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Biodiversité marine : des albatros pour lutter contre la pêche illégale

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Les albatros peuvent jouer le rôle de sentinelles des océans. Photo archives AFP

Grâce à des albatros équipés de balise, des chercheurs du CNRS et de La Rochelle Université, associés à l'administration des Terres australes et antarctiques françaises, gestionnaire de la réserve naturelle des Terres australes françaises, peuvent apporter une première estimation du nombre de bateaux de pêche naviguant sans système d'identification dans l'océan Austral. Ces géants des airs dont l’envergure peut atteindre 3,50 m, peuvent en effet parcourir d’immenses distances loin de toute terre, et repérer visuellement à 30 km les bateaux, sur lesquels ils fondent, avant de les suivre pendant des heures. 

"Vastes oiseaux des mers" et sentinelles de la planète

C’est en étudiant la surmortalité des albatros, qui ont tendance à se noyer en happant les hameçons des longues lignes (palangres) utilisées par les pêcheurs, que les scientifiques ont eu l’idée d’utiliser leur attrait pour les navires. « On s’est rendu compte qu’on pouvait développer une partie opérationnelle », explique Henri Weimerskirch, directeur de recherche au Centre d'études biologiques de Chize (La Rochelle) qui a dirigé l’étude, le projet Ocean Sentinel, dont les résultats ont été publiés ce lundi 27 janvier dans la revue américaine PNAS.

Pendant six mois, 169 albatros des îles Crozet, Kerguelen et Amsterdam, dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), ont ainsi été équipés de petites balises pesant à peine 70 g et détectant à 5 km les échos émis par les radars des navires de pêche. Ces données, transmises en temps réel, ont été croisées avec celles du « système d’identification automatique » (AIS en anglais) avec lequel tous les bateaux sont supposés naviguer, mais que certains pêcheurs éteignent pour opérer dans des zones d’exclusion territoriale. Pour éviter les collisions, ils n’éteignent en revanche pas leur radar, permettant ainsi aux albatros espions de détecter les fraudeurs probables.

Plus efficaces que les satellites et les drones

Une technique plus efficace que ne le serait l’observation satellitaire, chère, soumise aux intermittences de survol et « très sensible à l’état de la mer, souvent déchaînée » sous ces latitudes, souligne Henri Weimerskirch. Entre novembre 2018 et mai 2019, les albatros, eux, ont pu patrouiller sans relâche sur plus de 47 millions de km2, permettant la « première estimation » du genre, selon le chercheur. Un peu à la manière de drones, mais sans besoin de les recharger, et « l’intelligence en plus ».

Résultat de cette patrouille des mers aérienne, sur les 353 contacts radars établis pendant la campagne d’étude, « il y a jusqu’à 30 % des bateaux qui n’ont pas leur système d’identification en fonctionnement ». Navires qui ont donc toutes les chances de se livrer à une activité illégale dans ces régions par ailleurs peu fréquentées. La proportion est toutefois « extrêmement variable selon les zones économiques » exclusives, où les Etats exercent souverainement l’exploitation des ressources marines, souligne le chercheur.

La surpêche illégale met à mal la biodiversité marine 

Ainsi, en zone française, contrôlée par la marine nationale et où l’on risque l’interception, « on est à 20 % environ » d’AIS éteints, explique le chercheur. Mais en zone sud-africaine, autour des îles du Prince-Edouard dans les quarantièmes rugissants, « aucun bateau n’était déclaré ». « Certains bateaux chinois ou espagnols s’approchent d’une zone économique et d’un coup il n’y a plus de signal. C’est qu’ils pêchent au bord », analyse le chercheur, qui rappelle que l’activité « est extrêmement rentable ». Le projet, baptisé « Ocean sentinel » (sentinelle de l’océan) et labellisé par le Conseil européen de la recherche (CER), aura « montré qu’il est possible en utilisant des animaux d’obtenir des informations qu’on ne peut récolter par ailleurs », se félicite Henri Weimerskirch, alors que la surpêche illégale met à mal la biodiversité marine. 

L’équipe prévoit déjà une deuxième phase d’étude, avec le déploiement d’une soixantaine de nouveaux albatros patrouilleurs des mers. Et ses travaux ont aussi attiré l’attention du département des pêcheries de Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud et même du Service de la flore et de la faune sauvages de Hawaï.

Cathy Lafon avec l'AFP

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