Si ça vous a échappé : le récap' des bonnes (et mauvaises) nouvelles de l'été. 7. Bayer, condamné aux Etats-Unis dans le dossier du glyphosate
La condamnation à 289 millions de dollars aux Etats-Unis de Monsanto, propriété du groupe Bayer et fabriquant du Roundup, fragilise le géant de l'agrochimie. Photo AFP
Les vacances, c'est fini ! Le problème, c'est que pendant que vous vous êtes doré la pilule en vous déconnectant de l'actualité, la planète, elle, a continué à tourner... Pas de souci. Pour vous remettre à jour de l'essentiel des nouvelles vertes de l'été, les bonnes comme les mauvaises, Ma Planète vous propose une petite séance de rattrapage. Aujourd'hui : en août dernier, un tribunal de San Francisco a condamné Monsanto à payer 289 millions de dollars d’indemnités pour ne pas avoir informé de la dangerosité de son herbicide au glyphosate, à l’origine du cancer de Dewayne Johnson, un jardinier américain. Le début d'une cascade d'ennuis judiciaires et de difficultés commerciales ? Ca chauffe pour le Roundup...
Après le verdict du tribunal, la sanction des marchés : Bayer, qui a acquis au prix fort Monsanto depuis le mois de juin, a dévissé en Bourse, le lundi 13 août 2018. Violemment attaqué pour 63 milliards de dollars, en quelques heures, le géant allemand dégringolait à la mi-journée de plus de 12% à la Bourse de Francfort, à 81,79 euros, et voyait plus de 11 milliards d’euros de sa capitalisation partir en fumée.
Le groupe américain a immédiatement annoncé son intention de faire appel et Bayer, qui a bouclé début juin le rachat de Monsanto , a défendu samedi l’innocuité du glyphosate, estimant que d’autres tribunaux pourraient « aboutir à des conclusions différentes ». Mais cette déclaration n’a nullement rassuré les investisseurs, inquiets de l’impact sur les comptes de Bayer des milliers de procédures visant Monsanto aux Etats-Unis, à des degrés divers d’avancement.
Risque juridique direct
« Si chaque procès perdu coûte un quart de milliard de dollars, il n’en faut pas beaucoup pour que ça devienne assez cher », soulignait en août dernier auprès de l’AFP Michael Leacock, analyste chez MainFirst. Selon lui, la facture « pourrait facilement atteindre 10 milliards de dollars » pour le nouveau mastodonte de l’agrochimie, en intégrant de possibles accords à l’amiable avec un grand nombre de requérants. La banque Berenberg parvient elle à un chiffre inférieur de moitié, soit 5 milliards de dollars, sur la foi de litiges passés impliquant le laboratoire Merck, pour son anti-inflammatoire Vioxx, et même Bayer, attaqué pour son anticholestérol Baycol.
Incertitude sur l'avenir commercial du glyphosate
« Si les consommateurs le considèrent comme dangereux, il y a un risque pour les ventes à long terme.» Michael Leacock.
Outre le risque juridique direct, le nouvel ensemble doit affronter l’incertitude sur l’avenir commercial de ce produit vedette, vendu depuis 1976 sous la marque Roundup et tombé dans le domaine public en 2000. Herbicide le plus utilisé au monde, depuis que le brevet détenu par Monsanto est tombé dans le domaine public en 2000, le RoundUp est aussi accusé d’être néfaste pour l’environnement et de contribuer à la disparition des abeilles, ou encore d’être un perturbateur endocrinien. Bayer a certes annoncé au printemps la disparition du nom sulfureux de Monsanto, déformé en « Monsatan » ou « Mutanto » par ses détracteurs, dès qu’il aura formellement intégré la firme de Saint-Louis. Mais cette annonce de pure forme, puisque Bayer commercialisera à l’identique les semences et produits phytosanitaires de sa cible, ne solde en rien le passif judiciaire de Monsanto ni les controverses qui l’entourent.
Dans ce contexte, selon Michael Leacock, il est « fort probable » que les investisseurs gardent une vision « très sombre » du mariage Bayer-Monsanto et infligent au titre du groupe allemand « une décote substantielle par rapport à ses pairs ». Dans l’immédiat, Bayer n’a pas voulu préciser s’il avait commencé à provisionner pour affronter les ennuis judiciaires de Monsanto, lui qui avait déjà mis de côté au 31 mars 884 millions d’euros pour ses propres procédures concernant plusieurs médicaments phares. De son côté, la firme de Saint-Louis affichait fin août 2017 277 millions de dollars de provisions pour ses frais judiciaires – une somme plus qu’engloutie par la seule décision californienne.
Des milliers de procédures contre Monsanto et son produit phare le Roundup sont déjà en cours aux Etats-Unis
Voilà pour le volet financier de l'affaire. Malgré la décision du tribunal de San Francisco qui pourrait faire jurisprudence, le groupe pharmaceutique allemand ne semble pas vouloir arrêter la production du glyphosate, toujours plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, mais très critiqué pour son caractère cancérigène, accusé notamment d’être néfaste pour l’environnement et de contribuer à la disparition des abeilles, ou encore d’être un perturbateur endocrinien. Des milliers de procédures contre Monsanto et son produit phare le Roundup sont déjà en cours aux Etats-Unis, à des degrés divers d’avancement. A suivre, donc.
Cathy Lafon avec l'AFP
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