Changement climatique : la pétition "l'Affaire du Siècle" a recueilli près de 1,5 millions de signatures en 3 jours
Avec +1,4°C au-dessus de la normale, selon Météo France, 2018 s'annonce comme l'année la plus chaude en France depuis 1900. Avec une température moyenne de 14° C, l'Hexagone s'apprête donc à battre un nouveau record de chaleur qui devrait placer l'année qui s'achève au niveau mondial au quatrième rang des années les plus chaudes, enfonçant le clou de la réalité du réchauffement climatique planétaire.
"Inaction face au changement climatique"
Mais tout le monde ne se résigne pas. Quatre associations, Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France ont annoncé, le 18 décembre, qu'elles allaient attaquer l’Etat français en justice, au nom de l’intérêt général. Pour qu’il "respecte ses engagements climatiques et protège nos vies, nos territoires et nos droits", écrivent les ONG qui espèrent que l'Etat sera un jour condamné par la justice pour "inaction face au changement climatique".
Une première en France
Les associations ont adressé en ce sens ce lundi au Premier ministre et à douze ministres, une requête préalable au gouvernement, accusé de ne pas respecter ses engagements pour réduire les émissions de CO2 de la France. Un texte de 42 pages dans lequel elles pointent "l'action défaillante de l'Etat en matière de lutte contre le changement climatique", et sa "carence fautive à respecter son obligation de protection de l'environnement, de la santé et de la sécurité humanitaire". En revanche, elles ne chiffrent pas le montant des réparations éventuelles.
"L'Etat français a pris des engagements, et ne les tient pas. Par ailleurs, la réalité du dérèglement climatique est documentée, on sait, on voit, on a des témoins. Donc nous voulons porter ce débat, pour que la justice puisse contraindre l'Etat à agir", Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France.
Le gouvernement a deux mois pour répondre à la requête des ONG. Celles-ci prévoient dans un deuxième temps d'introduire un recours juridique devant le Tribunal administratif de Paris, en 2019. Une première en France. Le droit français risque toutefois de se montrer plus rigide que le droit anglo-saxon. En droit latin, il faut en effet démontrer que l’action de l’état porte préjudice, en fonction de quoi le juge administratif peut ouvrir une procédure après dépôt d’une requête. Mais les associations invoquent le précédent néerlandais. Aux Pays- Bas un juge a condamné l’Etat à réduire de 25 % les émissions de CO2 d’ici 2020. L’état néerlandais a fait appel, mais l’affaire a permis de faire monter d’un cran la pression politique sur le sujet, au point que le pays est aujourd'hui le premier à avoir adopté une loi prévoyant la réduction de 95 % de ses émissions de CO2 d’ici 2050.
Au niveau européen, Notre affaire à tous participe aussi une action juridique contre la Commission européenne, complémentaire de ce qui se passe en France. En Italie et en Allemagne, des actions comparables sont aussi à l’étude.
Cette démarche "historique" s'inscrit dans un mouvement mondial : aux Pays-Bas et en Colombie, des citoyens ont déjà gagné leur procès. La campagne est soutenue par de nombreuses personnalités françaises : McFly & Carlito, Juliette Binoche, Cyril Dion, Léa Camilleri, Pablo Servigne, Akim Omiri, Emily Loizeau, Aude Gignac, Lénie Cherino, Elie Semoun, Simon Puech, Aurélien Barrau, Fanny Agostini, Et Tout Le Monde S’en Fout, Max Bird, Nans Thomassey, Juliette Tresanini, LEJ, Léa Camilleri, Guillaume Meurice, Abd al Malik, Charlie Danger, Baptiste Lorber, Marion Cotillard, Lucie Lucas, Shaka Ponk, Nicolas Meyrieux, Mathieu Duméry, Partager c’est Sympa, Cyr!l, et toute l’équipe de #IlEstEncoreTemps et de #OnEstPrêt !
Une vingtaine de d'avocats sont mobilisés autour des associations qui ont également lancé, le 18 décembre, une pétition en ligne pour contraindre l'Etat français à agir pour le climat. Avec un succès fulgurant : en 3 jours seulement, la pétition l'Affaire du Siècle qui vise 2 000 000 signatures en a déjà recueilli 1 452 335, pour soutenir l’action en justice contre l’Etat pour le climat.
Le constat des ONG
"Les changements climatiques sont là : ils affectent déjà nos vies et n’épargnent personne", rappelle le texte de la pétition. "Nous assistons à la montée des eaux, à la fonte des glaces, à la multiplication des événements météorologiques extrêmes, tandis que les espèces animales et végétales disparaissent inexorablement. Les sécheresses et inondations sont de plus en plus dévastatrices. Nos exploitations agricoles sont en danger. L’air que nous respirons est pollué. Le prix de nos factures énergétiques explose. Partout, dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord, les populations vulnérables sont les plus exposées."
Les Etats et les acteurs économiques restent sourds aux innombrables cris d’alarme des plus fragiles, des scientifiques, des associations
"Obnubilés par les enjeux du court terme, les Etats et les acteurs économiques restent sourds aux innombrables cris d’alarme des plus fragiles, des scientifiques, des associations. Alors que les investissements nécessaires pour remédier à la catastrophe devraient être financés majoritairement par les plus aisés, les classes moyennes et les plus démunis y contribuent aujourd’hui de manière indifférenciée. La lutte contre les changements climatiques ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles. La France, notamment, a pris un retard conséquent et reconnaît qu'elle n’atteint pas ses objectifs sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les inégalités face au changement climatique s’aggravent."
L’État a l’obligation d’agir
L'Etat doit prendre les mesures politiques qui s’imposent, tout en garantissant la justice sociale. Il doit réduire notre dépendance au pétrole et nous fournir des alternatives en matière de transport. Il doit, investir dans la rénovation des logements et promouvoir l’usage des énergies renouvelables, en abandonnant le recours aux énergies fossiles et nucléaire. Il doit instaurer l’accès de tous à une alimentation suffisante et de qualité, garantir un revenu décent pour les agriculteurs et lutter contre la déforestation. Il doit aussi mettre en place les dispositifs indispensables à l'adaptation de nos territoires et à la protection de nos côtes. Toutes ces mesures auront un impact positif sur nos vies. Pourtant, ce qui est sur la table aujourd’hui est largement insuffisant.
Ailleurs dans le monde
"La justice est un véritable levier. Elle peut enfin contraindre à l’action. Partout dans le monde, des citoyennes et citoyens saisissent la justice pour que leurs droits fondamentaux soient garantis face aux changements climatiques. Et ça marche. Aux Pays-Bas, la justice a ordonné au gouvernement néerlandais de revoir à la hausse ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En Colombie, 25 jeunes ont fait reconnaître par la Cour suprême la nécessité d’agir contre la déforestation et pour la protection du climat. Au Pakistan, un fils d’agriculteurs a demandé aux juges de contraindre son État à adopter une législation climatique capable de protéger l’exploitation de ses parents, et leur droit à l’alimentation."
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