La ministre de l'environnement Ségolène Royal a lancé le coup d'envoi de la loi sur la transition énergétique à la française, le mercredi 30 juillet, en Conseil des ministres. Ici, le 16 juillet 2014. Archives AFP
"Diversification et efficacité" sont les maîtres mots employés par Ségolène Royal, la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, pour caractériser le projet de loi "de programmation de la transition énergétique pour la croissance verte" qu'elle a présenté le 30 juillet, en Conseil des ministres. Au-delà de l'auto-satisfecit, s'agit-il d'un bon texte, ou pas ? Décryptage.
"Décarboner la France"
Présentée comme l'un des textes phares de son quinquennat par François Hollande, la loi sur la transition énergétique était très attendue, après un grand débat national et des travaux préparatoires qui ont duré un an et demi. Elle déboule enfin dans le paysage français, juste avant les traditionnelles grandes vacances politiques du mois d'août. Composée de 64 articles, elle veut montrer la volonté du gouvernement de "décarboner" la France et de verdir la croissance économique du pays.
6 GRANDES AMBITIONS
Au final, la France doit parvenir à alléger une facture énergétique de 68,7 milliards d'euros par an, qui plombe sa balance commerciale, tout en sécurisant son approvisionnement et en assurant un prix de l'énergie compétitif. La baisse du recours aux énergies fossiles doit aussi permettre de lutter contre la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du pays.
6 GRANDS OBJECTIFS
Logiques, six grands objectifs cadrent la loi, à moyen et long terme : réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France de 40 % à horizon 2030 par rapport à 1990, et les diviser par quatre d'ici à 2050; diminuer la consommation énergétique finale de 50 % d'ici à 2050; abaisser la consommation d'énergies fossiles de 30 % pour 2030. Mais aussi porter la part des énergies renouvelables à 23 % pour 2020, puis 32 % pour 2030 et ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % d'ici à 2025. Enfin, dernier objectif : "Créer 100.000 emplois durables et non délocalisables en trois ans."
4 GRANDS MOYENS
Pour permettre à la France d'atteindre ces ambitions dans le respect de leurs objectifs, Ségolène Royal vise quatre grands axes de travail.
1. Priorité au bâtiment
C'est le principal "pilier " sur lequel veut s'appuyer Ségolène Royal et un énorme enjeu. Avec 20 millions de bâtiments mal isolés, et 4 millions de ménages qui peinent à régler leur facture énergétique, le secteur du bâtiment représente près de la moitié de la consommation d'énergie du pays. La ministre de l'Ecologie se donne pour but la rénovation thermique de 500.000 logements par an d'ici à 2017 (objectif fixé dès 2012 mais encore loin d'être atteint). Avec, à la clé, la création de 75 000 emplois.
2. Des transports moins polluants
On connait la chanson par coeur: le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre (27 % du total). Cap sur l'électrique et les véhicules à faibles émissions de CO2, qui devront composer à l'avenir 50 % des flottes de l'Etat et des établissements publics. Pour les particuliers, 7 millions de bornes de recharge pour voitures électriques ou hybrides seront installées d'ici à 2030.
3. Energies renouvelables
Autre refrain connu : la part des énergies renouvelables doit plus que doubler à échéance de 2030. Elles fourniront alors 40 % de l'électricité, 38 % de la chaleur et 15 % des carburants. Aux côtés de l'éolien, du photovoltaïque et des énergies marines, 1.500 projets de méthaniseurs seront lancés. L'hydrogène devrait être aussi un élément-clé de la transition énergétique, comme l'espèrent les professionnels du secteur. Via une Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sur cinq ans, l'Etat entend reprendre la main en matière de production énergétique en fixant la part de chaque source (renouvelable, nucléaire et fossile) dans un schéma que devra respecter EDF. Ce qui introduit la question du nucléaire...
4. Le nucléaire plafonné, oui mais...
Le nucléaire, qui peut encore l'ignorer, c'est le vrai sujet qui fâche tout le monde, des ONG écolos à EDF, en passant par Areva et les Verts et sur lequel la capacité de l'Etat à faire évoluer la donne énergétique dans le pays est attendue au tournant. Différemment, on s'en doute bien, par les uns et les autres. Après des tractations très serrées avec les écologistes qui souhaitaient voir l'Etat en position de fermer des centrales, le gouvernement a finalement retenu l'option de la négociation avec l'opérateur EDF pour ramener à 50% la part du nucléaire dans la consommation d'électricité, contre 75% aujourd'hui. La capacité du parc électronucléaire ne pourra pas excéder son niveau actuel (63,2 gigawatts) : pour mettre en service un nouveau réacteur, EDF devra donc fermer une tranche de même puissance. Même s'il n'y a rien sur la fermeture de Fessenheim (photo ci-dessus) et sur la limitation à 40 ans de la durée de vie des centrales, les Verts se disent satisfaits.
LES REACTIONS
Alors, contents les écolos ? Oui, pour les politiques d'EELV, dont on se demande bien alors pourquoi ils ont quitté le gouvernement... Pas complètement, pour les associatifs. "Il manque des éléments sur les transports, l'agriculture, l'urbanisme, on attend beaucoup des amendements souligne le juriste spécialisé dans le droit de l'environnement Arnaud Gossement, au nom de la Fabrique écologique, une fondation pluraliste qui réunit élus, ONG et entreprises. Regrets partagés par la Fondation Nicolas Hulot. Il n'y a rien non plus dans le texte sur la question de l'exploitation des gaz de schiste, autre grand sujet de polémique énergétique. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, est plutôt carrément satisfait des mesures en faveur de son secteur industriel, prometteuses pour l'emploi.
Et les industriels ? Ces messieurs, dont notamment le PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet se sont dit mercredi globalement satisfaits, mais "prudents". Dont acte.
Et les sous ? Les ambitions et les objectifs, c'est bien joli, mais comment financer tout ça? L'argent, en matière d'énergie comme pour tout, c'est le nerf de la guerre... Pas de souci, Ségolène Royal a prévu le coût. 10 milliards d'euros seraient mobilisés et devraient avoir un effet de levier. 5 milliards de la Caisse des dépôts pour des prêts à 2% aux collectivités, 1,5 milliard pour le fonds pour les énergies renouvelables, 1,5 milliard d'allègements fiscaux, 1 milliard pour la rénovation énergétique des collèges, le reste sous forme de différents prêts (taux zéro pour les particuliers, prêts pour les PME-TPE, etc.). On peut naturellement compter sur Hervé Mariton, de l'UMP, pour avertir que Royal "ne trouvera pas ce financement" en la taxant de "menteuse et de magicienne".
ET MAINTENANT ?
S'il n'est pas parfait et comporte des zones de flou, notamment au regard des enjeux écologiques, le texte est enfin là, avec la promesse présidentielle de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en 2025. Mais pour le gouvernement, le plus dur reste à faire. La bataille parlementaire qui sera lancée en octobre à l'Assemblée s'annonce rude, tant les intérêts divergent...
Cathy Lafon
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur la transition énergétique : cliquer ICI
- Les articles de Ma Planète sur le nucléaire : cliquer ICI
- Les articles de Ma Planète sur les énergies renouvelables: cliquer ICI
- Les articles de Ma Planète sur le réchauffement climatique: cliquer ICI