Biodiversité : ce nouveau "Plan loup" qui fâche tout le monde
Dans le parc à loups du Gévaudan, à Saint-Léger-de-Peyre (2012). Photo archives AFP
Préserver la population des loups en France, tout en tenant compte des intérêts des éleveurs ? L'équation semble décidément bien difficile à résoudre. Voire insoluble. Après un an et demi de concertation, le gouvernement a adopté, ce lundi, le nouveau «Plan loup» 2018-2023. Le ministère de la Transition écologique a annoncé que 40 loups maximum pourront être abattus du 1er janvier au 31 décembre 2018, comme en 2017, tout en se fixant comme objectif de pérenniser la présence du canidé en France, en augmentant sa population à 500 spécimens en 2023 contre environ 360 actuellement. Au final, le texte ne satisfait ni les éleveurs ni les écologistes.
Un plafond d'abattage de 40 loups actualisable
Le plafond d'abattage de 40 spécimens - identique à celui de l'an dernier mais désormais calé sur l'année civile et non plus de juillet à juin - pourra toutefois être «actualisé une fois connus les chiffres de la population au printemps, pour être porté à 10% de l'effectif moyen de la population à partir de 2019», précise ce texte. «Dans l'hypothèse où ce plafond serait atteint avant la fin de l'année civile, le préfet coordonnateur aura la possibilité d'activer l'autorisation de tirs de défense additionnels dans la limite de 2 % supplémentaire» ajoute le Plan.
"Manque de courage politique", taclent les associations de défense des animaux
Ce texte entendait satisfaire les associations de défense des animaux et les éleveurs et faire taire les critiques. Sur ce sujet, le "Plan loup" fait chou blanc. Comme l’a résumé le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), ce plan s’inscrit dans une volonté de « freinage, par régulation, de la croissance des populations de loups, allant bien au-delà des possibilités réglementaires de déroger à la protection de l’espèce », estiment dans un communiqué commun France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux, le WWF et Ferus. Pour les ONG, «le loup est à nouveau victime du manque de courage politique».
"L'élevage doit s'adapter à la présence de cette espèce protégée"
«L'État montre ainsi qu'il est dans une position défensive et qu'au lieu d'assumer un objectif de coexistence, il n'a ni le courage de rappeler le cadre de la loi ni celui d'affirmer qu'il est nécessaire que l'élevage s'adapte à la présence de cette espèce protégée», poursuivent-elles, en soulignant que d’autres instances scientifiques comme le MNHN et l’ONCFS ont également souligné qu’une « gestion » du loup basée uniquement sur les tirs de destruction n’apportait pas de solution pérenne pour réduire les attaques sur les troupeaux. L'association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) a, quant à elle, prévu d'attaquer devant la Conseil d'État le texte, accompagné de deux arrêtés qui devront être publiés au Journal Officiel, parce qu'ils traiteraient le loup comme «un nuisible».
Tirs de "défense" facilités pour les éleveurs
Côté éleveurs, les réactions sont tout aussi négatives. Pour des raisons diamétralement opposées, on s'en doute. En cas de situation exceptionnelle, précise le document, «le préfet coordonnateur pourra autoriser les tirs de défense simple au-delà de ce plafond pour que les éleveurs puissent se défendre toute l'année». Le texte facilite donc ces tirs de «défense», effectués à proximité du troupeau subissant des attaques. Mais cela ne satisfait pas la FNSEA. «Notre inquiétude, c'est qu'il faudra l'accord du préfet coordonnateur pour dépasser la limite des 40 loups autorisée quand il y a une attaque», a réagi la présidente de l'organisation, Christiane Lambert, lors d'une conférence de presse. «Nous avons demandé qu'à chaque attaque, on tue le loup en cause. Cela permet d'éliminer le loup agressif et d'apprendre aux autres ce qui se passe quand on s'approche des troupeaux», a-t-elle ajouté. Les tirs de «prélèvement» - à distance du troupeau, souvent lors de battue de chasse - ne pourront, eux, être activés qu'entre septembre et décembre.
Les éleveurs réclament un "droit légitime à défendre leur troupeau"
Pour soutenir les éleveurs, le "Plan loup" prévoit notamment des aides à la protection des troupeaux (bergers pour le gardiennage, chiens, parcs électriques) et le développement de mesures de protection et d'effarouchement «innovantes». Mais il précise aussi que les indemnisations des éleveurs seront désormais soumises à la mise en place préalable de mesures de protection, une mesure particulièrement contestée dès son annonce. Enfin, les éleveurs jugent que le nouveau «Plan loup» ne leur octroie toujours pas «un droit légitime à défendre en permanence leur troupeau». En 2017, près de 12 000 brebis ont été tuées par le canidé, selon un décompte officiel, font-ils valoir, en réclamant la suppression du plafond de loups pouvant être tués, le maintien des tirs de prélèvement tout au long de la campagne ou encore l'abandon de la "conditionnalité" dans l'indemnisation des victimes.
Cathy Lafon avec l'AFP
►EN CHIFFRES
- Éradiqué depuis la fin des années 1930, le loup, arrivé d'Italie, est réapparu dans les Alpes françaises fin 1992 et étend son territoire depuis. Strictement protégée, sa population est aujourd'hui estimée à quelque 360 individus, contre 292 en 2016.
►A LIRE
- Le plan national national d'action 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage : cliquer ICI
- Les articles de Ma Planète sur le loup : cliquer ICI