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Réchauffement climatique : pour les citoyens, c'est "l'état d'urgence"

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A Bordeaux sur le pont de pierre, le samedi 9 septembre 2018. Photo Ma Planète

Nicolas Hulot en justifiant sa démission au micro de France Inter le 28 août, mettait en avant son extrême solitude : "Est-ce que j'ai une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité est-ce que j'ai une union nationale sur un enjeu qui concerne l'avenir de l'humanité et de nos propres enfants ? ", s'interrogeait avec un brin d'amertume l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire. Samedi, il a eu sa réponse : plus de 110 000 personnes se sont levées partout en France, dont environ 10 000 à Bordeaux, pour marcher pour le climat. Une première dans l'Hexagone où ce genre de manifestation n'attire généralement pas les foules. Et donc une heureuse surprise de taille pour les organisateurs habituels, les grandes ONG comme Greenpeace, les Amis de la Terre ou encore le Réseau action climat, et tout le petit monde des militants écolos qui, politiques ou associatifs, battent le pavé en solo depuis des années à l 'occasion de la Journée mondiale du climat. 

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A Bordeaux sur le pont de pierre, le samedi 9 septembre 2018. Photo Ma Planète

Ce week-end, si l'initiative mondiale de la marche pour le climat "Rise for Climate" a touché tous les continents et toutes les capitales, de Bangkok à Bruxelles, elle a connu un succès tout particulier dans l'Hexagone. Comme si la question du réchauffement climatique avait enfin fait "tilt" dans le cerveau collectif de la société française. Un sacré bond en avant dans la prise de conscience tricolore de la crise écologique à laquelle la planète est confrontée, dû certainement pour partie à l'électrochoc de la démission de Nicolas Hulot, mais aussi à la météo d'un été 2018, le deuxième le plus chaud en France derrière 2003, qui restera vraisemblablement dans les mémoires comme celui de la "bascule" climatique.

Canicule en France comme en Europe du Nord, où elle s'est accompagnée d'une sécheresse hors norme et d'incendies de forêt inédits (en Suède, notamment, et en Allemagne), incendies géants en Californie, en Grèce, au Portugal, records de températures infernaux tombés aux quatre coins de l'hémisphère nord, typhons en série d'une violence inouïe au Japon, à un rythme sans précédent, dont la responsabilité est imputée sans discussion par les experts de l'Agence nationale de météorologie nippone (JMA) au dérèglement climatique... Durant les vacances, sur la plage, dans les cafés et entre amis ou en famille, à l'heure de l'apéro, on ne parlait que de ça : ça y est, la planète est vraiment en surchauffe. Et cela ne fait que commencer : le 28 juillet, dans un entretien au "Monde", le climatologue Jean Jouzel a prédit des étés où les 50°C seraient atteints quotidiennement à Paris d'ici à 2050. Autant dire après-demain.

Environ 10 000 personnes à Bordeaux

A Bordeaux, la foule est venue en nombre, dense, bigarrée et diverse. Tellement dense que le pique-nique prévu au miroir d'eau, le point de rendez-vous de départ, à 12h 30, n'a pas vraiment pu avoir lieu. Tellement dense que la circulation des trams sur la ligne A a été perturbée quelques instants, tant il était difficile de canaliser les marcheurs sur le pont de pierre. Tellement dense que l'action symbolique prévue par les organisateurs, devant le Mégarama, rive droite, côté Bastide, a été annulée, pour des raisons de sécurité. A défaut de se coucher symboliquement sur le sol pour signifier l'urgence du défi climatique, sur l'incitation de Patrick Maupin de Greenpeace, le cortège a poursuivi son chemin en envahissant littéralement les quais de Queyries, avant de rejoindre la caserne Niel, pile poil à l'heure où commençait la conférence de la primatologue Jane Goodall, invitée d'honneur du festival Climax organisé par Darwin.

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La marche sur le climat devant Sud Ouest, quai des Queyries, le 9 septembre 2018. Photo Ma Planète

Pour une "planète vivable"

Ont afflué des jeunes et des moins jeunes. Des pères et des mères de familles avec poussettes, enfants et ados, des femmes enceintes, des grands-parents avec leurs petits-enfants, non politisés en grande majorité, et  qui, pour beaucoup, descendaient visiblement dans la rue pour la première fois. Un peu comme lors des marches de janvier 2015, en réaction à l'attentat de Paris contre "Charlie Hebdo". Bref, ce samedi, c'est surtout, une foule de citoyens bien décidée à monter en première ligne pour faire entendre la cause du climat, afin que l'humanité et les générations futures comme actuelles (car le réchauffement climatique, on y est), "aient une planète vivable" qui a répondu à l'appel de trois jeunes Bordelaises soutenues par Greenpeace Bordeaux, en relais de l'événement créé sur Facebook par Maxime Lelong, ce citoyen qui voulait réagir à la démission de Nicolas Hulot, en lui montrant que non, il n'était pas tout seul.

Ca urge ! 

En tête de cortège, pour donner le ton, une banderole soulignait l'incohérence dont la ville de Bordeaux ferait preuve si elle procédait à l'abattage prévu de 17 grands marronniers sur une place emblématique promise à une prochaine réhabilitation. On sait le rôle précieux de la végétation pour réguler la température en période de canicule dans une grande ville aussi minérale que Bordeaux. Au delà du symbole, renoncer à les abattre serait une décision qui, politiquement, n'aurait pas de prix pour l'image verte Alain Juppé, dont on sait que les préoccupations écologiques sont réelles. Et contribuerait aussi à rassurer définitivement Nicolas Hulot, en lui confirmant que pour défendre la transition écologique, non, il n'est plus tout seul. 

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"Quand c'est fondu, c'est foutu"

"Quand c'est fondu, c'est foutu", "Il n'y a pas de planète B", "Changer le système pas le climat", "Il faut que tu respires, c'est pas rien de le dire"..., "Justice climatique", "Stop aux lobbies !"... pouvait-on lire ailleurs, sur des pancartes de fortune, brandies avec une détermination joyeuse.

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Et ce samedi, à Bordeaux, ça discutait ferme dans les rangs pacifiques de la marche pour le climat. Certains s'interrogeaient sur l'origine de la manifestation, d'autres débriefaient la démission de Hulot, échangeaient leurs pratiques et leurs bons plans d'urbains agro-écolos, s'inquiétaient de l'avenir de leurs enfants et petits-enfants, de la disparition des oiseaux et des abeilles. La plupart n'en revenaient pas d'être si nombreux, laissant les élus locaux de tous bords (PS, France Insoumise, La République en marche, EELV, Mathieu Rouveyre, Loïc Prudhomme, Catherine Fabre, Pierre Hurmic, Dephine Jamet...), noyés dans un étrange anonymat. Et surtout, tous les marcheurs manifestaient leur faim d'action, dans une ambiance d'union nationale sacrée autour de l'écologie, à laquelle Nicolas Hulot aspire tant. Ce dernier a décidément su faire entrer l'écologie dans le coeur de ses concitoyens...

Et après ?

Alors que l'année 2018 devrait battre de nouveau records de chaleur planétaire et à trois mois de la COP24, prévue en Pologne, et à quelques jours d'un sommet mondial des grandes métropoles, le soufflé ne semble pas prêt à retomber. 700 scientifiques ont lancé un "SOS" publié dans "Libération" samedi dernier : "seuls des changements immédiats et des engagements de court terme  [...] nous permettront de relever le défi climatique". Diminution de l'utilisation de moteurs thermiques pour les déplacements, recours massifs aux énergies renouvelables, font partie, rappellent-ils, des outils déjà à disposition. D'autres lancent un appel pour l'interdiction de tous les pesticides, samedi prochain, à travers une Opération coquelicot. Mais si les citoyens semblent avoir enfin pris la mesure du danger, multipliant les initiatives, ils attendent des actes concrets, très rapidement. Comme toujours, la suite politique reste à écrire. Avec un enjeu tout proche : le scrutin des européennes en mai 2019.

Cathy Lafon

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