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Emmanuel Macron, "Champion de la Terre" à l'ONU : un titre contesté en France. A tort ou à raison ?

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Emmanuel Macron au One Planet Summit à New York, le 26 septembre 2018. Photo AFP

Ce mercredi, le président français s'est vu remettre le prix de «Champion de la Terre» et de grand ambassadeur des Nations unies pour préparer le sommet pour le climat de septembre 2019, par les Nations unies. Une double récompense de l'engagement d'Emmanuel Macron sur l'environnement, qui témoigne de sa légitimité acquise à l’international, sur les questions climatiques, mais qui, en  France, est contestée par les écologistes. Ces derniers lui reprochant de ne pas donner l'exemple dans son pays, en matière de lutte contre le réchauffement climatique.  A tort ou à raison ? Le point, avec les réactions des ONG.

Emmanuel Macron rejoint donc les happy few du petit cercle de la cinquantaine de « champions of the Earth », dont l'ex-présidente chilienne Michelle Bachelet, l'ex-candidat à la présidentielle américaine Al Gore ou le documentariste français Yann Arthus-Bertrand. Que du très beau monde. Il sera en outre l'un des quinze ambassadeurs chargés de préparer le Sommet international pour le climat, organisé par l'ONU à New York en septembre 2019. Ce n'est pas rien. Le jeune président français aura notamment deux missions : poursuivre la dynamique des "One planet summits" et faire une restitution sur la finance verte,  tous les investissements destinés à favoriser la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, sans lesquels rien n'est possible.

Alors, Macron, "champion de la Terre", ou pas ?

"L'action d'Emmanuel Macron est jugée beaucoup plus positivement à l'étranger qu'ici car il a amené un regain d'énergie positive autour des engagements sur le climat après la sortie de Trump." Le député LREM Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, dans le  "Parisien".

One planet summit

En toute objectivité, on ne saurait contester au président français son titre de "Champion de la Terre" (au sens de "héraut" ou de  "défenseur" de la planète), en matière de diplomatie. La force de son engagement et son dynamisme pour mobiliser la communauté internationale sur l'urgence climatique sont indéniables. Outre les multiples discours offensifs du président à l'ONU sur un sujet jamais ou trop rarement abordé par ses prédécesseurs, dont la fameuse formule « Make our planet great again », lancée en juin 2017 en riposte à Donald Trump qui venait de retirer les Etats-Unis de l'Accord de Paris, on peut mettre à son actif des actes. Dont l'organisation, en décembre 2017, à Paris et à son initiative, du premier One planet summit 

Ce nouveau rendez-vous international, voulu par la France et dédié à la finance verte, dont la deuxième édition s'est tenue à New York ce mercredi après-midi, avait réuni avec succès pour sa première édition 4 000 personnes, dont une cinquantaine de chefs d’Etats mais aussi des banques, des fonds souverains, des grandes entreprises et avait abouti à des engagements forts. Comme celui de la Banque mondiale de ne plus financer des projets d’exploitation de pétrole et de gaz d’ici 2019, ou encore à la promesse d’Axa de quadrupler son objectif d’investissements verts pour atteindre 12 milliards d’euros par an tout en désinvestissant dans le charbon et les sables bitumineux. 

Autres actions concrètes, la France, rappelle 20 Minutes, a aussi joué un rôle important dans la création de l’Alliance solaire internationale en mai dernier. Elle vise une meilleure exploitation de l’énergie solaire et une baisse du recours aux énergies fossiles dans les 121 pays membres, parmi les plus ensoleillés au monde. Même chose pour l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI) qui vise l’installation d’une capacité énergétique renouvelable à grande échelle sur le continent africain d’ici 2020. 

La France doit donner l'exemple

"Ce rôle diplomatique est indispensable et on n’en attend pas moins d’un pays héritier de la COP21", reconnaît Lucie Dufour, du Réseau Action Climat, dans "20 Minutes". "Mais, résume-t-elle, la diplomatie ne suffit plus. L’urgence climatique est telle qu’il faut immédiatement mettre en action les discours."Macron "champion de la Terre" ? Une "blague plutôt qu'une récompense sérieuse", estimait pour sa part ce mercredi Jean-François Juillard, directeur général de Greenpeace France, au micro d'Europe 1.

Verrou politique

En clair, si France est pro-active dans les négociations internationales pour accélérer l’action climatique, bravo. Mais elle doit aussi donner concrètement l’exemple, ce que ne fait pas suffisamment le pays du président "Champion de la Terre", regrettent les ONG. "Il y a toujours en France un verrou politique qui empêche de passer de petits pas à des mesures profondes nécessaires pour assurer la transition énergétique", pointe Lucie Dufour.

On pense bien évidemment au nucléaire, au glyphosate... Les ONG rappellent aussi que la France n’est toujours pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés. Celui, par exemple, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % d’ici 2030 par rapport à ceux de 1990. Après des baisses régulières depuis 2005, les émissions du pays sont reparties à la hausse entre 2016 et 2017 et la France a dépassé son budget carbone de 6,7 % l’an dernier, selon lobservatoire Climat-Energie, publié mi-septembre par le RAC et le Cler-Réseau pour la transition énergétique. On leur objectera toutefois qu'Emmanuel Macron n'est président que depuis mai 2017...  Et que ces dépassements sont l'héritage de son prédécesseur, organisateur en France, avec Nicolas Hulot du fameux Sommet du climat de Paris. Mais le bilan de l'exercice 2018 sera, lui, pleinement le sien. Sera-t-il meilleur? Cela semble, hélas, peu probable. 

Crédibilité écologique

Si le président français est tenu en haute estime sur la scène internationale sur les questions climatiques, on ne peut qu'en être fier et s'en réjouir, ne serait-ce que pour l'image de la France, qui fait, enfin, entendre une voix puissante à l'international sur l'environnement. Reste pour lui à gagner une crédibilité écologique en France. Malgré l'abandon courageux du projet de Notre-Dame-des-Landes, qui a donné pour une fois satisfaction aux écologistes mobilisés dans une lutte emblématique qui durait depuis plus de 50 ans, , la fin des véhicules Diesel et l'objectif de zéro voiture à moteur thermique vendue en 2040, le plan de rénovation énergétique des bâtiments ou encore la décision de réintroduire deux ourses dans les Pyrénées, force est de reconnaître que tel n'est pas encore le cas. En témoignent la démission fin août dernier de Nicolas Hulot, même l'icone verte des Français a pourtant refusé d'accabler Emmanuel Macron et son premier ministre, et les marches pour le climat qui ont suivi, mobilisant pour la première fois de l'histoire du pays plus de 110 000 personnes en France, dont environ 10 000 à Bordeaux, pour interpeller le gouvernement, afin qu'il prenne enfin les mesures d'urgence qui s'imposent pour sauver le climat.

Finalement, c'est le fameux "plan climat" déroulé en juillet 2017 qui explique le mieux les sentiments mitigés des ONG sur la crédibilité de l'action hexagonale du président Macron. Malgré des "mesures qui vont dans le bon sens", comme tous les défenseurs de l'environnement le reconnaissent, concernant la production d'énergie, la réduction du parc nucléaire,nécessaire pour respecter la loi sur la transition énergétique, n'a pas été évoquée par Nicolas Hulot. Quant aux énergies renouvelables, le ministre s'est borné à dire qu'il fallait "encore simplifier le cadre"réglementaire, en se déclarant favorable à "des expérimentations". Un peu vague, tout ça. On comprend la déception des ONG devant ces annonces, par rapport à l'ambition initiale affichée devant elles par le président de la République en juin 2017, tout juste un mois auparavant. Le pays attend encore la révision de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui doit préciser tout ça, d'ici la fin de l'année 2018.

Cela dit, pendant qu'Emmanuel Macron, distingué par l'ONU, plonge en France dans les sondages, et que son engagement vert, aussi imparfait soit-il, ne satisfait même pas les écologistes, Donald Trump, avec un discours anti-écolo, climatosceptique, identitaire et de repli sur soi, bénéficie, lui, de 40% d'opinion favorable aux Etats-Unis. Cherchez l'erreur.

Cathy Lafon

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