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Hécatombe : l'Europe a perdu plus de 420 millions d’oiseaux en une trentaine d'années

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Les moineaux se font rares: 61 % d'entre eux ont disparu en 30 ans en Europe. Photo Alain Noël

Environ un million d'espèces animales et végétales sur 8 millions sont menacées d'extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies. C'est la conclusion alarmante d'un rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), dévoilé ce lundi 6 mai. En première ligne des espèces menacées : les oiseaux

 

Il y a un an, au printemps 2018, ornithologues et écologues du Museum naturel d'histoire naturelle et du CNRS lançaient l'alarme : "Les populations d'oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse. en moyenne, leurs  populations se sont réduites d'un tiers en un peu plus de quinze ans." Nos oiseaux familiers disparaissent : merle, tourterelle, pinson, alouette, corbeau freux... En revanche, les populations d'oiseaux forestiers, comme la pie-grièche, le coucou ou les rapaces diurnes augmentent. Mondial, le phénomène n'a pas de frontières. En 2014, une étude publiée par le journal scientifique "Ecology Letters" révélait que l’Europe abritait 421 millions d’oiseaux de moins qu'il y a 30 ans. Sur une population totale estimée à un peu plus de 2 milliards en 1980, plus d’un cinquième des oiseaux européens ont donc disparu en une trentaine d'années...

"La manière dont nous gérons l’environnement est insoutenable pour nos espèces les plus communes"

oiseau,disparition,étude,europeSelon les chercheurs qui avaient analysé les données sur 144 espèces d’oiseaux de 25 pays européens, collectées en général par des observateurs bénévoles, il y a avait encore plus grave : les politiques environnementales actuelles pour répondre à la crise écologique se sont inadaptées et incapables d’enrayer l’hécatombe de nombreuses espèces d'oiseaux communes.

En cause, les méthodes modernes d’agriculture intensive, avec l'usage de phytosanitaires, et la disparition de l’habitat des espèces animales, pourtant protégées dans certains cas par la Directive européennes Habitat-faune-flore. La destruction des haies, réservoirs pour la biodiversité animale et végétale, mais aussi le bétonnage de nombreuses zones rurales ou périurbaines qui s'opère au détriment d'une agriculture de proximité, sont autant d'explications à cette disparition alarmante de la faune ornithologique européenne.  "C’est un avertissement qui vaut pour toute la faune européenne. La manière dont nous gérons l’environnement est insoutenable pour nos espèces les plus communes", expliquait alors Richard Gregory, de la Société royale britannique pour la protection des oiseaux, qui a co-dirigé l’étude.

Jusqu'à 90% de déclin chez les oiseaux familiers

oiseau,disparition,étude,europeSurpris par l'ampleur des dégâts, les chercheurs notaient aussi que le déclin ornithologique qui allait jusqu’à 90%, avait été enregistré chez des espèces aussi familières et répandues dans nos campagnes et nos villes, que la perdrix grise, l’alouette des champs (photo ci-contre), le moineau  et l’étourneau. En trente ans, l'alouette a subi un déclin massif de 46 %, l’étourneau de 58 %, et le moineau domestique de 61 %, soit près de 147 millions d’individus. Quant à la tourterelle, sa population s'est effondrée de 77 %. 

Un phénomène qui n'est pas - encore - irréversible

Pesticides, destruction des "habitats refuges" (haies, arbres, prairies, talus...), artificialisation des sols, réchauffement climatique... La responsabilité des activités humaines ne fait aucun doute dans cette affaire.  à l'inverse, pendant la même période, certaines espèces rares d’oiseaux, protégés par les politiques environnementales européennes de conservation, ont vu leurs effectifs s’améliorer, selon l’étude. En France, des actions d'ONG écologistes ont permis de sauver des espèces menacées comme le vautour fauve, le gypaète barbu ou la cigogne noire. Ce qui montre aussi que l'extinction des oiseaux n'est pas - encore - irréversible. 

oiseau,disparition,étude,europe314 espèces d'oiseaux d'Amérique du Nord en danger

Le phénomène n'est pas seulement européen. Selon une autre étude de l’organisation environnementale américaine National Audubon Societyle réchauffement climatique met en danger d'extinction outre-Atlantique 314 espèces d’oiseaux, dont l'emblématique pygargue, soit plus de la moitié de celles présentes aux Etats-Unis et au Canada,  dont un grand nombre qui jusqu’alors n’étaient pas considérées comme menacées. Les ornithologues ont ainsi identifié 126 espèces qui risquent de perdre plus de 50% – voire même jusqu’à 100% dans certains cas– de leur habitat d’ici à 2050, sans possibilité d’émigrer ailleurs si le réchauffement continue au rythme actuel.

La solution implique un changement radical

Les scientifiques européens, recommandaient déjà en 2014 l’application rapide de nouveaux schémas agricoles et la mise en place de zones vertes en milieu urbain.  "Nous avons encore les moyens d'assurer un avenir durable aux êtres humains et à la planète", assurent pour leur part les scientifiques auteurs du rapport sur la biodiversité mondiale. Mais pour cela, un "changement fondamental à l'échelle d'un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux" et réduise notre impact sur la planète est le seul moyen d'enrayer le déclin de la biodiversité. D'autant que celui-ci est connecté à d'autres enjeux majeurs et tout aussi pressants, à commencer par le réchauffement climatique. Les chercheurs ont ainis modélisé six scénarios, allant du maintien d'un statu quo mondial à une accélération de la mondialisation, ou à un changement profond de société.

Rendez-vous en 2020

A l’occasion du G7 Environnement, qui se déroulait à Metz les 5 et 6 mai 2019, la France, l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni,  l’Union européenne, constituant l’ensemble des pays du G7, ainsi que le Chili, les îles Fidji, le Gabon, le Mexique, le Niger et la Norvège, en présence de l’Egypte, ont adopté symboliquement le jour de la publication du rapport de l'IPBES, le 6  mai,  la « Charte de Metz sur la biodiversité ». Les pays signataires s’engagent ainsi à lutter contre l’érosion de la biodiversité au travers d’actions concrètes, autour de trois axes principaux : accélérer les efforts pour lutter contre l’érosion de la biodiversité, encourager la participation d’autres acteurs et parties prenantes et appuyer l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020.

C'est en effet l'an prochain se tiendra la COP15 biodiversité, dont les experts et les ONG espèrent qu'elle aboutira, dans la foulée de l'état des lieux alarmant des experts de l'ONU, à un accord aussi marquant que celui du sommet sur le climat de Paris, en 2015. Beaucoup le souhaitent ardemment, mais hélas, rien n'est moins sûr. Et puis si accord il y avait, encore faudrait-il qu'il soit contraignant, respecté par les Etats et suivi d'effets.

Cathy Lafon

Illustrations : à l'exception du pygargue, photos d'Aain Noël, photographe animalier girondin.

►PLUS D'INFO

  • Créé en 2012, l'IPBES est un organisme intergouvernemental, qui regroupe plus de 130 pays, et fournit des évaluations sur la biodiversité comme le fait le Giec sur le climat. 

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