Des militants de Greenpeace bloquent le cargo "Safmarine Sahara", accusé de transporter du bois illégal, dans le port de La Rochelle, le 22 juin 2014. AFP
Il n'y a pas que le nucléaire ou les ours en voie de disparition sur la banquise dans la vie de Greenpeace. La lutte contre la déforestation constitue également l'un des axes fort des campagnes de l'ONG.
Ainsi, ce dimanche, dix militants de Greenpeace à bord de trois zodiacs ont bloqué dans la soirée le cargo "Safmarine Sahara", à l’entrée du port de La Pallice à La Rochelle (Charente-Maritime). Le navire en provenance de République Démocratique du Congo battant pavillon anglais, était suspecté par l'ONG de transporter du bois importé illégalement. Le 14 mai dernier, des activistes de Greenpeace avaient déjà réussi à pénétrer dans le port de commerce de La Rochelle pour manifester contre du bois importé illégalement par une société française.
Le "laxisme" du ministère de l'Agriculture
Selon les informations de l'ONG, une partie des 3.000 m3 de bois (bossé, sipo, sapelli, etc.) sous forme de grumes de la cargaison du "Safmarine Sahara" serait du bois illégal. Depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE) en mars 2013, Greenpeace a déjà signalé à plusieurs reprises l’arrivée ou la présence de bois suspecté d’illégalité dans les ports de l'Hexagone aux autorités françaises. "Sans aucune réaction de la part du gouvernement", regrette l'organisation écologiste.
"Une porte d'entrée du bois illégal en Europe"
"Des milliers de mètres cubes de bois illégal sont entrés en France l'année dernière au nez et à la barbe des autorités", explique Frédéric Amiel, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France. L'action spectaculaire de l'ONG était aussi destinée à reprocher son "laxisme" au ministère de l’Agriculture qui permet, selon elle, ces importations massives et "fait de la France une porte d’entrée du bois illégal en Europe".
Une cargaison très suspecte
Deux des exploitants ayant produit les grumes convoyées par le navire "Safmarine Sahara" présentent un lourd passif d’illégalités dans les concessions d’origine de ce bois : coupe en dehors des zones autorisées, absence de marquage, dépassement des quotas de coupe, abattage sans autorisation d’essences protégées, non-respect des accords passés avec les populations locales, etc. En cas de pays à risque, comme la RD Congo, la règlementation européenne impose aux importateurs de mettre en place un système de vigilance accrue. Les importateurs auraient dû identifier le risque associé à cette cargaison et renoncer à l'importer. Ce qu'ils n'ont pas fait.
L'article 33 du projet de loi d'avenir sur l'agriculture et la forêt
Si Greenpeace demande au ministère de l’Agriculture de procéder à une saisie et d’enquêter sur la cargaison du "Safmarine Sahara" , l'ONG exige aussi par la même occasion du gouvernement qu'il amende le projet de loi d’avenir sur l’agriculture et la forêt, actuellement en discussion au Parlement, pour le rendre conforme au droit européen.
Le maillon faible
Ce qui agace plus précisément Greenpeace, c'est l’article 33 de la loi française, selon lequel peut être déclaré illégal uniquement du bois qui serait signalé comme tel par l’autorité compétente… du pays d’origine du bois. Or, la Commission européenne, consultée sur le projet de texte français, a expliqué que cette interprétation était non conforme avec le règlement européen et risquait de le rendre inopérant. Dans le cas de la cargaison du "Safmarine Sahara", il faudrait en effet que les autorités de la RD Congo, où le secteur forestier est hors de contrôle, signalent elles-mêmes à la France l’arrivée de bois suspect... Une éventualité dont on se doute qu'elle resterait fort improbable. Pour Greenpeace, "si la loi n’est pas amendée, la France risque de devenir le maillon faible du dispositif visant à lutter contre le trafic international de bois, et la déforestation".
Selon le ministère de l'Agriculture, 5 à 15% du bois importé dans l'Union européenne serait illégal. Il y en aurait de 15 à 30% selon Greenpeace.
Cathy Lafon