme l'augmentation des taux de glucose dans le sang. Comme chez l'homme, la crainte d'un danger à venir pousse l'écrevisse à s'y préparer. Les neurones donnent au corps l'ordre de libérer des sucres qui lui permettront de fuir rapidement ou de combattre. Les chercheurs ont aussi montré qu'en injectant un anxiolytique d'usage courant chez l'humain (benzodiazépine) à l'écrevisse, le stress s'évanouit.

    4. A quoi servent ces études?

    Certainement pas à peigner la girafe. Pour le commun des mortels, elles permettent déjà de savoir que l'écrevisse a un cerveau, même s'il n'a que quelques milliers de neurones, et au moins une émotion comparable à l'une des nôtres. Une découverte qui fait réfléchir, si l'on n'a de contact avec cet animal qu'au moment de le pêcher, de le faire cuire ou de le manger. Pour, les scientifiques, on s'en doute, l'intérêt de telles recherches va beaucoup plus loin. On pensait jusqu'à présent que ce genre d'émotion était l'apanage des mammifères et d'animaux intellectuellement plus développés que les crustacés. Ces résultats enrichissent la connaissance sur l'évolution de la vie animale et humaine sur Terre et mettent en évidence que l'anxiété constitue vraisemblablement un avantage évolutif majeur, partagé depuis la nuit des temps, entre autres, par les écrevisses et les hommes.

    5. Pourquoi l'écrevisse?

    Pour les chercheurs qui étudient le stress et  l'anxiété chez l'homme, l'écrevisse est un modèle animal précieux à observer. Elle est d'abord curieuse, ce qui facilite les expériences. Elle est ensuite dotée d'un système nerveux simple dont les neurones sont faciles à enregistrer. L'écrevisse pourrait ainsi permettre de mieux comprendre les mécanismes neuronaux en œuvre chez l'homme dans un contexte stressant. Pour mieux comprendre l'anxiété et soigner la dépression.

    6. Qu'est-ce qui plonge l'écrevisse dans la déprime?

    Sous sa carapace, l'écrevisse est une grande anxieuse...  Mais aussi une grande violente qui, dès qu'elle rencontre une de ses copines, veut aussitôt savoir laquelle est la plus forte des deux. A l'issue du combat, celle qui le remporte n'aura de cesse de venir défier la perdante pour qu'elle comprenne bien qui est la patronne et maintenir son ascendant. Une situation qui n'est pas sans rappeler la société des hommes... L'équipe des chercheurs va donc désormais étudier l'anxiété de l'écrevisse dominée, soumise à ce stress social belliqueux.

    Dans la carapace d'une écrevisse...

    La répétition de violences morales ou physiques à son encontre pour le maintenir dans le rang inférieur de la hiérarchie des écrevisses fait-elle aussi "flipper grave" le crustacé dominé ? Si oui, ce serait le deuxième point commun de ces animaux invertébrés avec les êtres humains. A suivre.

    Cathy Lafon

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    Le changement climatique frappe à notre porte.  Ma Planète se penche durant cinq jours sur la situation du réchauffement climatique, les enjeux, les conséquences et la perception que nous en avons.  Aujourd'hui, des chercheurs se sont penchés sur les raisons du déni planétaire.

    La Terre se réchauffe et pourtant nous continuons à brûler toujours plus de charbon et de pétrole : pourquoi cette schizophrénie  ?  Des psychologues, sociologues et experts de l’opinion réunis le 13 décembre 2013 à Paris par l’association « Météo et climat », ont planché sur la perception du changement climatique et tenté de  comprendre pourquoi nos sociétés semblent rester sourdes aux alertes toujours plus précises des climatologues.

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    En 2010, les négociations internationales impliquant plus de 190 pays sous l’égide de l’ONU ont adopté l’objectif de contenir le réchauffement à 2°C, sachant que la planète s’est déjà réchauffée de 0,8°C environ depuis l’époque pré-industrielle. Mais les engagements concrets des pays placent notre planète sur une trajectoire plus proche de 4°C, selon des études récentes. Le décalage entre les alertes toujours plus étayées des climatologues, réitérées fin septembre 2013 par les experts du Giec, et leur perception dans nos sociétés interrogent les experts du comportement. Selon Annamaria Lammel, maître de conférences en psychologie à l’Université Paris 8, présente au brainstorming de "Météo et climat", la difficulté de modifier nos comportements s’expliquerait notamment par les distances spatiales mais aussi temporelles entre ceux qui subissent le plus le changement climatique et ceux qui en sont la cause.

    Culturellement, les humains ne seraient pas formatés pour réagir au mieux à un phénomène aussi global et dont les conséquences se mesurent à une échelle allant au-delà d’une vie. 

    réchauffement climatique,enquête recherche,sociologie,comportementGarder notre mode de vie

    Plus prosaïquement, selon les chercheurs, nous aurions aussi tendance à minimiser une menace qui entre en contradiction avec d’autres intérêts comme notre mode de vie. Et nous laisse démunis. Sociologue ayant interrogé des collégiens du Nord et du Bas-Rhin, Sandrine Bernier a constaté que ces jeunes avaient des connaissances sur l’effet de serre et le réchauffement, mais aussi un « sentiment d’impuissance » sur l’attitude à adopter. « Quelque part, on leur demande de faire un effort, or ils ont parfaitement intégré le niveau de confort actuel de leurs parents, et n’ont pas envie de se priver », a noté la chercheuse.

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    Chez les agriculteurs, un programme mené dans le Grand Ouest montre que le changement climatique est « perçu » de façon plus concrète à travers des éléments comme des modifications dans les précipitations et des récoltes plus précoces, a expliqué Philippe Merot, directeur de recherche Inra, à Rennes.  La climatologue Valérie Masson-Delmotte, rappelant la difficulté de rendre accessibles des informations souvent complexes sur le climat, voit dans ces travaux un encouragement à « réfléchir à la transmission des informations et aux attentes des différents acteurs ».

    On laissera le mot de la fin à Jeanréchauffement climatique,enquête recherche,sociologie,comportement Jouzel, membre du Giec, qui insiste pour sa part sur la nécessité de « remettre le problème du changement climatique au coeur des préoccupations ». « La France va accueillir la grande conférence sur le climat en 2015. Cela ne peut pas se faire dans un silence assourdissant. »

    Cathy Lafon, avec AFP

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