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Tri et recyclage des déchets : la consigne des bouteilles en Allemagne, comment ça marche ?

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En Allemagne, une bouteille consignée en verre ou en plastique est réutilisée en moyenne jusqu'à 50 fois. Photo archives AFP  

L'idée trottait déjà depuis un certain temps dans la tête du gouvernement.  C'est désormais écrit noir sur blanc. Parmi les grands axes du "plan de bataille anti-déchets et anti-gaspillage" annoncé ce lundi par le premier ministre, Edouard Philippe, figure le retour de la consigne. 

Le retour de la consigne, oui, mais pas celle de grand-papa et grand-maman... ni de nos voisins allemands  

Ne vous attendez toutefois pas au retour du système qu'ont bien connu grand-papa et grand-maman, avant l'ère du plastique et du tout-jetable, au temps où l'on achetait ses denrées en vrac dans les épiceries. C'est une "consigne solidaire" qui devrait voir le jour en France, grâce à la mise en place de points de collecte d’emballages recyclables - bouteilles plastique et canettes - qui alimenteraient des fonds dédiés à une cause environnementale ou humanitaire. Sur ce point, dans un communiqué, l'association France Nature Environnement (FNE) a salué une démarche "encourageante mais incomplète", déplorant que "le gouvernement favorise le recyclage plutôt que le réemploi, celui que pratiquaient nos grands-parents avec leurs bouteilles en verre". Et que pratiquent avec simplicité, succès et pragmatisme dix autres pays européens : en Europe, 140 millions d'habitants payent 10 à 25 centimes d'euro à l'achat de chaque bouteille pleine, remboursés à la restitution du contenant vide. Avec un taux de retour plus que satisfaisant, puisqu'il dépasse les 80% voire les 90% en Allemagne. Chez nos voisins outre-Rhin, le principe de la consigne, élargi en 2003 par le législateur à des fins écologiques, existe depuis des décennies. Et permet de diminuer de façon significative le volume global de production de déchets. Explications. 

Quand Vodek et Ewa ont débarqué l'été dernier de Berlin en Gironde, pour passer une semaine de vacances au Porge, près de l'océan, chez leurs amis bordelais Olivier et Cathy, ils ne sont pas arrivé les mains vides. Entre autres cadeaux destinés à leurs hôtes : deux caisses de bonnes bières allemandes. Avec une consigne à la clé plutôt surprenante : ne surtout pas mettre les bouteilles vides au récupérateur de verre ! Ces dernières étant consignées, pas question pour les Berlinois de rentrer chez eux sans leurs caisses de bouteilles vides... Ce qui ne les a pas empêchés de faire aussi leurs provisions de vins de Bordeaux.

Comment ça marche ? 

Il faut dire que le système de consigne sur les bouteilles en verre (« Mehrwegpfand ») est quasiment inscrit dans l'ADN allemand. En 1929, l’enseigne Coca-Cola fut la première à proposer dans le pays une caution sur ses bouteilles afin qu'elles soient ensuite réutilisées ! Cela fait donc des décennies que les Allemands ont ainsi l’habitude de rapporter  chez leur commerçant caisses de bière, d’eau ou sodas en échange de leur consigne. Aujourd'hui, quasiment tous les supermarchés allemands sont équipés de machines dans lesquelles les clients introduisent leur bouteille : scanné, leur code-barres détermine le montant de la consigne. Une fois le bon imprimé, la somme peut être récupérée à la caisse ou déduite du montant des courses. Il est également possible de faire don de son bon à une bonne cause.

Une pratique qui marche bien : bouteilles en verre ou en plastique, consignées entre 8 et 15 centimes, peuvent être réutilisées jusqu’à 50 fois, selon le ministère de l’Environnement. Comme l'ont expliqué Vodek et Ewa à leurs amis français, la consigne est notamment plébiscitée par les fabricants de bière dont plus de 85% des bouteilles sont réutilisables, selon des données de 2013. 

Une consigne pour les canettes en alu

Pour faire face à la croissance exponentielle des canettes en aluminium, très polluantes et plus difficiles à recycler, le gouvernement a voulu élargir le système à des fins écologiques en 2003, en instaurant un second système de consigne sur les contenants à usage unique  (« Einwegpfand »). Une caution obligatoire de 25 centimes pèse désormais sur ces récipients dont le volume est compris entre 0,1 litre et 3 litres, pour inciter le consommateur à les rapporter aux distributeurs. Après avoir  tenté, en vain, de combattre la loi devant les tribunaux, ces derniers, désormais contraints de reprendre ces contenants, doivent également assurer un système de recyclage strict pour les différents matériaux. En conséquence, et pour baisser leurs coûts, beaucoup de distributeurs ont préféré se concentrer davantage sur la vente de produits en plastique, ce qui a entraîné la quasi-disparition des canettes en alu du circuit de distribution allemand. 

Une nouvelle loi pour atteindre 70% de contenants réutilisables en 2019

Revers de la médaille : ces dernières années, la consigne sur les bouteilles en verre (« Mehrweg »), dont la logistique est chère et compliquée, n’a fait que reculer au profit de celle sur les contenants à « usage unique » (« Einweg »), passant de 66,3% en 2004 contre 44,3% en 2015. La faute aux grands distributeurs, comme Aldi ou Lidl, qui préfèrent miser sur la manne du plastique, facilement revendable pour être recyclé en autres produits. Mais beaucoup plus polluant à long terme que le verre. Aussi, pour tenter d’inverser la courbe, une nouvelle loi censée promouvoir le « Mehrweg » entrera en vigueur le 1er janvier 2019 avec pour objectif d’atteindre 70% de récipients réutilisables sur le marché. Parallèlement, d’autres contenants seront consignés dans la catégorie « usage unique », comme par exemple les briques de jus ou de boissons à base de lait. 

Enfin, sachez qu'en Allemagne, la consigne est devenue une source de revenus pour les nécessiteux. Ceux-ci circulent en particulier dans les parcs et les quartiers touristiques de grandes-villes comme Berlin, remplissant des caddies entiers de bouteilles pour en récupérer la consigne : un développement inattendu de ce système d'économie circulaire, sociale et solidaire.

Cathy Lafon

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