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Repères. Potentiel énergétique sur les sites couverts par les deux appels d'offre du gouvernement : 6 000 mégawatts. Retombées estimées à 36 000 emplois. Dates prévues pour l'entrée en service: 2015-2016 pour le premier appel d'offres, qui représente un investissement de 10 milliards d'euros. 4 régions concernées : Pays de la Loire, Bretagne, Basse et Haute-Normandie.
Ca ne date pas d'aujourd'hui. Déjà, en mars dernier, mon coeur avait frémi lorsque je t'avais vu à la télévision, commenter l'impensable : dans un pays capitaliste, d'un haut niveau technologique et scientifique, dont la valeur travail est un modèle pour tout l'Occcident, une centrale nucléaire venait de péter. Le 13 mars 2011, le monde entier, sidéré, découvrait que le Japon avait eu une centrale nucléaire qui s'appelait Fukushima. J'avais la grippe, 40 ° de fièvre, le cerveau embrumé, le moral dans les chaussettes et je me trainais consciencieusement devant ma téloche pour ne pas rater le moindre commentaire des "experts" qui défilaient sans rien savoir des réalités de la situation au Japon. "Fukushima addict", je devenais, redoutant une fin du monde dont on ne m'avait pas dit qu'elle était prévue pour le 21 décembre 2012. Quand soudain, on annonce la venue sur le plateau télé du "gendarme de l'ASN", c'est à dire toi, cher ACL. Ouh la la la, me dis-je, celui-là, il va nous refaire du professeur Pierre Pellerin (patron du SCPRI en 1986), genre post-tchernobylesque : "Le nuage de Fukushima, il va éviter la France". "Mais non, ce n'est pas une catastrophe nucléaire là, juste un tsunami qui a mal tourné". "Et puis d'abord, un accident nucléaire, ça ne peut pas arriver en France."
Ou du NKM, genre je noie le poisson : "Fukushima, c'est une catastrophe naturelle, pas un accident technologique nucléaire". Et le lendemain : "C'est un ACCIDENT nucléaire, oui, mais PAS une CATASTROPHE nucléaire. Nuance". Et là, avec tes faux airs de général Bertineau dans "Taxi" (l'excellent Jean-Christophe Bouvet, qui joue le rôle du papa de Marion Cotillard), tu m'as scotchée. Je résume tes propos: "Oui, Fukushima, c'est un accident nucléaire d'une gravité sans précédent". "Oui, cela peut arriver en France, car malgré toutes les précautions prises, un accident nucléaire ne peut jamais être exclu, même en France". J'en avais les larmes aux yeux : un expert du nucléaire et de la sûreté qui va avec, qui ne nous prend pas pour des imbéciles ! Dieu existe, et Eva Joly est la Sainte Vierge !
La révélation
Il a "la révélation", me suis-je dis. Ce gars là, symbole de l'industrie nucléaire française, va virer anti-nucléaire et devenir le meilleur pote de Stéphane Lhomme, ex-héraut girondin du réseau Sortir du Nucléaire et militant actif de Tchernoblaye. Les larmes aux yeux que j'avais. Là, c'était la fièvre qui me faisait délirer. Mais dix mois après, le 3 janvier 2012, mon coeur s'emballe à nouveau ! A l'heure où tu dois remettre, cher ACL, au nom de l'ASN, le rapport commandé par le gouvernement français sur la sûreté de nos centrales françaises, je suis à l'affût de tes propos, sur internet et sur France Info. Et boum, tu récidives. Certes, tu ne demandes l'arrêt immédiat d'aucun réacteur français, mais tu mets les choses au clair : "La poursuite de l'exploitation des centrales nécessite d'augmenter leur robustesse face aux situations extrêmes" et "malgré toutes les précautions prises, un accident nucléaire ne peut jamais être exclu. C'est ce qui fonde toute notre action". Pas de langue de bois, avec ACL. Juste les faits. Et cette façon, juste, élégante et virile à la fois, de se poser en arbitre au dessus de la mêlée, en renvoyant gouvernants politiques et exploitants face à leurs responsabilités. "Il faut un investissement massif" : tu le dis, oui, ça va coûter très cher. Mais tu rajoutes aussi que rien n'interdit à un gouvernement ou à un exploitant, de prendre la décision d'arrêter un ou des réacteurs, s'il s'avère que la mise aux normes de sécurité n'est pas rentable. Fessenheim, suivez mon regard... Alors là, je dis chapeau. Et puisque le nucléaire est là et restera bien là pour des centaines d'années, même si on décide d'en sortir, je nous souhaite d'avoir plein d'autres ACL pour les mille ans qui viennent. Cher André-Claude, tu es bien un des rares gendarmes de ce pays à me donner le sentiment d'être en sécurité.
Alors, je t'embrasse et te souhaite une excellente année 2012. Honnête homme, scrupuleux et indépendant, tu as déjà 70 ans. Puisses-tu rester longtemps encore à la tête de l'ASN.
Le rapport de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire), présenté aujourd'hui par son président André-Claude Lacoste, à François Fillon, estime que la sûreté des centrales nucléaires françaises est suffisante pour qu'elles puissent toutes poursuivre leur activité. Mais, et cela peut paraître un tantinet contradictoire, le patron de l'ASN l'a déclaré lors d'une conférence de presse, reprise sur le site du quotidien "Le Monde" : " la poursuite de leur exploitation nécessite d'augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sécurité dont elles diposent déjà, leur robustesse face aux situations extrêmes. C'est à dire face aux aléas naturels et à la perte d'alimentation en eau ou en électricité".
On retiendra donc que la sécurité des installations nucléaires françaises est d'un niveau suffisant pour que l'exploitation d'aucune d'entre elle ne soit suspendue, mais qu'il faut néanmoins l'améliorer d'urgence...
En outre, il ne s'agit pas, selon l'ASN, de simples recommandations, mais bien de véritables exigences formulées auprès des exploitants, qui ont six mois (avant le 30 juin) pour proposer la mise en place de dispositions organisationnelles et matérielles, permettant de renforcer la sûreté des sites.
Le coût induit pour les exploitants est "massif", comme le souligne clairement André-Claude Lacoste : "un seul diesel d'ultime secours coûte entre 30 et 50 millions d'euros". Il en faudra un pour chaque réacteur : le coût total sur ce seul point sera de l'ordre de 2 milliards d'euros. Au total, il faudra donc compter plusieurs milliards d'euros, et également plusieurs années de travaux et d'investissements, pour que les exploitants puissent prendre en compte toutes les préconisations de l'ASN. Pour le consommateur, voilà qui porte un coup fatal à la croyance en une électricité nucléaire "pas chère"...
Sans être dogmatique, on est en droit de se demander s'il est économiquement judicieux de décider aujourd'hui de consacrer des sommes aussi astronomiques dans tous les sites nucléaires, dont certains sont vieillissants, au lieu d'investir enfin "massivement" dans les énergies renouvelables, tout en programmant la fermeture progressive des centrales les plus anciennes, en renforçant la sécurité des sites appelés à fonctionner plus longtemps. Pour les écologistes : c'est non et définitivement non. Quant à André-Claude Lacoste, il les rejoint peut-être un peu, en renvoyant exploitants et politiques à l'évaluation de la rentabilité des investissements nécessaires : "l'exploitant EDF peut décider d'arrêter un réacteur pour des raisons de coût. Et le gouvernement peut prendre les mesures qu'il veut".