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Pesticides néonicotinoïdes "tueurs d'abeilles" : les leçons d'un premier bras de fer pour l'écologie

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Matignon a donné raison à Nicolas Hulot face à son collègue de l'Agriculture, Stéphane Travert. Photomontage AFP

On se rappelle que, dans le long feuilleton des pesticides, la France a voté l'interdiction des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, les fameux "tueurs d'abeilles", comme le Gaucho et le Cruiser, à partir de septembre 2018, sauf dérogation valable jusqu'en 2020. Une mesure obtenue de haute lutte dans la loi biodiversité par les écologistes, les apiculteurs et les ONG. 

Et sur laquelle le premier gouvernement d'Emmanuel Macron, dirigé par Edouard Philippe, ne reviendra pas, contrairement à ce que Stéphane Travert (LREM), le ministre de l'Agriculture, avait laissé entendre ce lundi 26 juin sur RMC/BFMTV. Un premier gros "couac" qui n'aura duré que quelques heures, et auquel Matignon a rapidement mis fin en tranchant en faveur de Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, aux dépens de son homologue de l'Agriculture. Donnant ainsi raison à la cause écologique, face aux lobbys de l'agrochimie et de l'agriculture conventionnelle.

Certains pesticides "n'ont pas de produit de substitution"

pesticides,néonicotinoides,abeilles,apiculture,gouvernement edouard philippe,nicolas hulot,président macron,polémique,interdiction"La législation française "n'est pas conforme avec le droit européen" qui est plus souple, avait déclaré ce lundi matin le nouveau ministre de l'Agriculture sur RMC/BFMTV, en assumant vouloir revenir sur cette interdiction, au motif que certains pesticides "n'ont pas de produit de substitution". "Nous devons pouvoir autoriser des dérogations pour permettre leur autorisation afin que nos producteurs puissent continuer à travailler dans de bonnes conditions", avait-il poursuivi, exprimant sa volonté de "travailler sur ce sujet avec [son] collègue de l'Environnement", souhaitant "bâtir un compromis".

Réponse cinglante de Hulot 

Une position immédiatement et fermement démentie sur RMC par son collègue de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot."Les interdictions de néonicotinoides et épandage aérien ne seront pas levées, les arbitrages ont été rendus en ce sens", avait-il ensuite précisé sur Twitter, en assurant qu'il ne ferait "aucune concession" sur les sujets de santé. Une réaction au demeurant pas vraiment surprenante: sur la question des pesticides néonicotinoïdes, en écolo convaincu, Nicolas Hulot a toujours plaidé pour une interdiction pure et simple de ces produits, toxiques pour la santé humaine et la biodiversité. "Pouvons-nous faire fi de toutes les alertes que les scientifiques mettent à notre disposition pour éclairer nos choix ? Pouvons-nous repousser indéfiniment les décisions à prendre ? En détruisant la biodiversité, notre propre sort est en jeu. Interdisons les pesticides néonicotinoïdes", écrivait le fondateur et président de la Fondation Hulot, dans une tribune publiée par Le Monde, en mars 2016.

Tout le monde se lève contre les néonicotinoïdes

Sur les réseaux sociaux, les propos de Stéphane Travert avaient aussi sec enflammé le mundillo des défenseurs de la planète, des plus récents adeptes de la cause verte, comme Benoît Hamon, aux historiques, comme Corinne Lepage, en passant l'ex-patronne des Verts, Emmanuelle Cosse. A gauche comme à droite, voire à l'extrême-droite, les réactions étaient unanimes : pas question d'un retour en arrière sur ce sujet. "Non aux pesticides tueurs d'abeilles. + de 50% des abeilles ont disparu en 15 ans et pourtant, par la pollinisation, elles sont vitales", tweetait Guillaume Peltier, porte-parole  de Les Républicains. "Non à la réintroduction des #néonicotinoïdes tueurs d'#abeilles : notre santé vaut plus que leur soumission aux lobbies qui gouvernent l'UE!", renchérissait le numéro 2 du Front national, Florian Philippot. Bref, les politiques de tous bords, comme la société, ont fait leur aggiornamento sur les questions d'écologie, en tout cas celles liées à la pollution et à la santé

"Le" test

Le président Macron avait promis durant la campagne de ne pas revenir sur cette interdictionSincérité ou affichage politique ? Il revenait à Edouard Philippe, le premier ministre, de trancher. Réflexe pavlovien, chez les écolos, le doute est tenace. Surtout depuis le quinquennat Hollande, où chacun a en mémoire le recul désastreux du gouvernement sur l'écotaxe, et les atermoiements incessants d'une majorité présidentielle incapable de trancher sur la plupart des sujets liés à l'environnement, dès lors qu'ils faisaient polémique. La conclusion de cette première passe d'arme revêtait donc une importance doublement capitale. Au delà de la seule question des néonicotinoïdes, la résolution de la crise par le premier ministre devait donner la tonalité du quinquennat qui démarre. En matière d'écologie mais pas seulement. Tout en fournissant, par la même occasion, un premier indice de la survie de Hulot au sein du gouvernement. 

Ouf, on respire ! 

Pas question donc pour Edouard Philippe de revenir en arrière sur une interdiction fondamentale pour l'avenir des abeilles, de la biodiversité et de la santé humaine. Depuis son élection, Emmanuel Macron, s'il n'a pas mis en avant l'écologie durant sa campagne, semble accumuler les preuves d'une forte conviction en la matière, pour l'avenir du climat, de la planète et de l'humanité. Concernant Nicolas Hulot, ceux qui le connaissent un peu se doutent bien qu'ils n'aurait jamais accepté le poste de ministre de l'Ecologie s'il n'avait eu quelques assurances en la matière. L'homme, qui jouit d'une forte popularité, ressort conforté de cette courte passe d'armes. Mais il y a plus important. S'il y aura nécessairement d'autres frictions, d'autres discussions et d'autres arbitrages à rendre - sinon nous ne serions pas dans une démocratie - pour une fois dans l'Hexagone, un chef de gouvernement a tranché clairement en faveur de l'écologie. En plein accord avec le président de la République qui s'est engagé samedi à défendre le projet de "pacte mondial pour l'environnement" qui grave dans le marbre le principe de la non régression du droit. 

Moralité : écologie et agriculture, ces deux "ennemis" historiques, vont devoir apprendre à travailler ensemble pour l'intérêt général et le bien des Français, ne serait-ce que pour protéger leur santé, un point non négociable pour Nicolas Hulot. "On gagnera ensemble", ou pas, a conclu le ministre de la Transition écologique, conscient d'avoir rapporté une bataille mais pas la guerre, à l'issue d'un couac finalement riche d'enseignement.

Cathy Lafon

►PLUS D'INFO

Les néonicotinoïdes fonctionnent en ciblant, chez les insectes nuisibles, les neurones du système nerveux central, entraînant une mort par paralysie. Placées dans l’enrobage des semences de céréales, ces substances sont diffusées de manière préventive. Ce fonctionnement à large spectre et à forte persistance pose plusieurs problèmes. D'abord, un certain nombre d'études scientifiques sur le sujet font consensus autour de la question de la mise en danger des abeilles domestiques. Outre les insectes nuisibles, les néonicotinoïdes agissent également sur les pollinisateurs en attaquant leur système nerveux central. Et s'ils ne les tuent pas directement, il contribue à les désorienter, mettant ainsi à mal leur capacité de reproduction. Dans une publication de janvier 2016, l'Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) insistait sur les "sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices" des néonicotinoïdes. Plus de 90% de ces produits se retrouvent en outre dans les sols et peuvent y rester plusieurs jours à plusieurs mois ou années. Ils sont également solubles dans l'eau, ce qui facilite la contamination des écosystèmes aquatiques et des nappes phréatiques, avec des incidences sur la santé humaine.

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