Ca chauffe pour la Terre, mais nous continuons de regarder ailleurs. Pourquoi ce déni ?
La banquise fond et nous savons que c'est inquiétant. Mais nous ne parvenons pas à mettre le réchauffement climatique au coeur de nos préoccupations.
Le changement climatique frappe à notre porte. Ma Planète se penche durant cinq jours sur la situation du réchauffement climatique, les enjeux, les conséquences et la perception que nous en avons. Aujourd'hui, des chercheurs se sont penchés sur les raisons du déni planétaire.
La Terre se réchauffe et pourtant nous continuons à brûler toujours plus de charbon et de pétrole : pourquoi cette schizophrénie ? Des psychologues, sociologues et experts de l’opinion réunis le 13 décembre 2013 à Paris par l’association « Météo et climat », ont planché sur la perception du changement climatique et tenté de comprendre pourquoi nos sociétés semblent rester sourdes aux alertes toujours plus précises des climatologues.
Conscients mais impuissants
Une mécanique terrestre complexe, une crise économique chassant les considérations écologiques mais aussi des ressorts intimes favorisant parfois le déni : les Français sont souvent conscients de l’enjeu du réchauffement climatique mais, tiraillés, ils se sentent impuissants.
Le réchauffement n'est pas le problème numéro 1
Le réchauffement, « ce n’est pas le premier problème des gens », a rappelé Daniel Boy, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences-Po, qui réalise chaque année pour l’Ademe un baromètre sur les Français et l’effet de serre. Parmi les sujets environnementaux, le changement climatique, qui était largement en tête entre 2007 et 2009, a brutalement « décroché » depuis 2010, situé désormais sur le même plan que les autres inquiétudes majeures sur la qualité de l’eau et de l’air. Une conséquence durable de l’échec du sommet de Copenhague fin 2009 et de la crise économique depuis 2008, analyse le spécialiste de l’opinion. Ce qui ne veut pas dire que les Français se désintéressent de l'environnement. Toujours selon l'Ademe, une enquête réalisée en 2013/2013 montre que les Français seraient de plus en plus sensibles aux problèmes de l'environnement et l'organisme note des pratiques en mutation.
Les alertes sont de plus en plus étayées mais nous avons du mal à modifier nos comportements
En 2010, les négociations internationales impliquant plus de 190 pays sous l’égide de l’ONU ont adopté l’objectif de contenir le réchauffement à 2°C, sachant que la planète s’est déjà réchauffée de 0,8°C environ depuis l’époque pré-industrielle. Mais les engagements concrets des pays placent notre planète sur une trajectoire plus proche de 4°C, selon des études récentes. Le décalage entre les alertes toujours plus étayées des climatologues, réitérées fin septembre 2013 par les experts du Giec, et leur perception dans nos sociétés interrogent les experts du comportement. Selon Annamaria Lammel, maître de conférences en psychologie à l’Université Paris 8, présente au brainstorming de "Météo et climat", la difficulté de modifier nos comportements s’expliquerait notamment par les distances spatiales mais aussi temporelles entre ceux qui subissent le plus le changement climatique et ceux qui en sont la cause.
Culturellement, les humains ne seraient pas formatés pour réagir au mieux à un phénomène aussi global et dont les conséquences se mesurent à une échelle allant au-delà d’une vie.
Garder notre mode de vie
Plus prosaïquement, selon les chercheurs, nous aurions aussi tendance à minimiser une menace qui entre en contradiction avec d’autres intérêts comme notre mode de vie. Et nous laisse démunis. Sociologue ayant interrogé des collégiens du Nord et du Bas-Rhin, Sandrine Bernier a constaté que ces jeunes avaient des connaissances sur l’effet de serre et le réchauffement, mais aussi un « sentiment d’impuissance » sur l’attitude à adopter. « Quelque part, on leur demande de faire un effort, or ils ont parfaitement intégré le niveau de confort actuel de leurs parents, et n’ont pas envie de se priver », a noté la chercheuse.
Le cas de l'agriculture
Chez les agriculteurs, un programme mené dans le Grand Ouest montre que le changement climatique est « perçu » de façon plus concrète à travers des éléments comme des modifications dans les précipitations et des récoltes plus précoces, a expliqué Philippe Merot, directeur de recherche Inra, à Rennes. La climatologue Valérie Masson-Delmotte, rappelant la difficulté de rendre accessibles des informations souvent complexes sur le climat, voit dans ces travaux un encouragement à « réfléchir à la transmission des informations et aux attentes des différents acteurs ».
On laissera le mot de la fin à Jean Jouzel, membre du Giec, qui insiste pour sa part sur la nécessité de « remettre le problème du changement climatique au coeur des préoccupations ». « La France va accueillir la grande conférence sur le climat en 2015. Cela ne peut pas se faire dans un silence assourdissant. »
Cathy Lafon, avec AFP
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