Pollution de l'air : et si l'Allemagne instaurait la gratuité des transports en commun ?
Des militants de Greenpeace manifestent contre la pollution par le diesel à Stuttgart, dans le sud-ouest de l'Allemagne, le 19 février 2018. Photo archives AFP
L'Allemagne veut prendre à bras-le-corps la question de la pollution de l'air. Sous la double pression de la menace d’amendes de l’Union européenne et de la justice qui laisse aux villes allemande le droit d'interdire certains véhicules diesel dans les villes pour respecter les normes de pollution de l'air, l'Allemagne réfléchit à proposer la gratuité des transports en commun, en fixant des règles pour les rendre plus "propres". Objectif : améliorer la qualité de l'air dans les villes.
Dans un courrier émanant de plusieurs ministres allemands, dont celle de l’Environnement, adressé le 11 février à Bruxelles, Berlin dit envisager d’instaurer « la gratuité des transports publics afin de réduire le nombre des voitures particulières » en circulation, en concertation avec les Etats régionaux et les communes. Le gouvernement envisage aussi de « fixer des règles contraignantes » aux bus et aux taxis pour qu’ils respectent des seuils de pollution. Si le projet se concrétise, « au plus tard à la fin de l’année », cinq villes du pays, dont l’ancienne capitale Bonn (300 000 habitants environ), Essen, la métropole industrielle de la compte près de 600 000 habitants, Herrenberg, Reutlingen et Mannheim devraient donc proposer aux usagers de voyager gratuitement à bord des bus, trams et autres transports en commun utilisés par des centaines de milliers de personnes chaque jour.
Booster les transports en commun déjà en plein boom
Si elle est mise en place, la mesure ravira bien sûr les utilisateurs qui déboursent dans certaines villes comme Berlin 2,80 euros ou Munich 2,90 euros pour un ticket à l’unité. Et surtout, dans un pays où la voiture est reine, booster le nombre d’usagers des transports en commun qui connaît déjà une croissance sans interruption depuis vingt ans. L’an dernier, la Fédération allemande des entreprises de transports a ainsi enregistré 10,3 milliards de déplacements.
L’épineuse question du financement
Mais les intentions de Berlin, bonnes pour la santé des habitants, le climat et la planète, ne font pas le bonheur de tout le monde. D'ores et déjà, le projet inquiète les communes qui craignent de devoir gérer un flot soudain et considérable de nouveaux voyageurs et s’interrogent surtout sur l’épineuse question du financement. « Le gouvernement fédéral doit dire comment il veut financer cela », a prévenu Michael Ebling, président d’une fédération de régies communales (VKU). La part de financement de l’Etat fédéral pour appliquer la gratuité des transports et acquérir de nouveaux véhicules, tout en embauchant du personnel supplémentaire dans les régies de transport, n’est en effet encore nullement définie pour l'heure.
Plus de véhicules écologiques et limiter la circulation automobile
Pour sa part, le maire de Bonn, Ashok Sridharan, constate qu'il va devoir subitement accroître le parc de bus et de tramways écologiques dans sa cité. Or, « je ne connais pas de constructeur qui puisse livrer en un si court laps de temps les bus électriques dont nous aurions besoin », a-t-il averti. L’ONG Greenpeace réclame de son côté des mesures complémentaires, comme de diminuer les possibilités de parking ou d’augmenter les « péages » dans les villes pour limiter la circulation automobile.
Les menaces de Bruxelles
Avec ce paquet de mesures, Berlin espère convaincre Bruxelles de ne pas saisir la Cour européenne de justice à son encontre, comme il menace de le faire pour neuf pays au total, dont la France. Bruxelles, exaspérée devant l’absence de propositions de ces Etats pour réduire la pollution de l’air dans les villes, en dépit de nombreuses mises en demeure qui leur ont été adressées par le passé, les a sommés fin janvier de s’expliquer alors qu’ils dépassent régulièrement les limites d’émissions destinées à protéger la santé des Européens pour deux polluants clés : les particules fines (PM10) et le dioxyde d’azote (NO2).
Les propositions de Berlin interviennent aussi à un moment où les autorités sont sous la pression de la fronde anti-diesel : un jugement de la Cour administrative fédérale vient d'ouvrir la voie à l'interdiction de circulation des véhicules diesel dans certains villes, pour réduire les émissions polluantes.
Ailleurs dans le monde, les tentatives ponctuelles d’instaurer la gratuité des transports en commun se sont avérées jusqu’ici plutôt infructueuses. A tire d'exemple, aux Etats-Unis, la grande métropole de Seattle a ainsi abandonné une telle mesure. Si l'Allemagne réussit à concrétiser ce projet à l'échelle d'une grande nation européenne, ce serait une première mondiale. A suivre.
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