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Glyphosate : alors, stop ou encore ?

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Le 22 septembre 2017, Nicolas Hulot a rencontré les manifestants de la FNSEA, vent debout contre une "interdiction unilatérale du glyphosate" en France. Photo AFP

Ce jeudi 5 octobre 2017 (ou le 6), la Commission européenne examine le renouvellement de l'homologation pour dix ans du glyphosateUne majorité qualifiée est requise (1), et la France, qui a un rôle de blocage clé au niveau européen, avait annoncé fin août, par la voix de son ministre de l'Ecologie, Nicolas Hulot qu’elle voterait contre. L'Hexagone devrait donc voter aujourd'hui contre la réautorisation en Europe de l'herbicide controversé et classé "cancérogène certain" par l'OMS, qui entre dans la composition du Roundup, le produit phare de Monsanto, en raison des doutes qui demeurent sur sa dangerosité. Pour être validée, la proposition de la Commission européenne doit recueillir le soutien de 16 des 28 Etats membres représentant au moins 65% de la population de l'UE.

Mais au niveau national, dans l'Hexagone, c'est moins clair. L'interdiction du glyphosate donne lieu à un nouveau bras de fer franco-français. Courant septembre, la Fnsea est remontée au créneau, protestant contre "une décision gouvernementale interdisant unilatéralement de tels produits en France". Le glyphosate doit en effet être interdit en France pour tous les usages d'ici la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, a rappelé dans la foulée le porte parole du gouvernement Christophe Castaner, mais cette information a été démentie plus tard par Matignon... Côté gouvernement, les annonces des ministres se succèdent et semblent se contredire, au risque de mécontenter tout le monde, agriculteurs, conventionnels ou bio, consommateurs et écologistes. Alors, on en est-où ?

La Fnsea vent debout

Le vendredi 22 septembre 2017, mobilisés à l’appel de fédérations départementales de la FNSEA, premier syndicat agricole de France, et de l’organisation des Jeunes Agriculteurs, 250 agriculteurs environ manifestaient en bloquant l’accès à l’avenue parisienne des Champs-Elysées, à Paris, pour protester contre une décision gouvernementale qui interdirait unilatéralement de tels produits en France, tout en préservant la possibilité d’importer des produits agricoles traités ailleurs à des herbicides comme le glyphosate.

Nicolas Hulot et les effets cocktails

"J’ai besoin, moi, d’être rassuré sur la sécurité alimentaire et sanitaire sur le long terme. Vous connaissez comme moi les phénomènes de bio-accumulation et les effets cocktails". Nicolas Hulot

Le ministre de la transition énergétique, Nicolas Hulot, a rencontrés les agriculteurs en colère, en mettant en avant l’importance de la tenue des états généraux de l’alimentation pour régler le problème des produits phytosanitaires. "J’entends les doléances des consommateurs qui voudraient aussi qu’on ait ensemble une perspective (...). Mon idée, c’est de rassembler l’ensemble des acteurs car il y a quelques responsabilités qu’on pourrait mieux partager", déclarait-il aux agriculteurs sortants de l’Elysée, pendant que le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, évoquait lui, le même jour, une prolongation de "5 à 7 ans".

Ce que prévoit le premier ministre 

phytosanitaires,pesticides,herbicides,glyphosate,interdiction,polémique,europe,nicolas hulotEnfin, le lundi 25 septembre, le porte parole du gouvernement, Christophe Castaner, annonçait que le Premier ministre avait "arbitré" pour que le désherbant controversé glyphosate, interdit pour les particuliers en 2019, soit définitivement interdit en France d’ici la fin du quinquennat pour tous les usages, y compris en agriculture. Edouard Philippe a précisé que la France arrêtera sa position sur le glyphosate en fonction à la fois des conclusions des Etats Généraux de l’alimentation et d’un rapport que doivent lui remettre les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, présentant des alternatives à la molécule controversée. Après quoi la France confrontera sa position à celle de la Commission européenne. 

"Cette nouvelle position française est inacceptable"

Loi de calmer le jeu, les déclarations gouvernementales ont attisé le feu. "On sait que la Commission européenne a pris des positions favorables à la ré-autorisation du glyphosate !", s'est indignée Générations Futures. "Cette nouvelle position française est inacceptable", a réagi aussitôt dans un communiqué l'ONG. "Contrairement à ce que semble dire le porte-parole du gouvernement dans tous les médias, la position de la France n’est plus celle d’une interdiction ferme et rapide de cette substance, qui rappelons-le a été classée cancérigène probable pour l’homme par le CIRC, mais d’une interdiction sous conditions et dans combien de temps ? Nul ne le sait...". "Cette substance doit être interdite le plus rapidement possible, soit dans l'année qui vient, le temps pour les agriculteurs de mettre en place les techniques alternatives existantes", martèle Générations Futures, en exhortant la France à "ne pas céder aux pressions du lobby agro-chimique qui a tout intérêt à maintenir sur le marché cette molécule dangereuse". 

"Une partie du rapport de l'Europe copiée/collée d'un document de Monsanto"

La suspension de la position du Premier ministre à celle de la Commission européenne peut en effet inquiéter les écologistes et les anti-glyphosate. En juillet dernier, la Commission s’est dite favorable à ce renouvellement, en s’appuyant en particulier sur un rapport de l’agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) de 2015, concluant qu’il n’y a pas de raison de classer le glyphosate comme cancérogène. Or, le 15 septembre 2017, deux quotidiens italien et britannique, "La Stampa" (en italien) et "The Guardian" (en anglais), ont révélé qu'une centaine de pages de ce fameux rapport sur le glyphosate semblent être une copie de la demande de ré-autorisation déposée en 2012 par le groupe américain Monsanto lui-même, au nom de la "Glyphosate Task Force " un consortium de plus d’une vingtaine d’entreprises commercialisant des produits à base de glyphosate en Europe...

"Les sections du rapport de l’Efsa qui réexaminent les études publiées sur l’impact potentiel du glyphosate sur la santé humaine sont copiées, quasiment mot pour mot, sur le dossier présenté par Monsanto", écrit La Stampa. "Ce sont 100 pages sur environ 4 300 dans le rapport final, mais il s’agit des sections les plus controversées et au centre de l’âpre débat de ces derniers mois", souligne le quotidien italien.

Les deux journaux qui précisent que les deux documents sont disponibles sur internet, rappellent que l’Efsa avait pourtant assuré que son rapport, élaboré pour l’occasion par l’agence sanitaire allemande BfR, était basé sur une évaluation objective de l’ensemble de la recherche scientifique sur les effets du glyphosate. L’Agence européenne en charge des produits chimiques (Echa) a d’ailleurs abouti à la même conclusion que l’Efsa, même si le glyphosate reste classé comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ, OMS).

Bref, pour l'interdiction du glyphosate, c'est encore loin d'être gagné.

Cathy Lafon

(1)  Pour être validée, la proposition de la Commission européenne doit recueillir le soutien de 16 des 28 Etats membres représentant au moins 65% de la population de l'UE. Une audition du géant de l'agrochimie Monsanto est prévue au Parlement européen le 6 octobre : ce dernier a d'ores et déjà refusé d'y assister et est menacé d'interdiction d'accès au Parlement.

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►PLUS D'INFO

  • A QUOI SERT LE GLYPHOSATE ?

Utilisé sur 33 % de la surface agricole, l'herbicide sert principalement à nettoyer le sol avant l'implantation d'une culture (80% des utilisations).

  • EN CHIFFRES

826 000 tonnes de glyphosate ont été utilisées dans le monde en 2014. En France, la substance est présente dans 60% des cours d'eau. La Gironde, la Charente-Maritime, la Charente et le Gers sont dans le Top 10 des départements qui en consomment le plus (plus de 200 tonnes/an) (chiffres moyens 2011-2013).  En 2016, il existait plus de 300 désherbants à base de glyphosate, homologués en Europe et vendus par 40 sociétés différentes.

  • QUELLES ALTERNATIVES ?

L'alternative au glyphosate, herbicide, consiste notamment à arracher l'herbe avec des moyens mécaniques. Plus coûteux (une étude de l'institut Ipsos chiffre le coût à plus de 2 milliards d'euros pour l'agriculture, principalement céréaliers et viticulteurs), mais plus sain : des études ont pointé les effets perturbateurs endocriniens de la substance chimique, classée cancérogène certain par le Centre international de recherche contre le cancer.

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