COP24 : les trois points à retenir d'un accord a minima pour le climat
Manifestation à Katowice pendant la COP 24. Photo AFP - Janek Skarzynski
La COP24, c'est fini. Après treize jours d'âpres négociations, quelques nuits sans sommeils et des prolongations, les délégations de 196 pays ont adopté à Katowice, en Pologne, samedi 15 décembre au soir, les règles d'application de l'accord de Paris, en vue de sa mise en oeuvre effective en 2002. Ce "mode d’emploi" d’une centaine de pages fixe notamment les modalités de suivi des actions nationales. Une flexibilité a été accordée aux pays en développement. En revanche, les Etats ne se sont pas engagés à faire plus et mieux contre le réchauffement climatique, alors que tous les signaux d'alerte sont au rouge et clignotent furieusement. Et ce, au grand dam des ONG, comme en témoignent les réactions du WWF et de Greenpeace.
Le Giec donne seulement 12 ans pour agir
"Les Etats « ont fait des progrès, mais ce que nous avons vu en Pologne c’est un manque fondamental de compréhension de la crise actuelle", estime Manuel Pulgar-Vidal, du WWF, rappelant que le Giec donne seulement 12 ans pour agir. "Ce manque de réponse au rapport du Giec, c’est choquant", ajoute Jennifer Morgan, de Greenpeace : "Vous ne pouvez pas vous réunir après ça, et dire que vous ne pouvez pas faire plus!"
Voici les trois points essentiels d'un accord final flou et sans ambition qui témoigne de la difficulté des États à prendre des décisions concrètes face au changement climatique. Comme on pouvait s'y attendre, l'influence des chefs d'États climato-sceptiques, américains et brésiliens en tête, si elle ne la stoppe pas totalement, constitue notamment un frein puissant à la lutte mondiale contre le changement climatique. Qui n'en a pas vraiment besoin.
1. Manque d'ambition
Pour rester sous +1,5°C, il faudrait réduire les émissions de CO2 de près de 50% d’ici 2030 par rapport à 2010, alors que les engagements actuels des Etats annoncent un monde à +3°C avec son lot de tempêtes, sécheresses, inondations… Pourtant, trois ans après la conférence parisienne, en dépit de l'alarme des scientifiques du Giec, les pays réunis en Pologne n'ont pas revu à la hausse leurs promesses de réduction de gaz à effet de serre. Le texte de la COP qui dit qu'elle "reconnaît le rôle du Giec, chargé de délivrer les données scientifiques permettant d'informer" les pays, se borne à "inviter" "les parties à faire usage des informations contenues dans le rapport". Et dans sa décision finale, le sommet de Katowice se limite de fait à "répéter la demande de mise à jour" des engagements d'ici 2020, déjà formulée dans l'accord de Paris, évoquant seulement des "efforts pour rehausser les ambitions d'ici à 2020". Elle "insiste sur l'urgence d'une ambition accrue", mais sans calendrier. Avec des émissions globales en hausse de 2 à 3% et une trajectoire qui s'oriente vers les 3°C, l'objectif de Paris s'éloigne encore un peu plus.
2. Suivi des engagements de réduction de gaz à effet de serre, mais sans sanctions
Plus de 160 pays ont déposé depuis 2015 des engagements de réduction de gaz à effet de serre. Ceux qui ne l'ont pas fait doivent s'exécuter d'ici à 2020. Ensuite, ces engagements nationaux devront être mis à jour tous les cinq ans. Les règles d'application précisent comment compter les émissions, et ce, à partir de 2024, et ce qu'il faut compter, en suivant les directives du Giec. Elles prévoient que les pays soumettent tous les deux ans un rapport expliquant leurs actions, soumis à l'évaluation d'experts mais sans pouvoir ouvrir la voie à des sanctions. Une flexibilité est accordée aux pays les moins avancés et aux Etats insulaires, en fonction de leurs capacités. Les autres pays en développement doivent fournir un argumentaire et un calendrier. Tous les cinq ans, à partir de 2023, un "bilan mondial" des efforts collectifs sera établi. Sauf que les engagements des pays ne suffisent pas à garantir que le réchauffement climatique n’excédera pas les 2°C.
3. Financements encore insuffisants
Le financement des politiques climatiques est l'autre préoccupation des pays pauvres, notamment la manière dont va s'organiser la montée des fonds promis par le Nord à partir de 2025. L'accord de Paris prévoit que les pays développés aident financièrement les pays en développement à réduire leurs émissions et à s'adapter aux impacts des dérèglements. Ce financement doit être "prévisible" . Le texte de Katowice invite les pays riches à un rapport "qualitatif et quantitatif" sur ces financements tous les deux ans à partir de 2020. "Au nom du groupe "G77 et la Chine", qui représente quelque 130 pays principalement en développement ayant comme les autres approuvé l'accord, l'Égypte a regretté un régime "centré" sur la réduction des émissions, "les besoins urgents des pays en développement étant relégués à un statut de seconde classe".
Alors que les pays du Nord ont promis de passer leur aide climat à 100 milliards de dollars par an d'ici 2020, quelques pays comme l'Allemagne ont annoncé de nouvelles contributions, notamment au Fonds vert. Et la Banque mondiale a promis 200 milliards de dollars pour la période 2021-2025. "Mais il est clair qu’il faudra aller au-delà et faire davantage d’annonces concrètes pour convaincre les pays en développement qu’ils seront soutenus dans leurs efforts pour la transition bas carbone", souligne David Levaï, de l’Institut des relations internationales (Iddri). La France quant à elle, en l'absence du premier ministre Edouard Philippe, qui a annulé son déplacement, crise des Gilets jaunes oblige, s'est bornée à faire le service minimum. François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et Brune Poirson y ont participé, mais sans rester jusqu'au bout et sans annoncer de nouvelles contributions.
Mécanismes du marché carbone
Enfin, les règles des mécanismes d’échange de quotas d’émissions carbone ont bloqué pendant des heures samedi la conclusion des travaux, le Brésil menant la contestation. Le coeur de ce sujet très technique mais qui doit empêcher que des réductions d’émissions soient comptées deux fois, a été retiré du texte adopté. L'article 6 sensé définir l'application des"mécanismes de marché" est donc repoussé à la prochaine COP.
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