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Environnement : après un an à l'Elysée, pourquoi le bilan d'Emmanuel Macron reste mitigé

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Deux semaines après l'appel lancé par le président Emmanuel Macron, « Make our planet great again », en juin 2017, la France a débloqué 30 millions d’euros pour « l’accueil d’une cinquantaine de chercheurs sur une durée de 5 ans. Photo archives AFP

Macron et l'écologie ? Pour l'heure, le compte n'y est pas vraiment, disent certains défenseurs de l'environnement, Greenpeace en tête. Pour sa part, l'ONG n'hésite pas à tacler sévèrement le président en résumant la première année de son mandat à "un an de blabla pour le climat". D'autres, plus mesurés, relèvent que le gouvernement a tout de même pris, en un an, un certain nombre de mesures vertes ambitieuses. Y compris pour le climat. 

L'atout coeur Hulot

En convainquant Nicolas Hulot, icône tricolore de l'écologie longtemps courtisée en vain par ses prédécesseurs, d'entrer dans son gouvernement, à la tête d'un super ministère de la Transition écologique et solidaire, au deuxième rang de l'ordre protocolaire gouvernemental, le nouveau président de la République entré en fonction le 14 mai 2017, a scotché pas mal d'écolos qui n'y croyaient pas, et du coup, soulevé aussi beaucoup d'espoir en matière d'environnement. Y compris dans les rangs de ceux qui n'avaient pas voté pour lui, et qui ne demandaient pas mieux que d'être agréablement surpris.

La planète en tête

Le mois suivant, en juin 2017,  "Make our planet great again", ("Rendez sa grandeur à notre planète"), la formule, lancée par Emmanuel Macron en réponse à l’annonce par Donald Trump du retrait des États -Unis de l’Accord de Paris, qui a fait le tour du monde, les avait même galvanisés. La France, gardienne de l'accord climatique conclu lors de la COP21, se mettait ainsi en pole position pour prendre le leadership mondial sur le climat. Une ambition concrétisée le 12 décembre 2017, date du deuxième anniversaire de l'accord, par le sommet dédié à la lutte contre le réchauffement climatique, le "One planet summit"organisé en France par le président de la République sur les enjeux du financement. Indubitablement brillant et convainquant en paroles à l'international, en termes de politique climatique, Emmanuel Macron peine toutefois à décliner son discours en actions tout aussi fortes pour la France. Quand il ne déçoit pas carrément.

Côté déceptions

Nucléaire

Première déception de taille pour les écologistes : la réduction du nucléaire dans le mix énergétique. Alors que la loi de 2015 prévoyait de ramener de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production française d’électricité d’ici à 2025, Nicolas Hulot a annoncé le 7 novembre que 2025 n’était "pas une date réaliste", sauf à retarder la fermeture des quatre centrales à charbon encore en service dans l'Hexagone.  L'argument de "mieux lutter contre les émissions de gaz à effet de serre" est resté en travers de la gorge de nombre d'écologistes. Pire, à leurs yeux : le redémarrage, début avril, du réacteur numéro 2 de la vieille centrale de Fessenheim, à l’arrêt depuis 2016 et qu'ils considèrent comme une passoire potentiellement hautement dangereuse. Ou encore le maintien du projet ultra-contesté du centre d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure. Pour se rassurer (ou pas), ils attend la publication d'une programmation pluriannuelle de l’énergie claire et précise, c’est à dire avec un nombre précis de réacteurs à fermer pour arriver (enfin) à l’objectif de réduction de 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique français, conformément à la loi qui a été votée en 2015.

Hydrocarbures

Deuxième déception: le texte sur la fin de la production d’énergies fossiles sur le territoire français. Fin novembre 2017, la France annonçait le vote de la fin de la production d’hydrocarbure dans l’Hexagone d’ici à 2040. Première mondiale, pour un Etat, comme le soulignait Nicolas Hulot, le signal aurait pu être fort. Mais au final, si l’exploitation du gaz et du pétrole sur le sol national doit être bannie d’ici 2040, les lobbys, et en premier lieu Total, ont obtenu des exceptions, notamment en Guyane. La loi offre la possibilité aux industriels de renouveler les permis d’exploration et de les transformer en nouveaux permis d’exploitation s’ils trouvent du pétrole et/ou du gaz. Surtout, cette loi est jugée par beaucoup purement symbolique : son effet sur les émissions de CO2 de la France  sera très limité, puisque la France importe 99% des hydrocarbures qu’elle consomme.

CETA

Et puis, il y aussi le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada adopté le 21 septembre dernier, et le Mercosur actuellement en négociation avec les pays d’Amérique du Sud. Même si des quotas seront mis en place, les éleveurs bovins par exemple sont préoccupés par la concurrence déloyale de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes règles qu’en Europe. 

Pesticides 

Enfin, si elles reconnaissent que le plan de réduction de la dépendance aux produits phytosanitaires contenant substances toxiques et perturbateurs endocriniens, va dans le bon sens, il ne satisfait pleinement ni les ONG, ni la société civile. A tort ou à raison, l'impression qui prédomine est que le gouvernement continue de subir le poids du lobbying de l'industrie et de l'agriculture intensive. 

Côté satisfactions

Reste que pour l'écologie comme en toute chose "la critique est aisée, mais l'art est difficile". Comme le souligne Nicolas Hulot : "L’écologie tout le monde est pour. Mais tout le monde est contre ce qu’elle implique".  Les défis de la transition écologique sont tellement vastes, conflictuels, contradictoires et complexes qu'on ne saurait les relever en un an et d'un claquement de doigts, aussi verts et décidés fussent-ils. Surtout vu le retard accumulé par la France sur le sujet. 

Zéro voiture thermique

Le verre du bilan vert d'Emmanuel Macron est donc loin d'être entièrement vide. Il compte au contraire un certain nombre de mesures écologiques ambitieuses, comme une partie du "plan climat" de Nicolas Hulot. Doté par le premier ministre, Edouard Philippe, d'un plan d'investissement de 50 milliards d'euros, le plan vise, entre autres, la fin des véhicules Diesel et zéro voiture à moteur thermique vendue en 2040. Un objectif qui fait l’unanimité, même chez les constructeurs qui disent y être prêts. 

Logement 

Le "plan climat" s'attaque aussi aux passoires thermiques, avec lesquelles il veut en avoir fini d'ici dix ans, grâce au plan de rénovation énergétique des bâtiments qui prévoit un objectif de 500 000 logements réaménagés par an. Un sujet de taille : en France, le logement est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre. 

Alimentation 

Ou encore le projet de loi alimentation qui vise à mieux rémunérer les agriculteurs, à servir 20% de bio ainsi que 50% de produits locaux ou labellisés dans la restauration collective, et le bras de fer en cours sur l’interdiction à très court terme de tous les néonicotinoïdes dans les campagnes françaises. La France qui a également bataillé ferme au niveau européen contre le glyphosate, a annoncé qu'elle interdirait le désherbant en trois ans, même si rien encore n'est confirmé dans une loi et si Nicolas Hulot s'est dit prêt à faire des exceptions pour les secteurs de l'agriculture qui ne seraient pas prêts. Ce qui a été perçu comme un recul.

Economie circulaire, transports... 

Au crédit de l'action présidentielle, il faut encore porter le travail enclenché sur l'économie circulaire et la réduction des déchets, domaine dans lequel la France accuse un retard phénoménal, ou encore sur les transports. Après avoir annoncé sa volonté de mettre un coup d'arrêt aux grands chantiers des LGV au profit du développement des trains du quotidien le gouvernement a lancé les Assises de la mobilité qui associent beaucoup d’acteurs, et vont donner lieu à une loi d’orientation attendue par les écolos depuis des années. Elle devrait arriver en septembre à l’Assemblée et permettre à l'Etat d'investir 10 millions d’euros par jour à la rénovation de nos infrastructures.

L'ours

Concernant le "plan loup", en donnant son feu vert pour tuer quatre loups supplémentaires par an, Nicolas Hulot a donné satisfaction à certains éleveurs (dont certains écolos), mais subi les feux nourris de la critique des associations environnementales dont certaines, du coup, en ont oublié de saluer son action en faveur des ours. Après des années de tergiversations de ses prédécesseurs, le ministre de l'Ecologie a en effet tranché pour la réintroduction de deux nouveaux spécimens femelles, afin de pérenniser l'existence de l'ours des Pyrénées. Une décision prise en accord avec Emmanuel Macron, qui a réjoui les scientifiques et les écolos défenseurs du plantigrades... mais ravivé la colère des éleveurs anti-ours. Signé par Nicolas Hulot le mercredi 9 mai, le "plan d'action ours brun 2018-2028", un document très attendu, prévoit même des renforcements de l'espèce au delà des deux ourses déjà annoncées en Béarn. 

Notre-Dame-des-Landes

La décision phare la plus concrète du gouvernement en matière d'écologie sur la période, tout le monde en conviendra, reste sans nul doute l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, que l'on ne saurait résumer à un seul "coup politique". Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a eu le courage de trancher en faveur des opposants, sur la base du rapport argumenté des médiateurs nommés par son gouvernement. Le 17 janvier 2018, le premier ministre Edouard Philippe annonçait ainsi que "les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes". Quant la gestion de l'après-Zad, basée sur la nécessité pour les occupants de rentrer dans le cadre de la légalité mais aussi sur le dialogue, elle est loin d'être aussi désastreuse que certains l'avancent. 

Le cas du "plan climat"

Finalement, c'est le fameux "plan climat" déroulé en juillet 2017 qui explique le mieux les sentiments mitigés des ONG sur l'action du président Macron. Malgré des "mesures qui vont dans le bon sens", comme tous les défenseurs de l'environnement le reconnaissent, concernant la production d'énergie, la réduction du parc nucléaire, nécessaire pour respecter la loi sur la transition énergétique, n'a pas été évoquée par Nicolas Hulot. Quant aux énergies renouvelables, le ministre s'est borné à dire qu'il fallait "encore simplifier le cadre" réglementaire, en se déclarant favorable à "des expérimentations". Un peu vague, tout ça. On comprend la déception des ONG devant ces annonces, par rapport à l'ambition initiale affichée devant elles par le président de la République en juin 2017, tout juste un mois auparavant.

"Sur le diagnostic, rien à redire. Mais où sont les mesures concrètes face à l'urgence climatique ?"

"Sur le diagnostic, rien à redire. Mais où sont les mesures concrètes face à l’urgence climatique? Nous restons sur notre faim quant à la manière d'atteindre les objectifs et tenir les promesses parfois ambitieuses : c'est le cas sur la voiture, le développement des renouvelables et la baisse du nucléaire", commentait ainsi Greenpeace en juillet dernier. Au sujet de l'aide aux pays les plus vulnérables, "les belles promesses ne sont suivies d'aucune mesure concrète", déplorait l'ONG Oxfam, en relevant que "les financements climat et la taxe sur les transactions financières (étaient) totalement absents".

"Il n’y a pas de planète B" 

On reproche aussi à Emmanuel Macron sa trop grande discrétion sur l’environnement lors de chacune ses apparitions télévisées en France. Mais la responsabilité n'en revient-elle pas aux journalistes français eux-mêmes ? Pour les médias de l'Hexagone, contrairement au social, à la diplomatie, aux impôts, au pouvoir d'achat, etc., il semble que le réchauffement climatique ne soit toujours pas un sujet fondamental, qui mérite d'être abordé systématiquement lors de toutes les grands entretiens présidentiels. Pour sa part, le président Macron remet en tout cas le sujet du climat régulièrement sur le devant de la scène internationale. Encore lors de son récent voyage officiel aux États-Unis. Devant le Congrès américain, il a affirmé en anglais que les États-Unis reviendraient un jour ou l’autre dans l’Accord de Paris "car il n’y a pas de planète B ". Encore des paroles ? Certes, le discours macronien reste pour l'instant sans effet immédiat car Donald Trump, têtu, campe sur ses positions. Mais il a le mérite d'exister. 

L'empreinte écologique de la France dans le rouge

Les ONG qui regrettent à juste titre que, pour le moment, les engagements financiers pris par les pays riches dans l'Accord de Paris pour aider les pays du Sud ne sont pas tenus, ont beau jeu de souligner qu'au lieu de diminuer, l'empreinte écologique de la France sur l'environnement a en réalité augmenté depuis la COP 21 à Paris en décembre 2015. Une triste réalité qui, hélas, n'est pas la seule conséquence de l'action du nouveau chef de l'Etat, aux manettes depuis seulement mai 2017. Ce serait trop simple. Techniquement, elle concerne aussi deux ans de fin de mandat de son prédécesseur, François Hollande, mais plus largement, elle est surtout le fruit de décennies de politiques qui ont fait la preuve de leur inefficacité et de leur absence de volonté réelle en ce domaine. Pas plus qu'on ne stoppe pas en un clin d'oeil les émissions de gaz à effet de serre, la transition écologique d'un pays ne s'opère pas non plus en un an. Et une gestion démocratique requiert aussi le consensus de toutes les parties et donc demande du temps. Ce qui est inévitablement contradictoire avec l'urgence climatique.

"En même temps", pour reprendre une des expressions favorite d'Emmanuel Macron, le décalage souvent observé entre la parole et les actes reste bien, à ce jour, le principal reproche que l'on peut à juste titre opposer au locataire de l'Elysée, un an après son élection en matière d'environnement. D'autant que sur bien d'autres sujets, le président et son équipe gouvernementale n'hésitent pas à aller très vite... sans pour autant obtenir de consens préalable. Emmanuel Macron a toutefois encore quatre ans pour convaincre de la sincérité de son engagement pour la planète et faire mentir ceux de ses détracteurs qui estiment que le but suprême du "président des riches", n'est pas la défense de l'environnement, mais le développement du business international de la France. A lui de jouer.

Cathy Lafon

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