Découverte: la larve d'un papillon qui dévore le plastique pourrait nettoyer les océans
Une larve de la fausse teigne de la cire, à Santander, en Espagne, le 17 avril 2017. CSIC/AFP/Archives Cesar HERNANDEZ
Mère Nature fournira-t-elle elle-même une solution à l'une des sources majeures de dégradation de l'environnement ? En Espagne, des chercheurs ont découvert une larve capable de dévorer le polyéthylène, l’une des matières plastiques les plus résistantes, utilisées dans de nombreux emballages.
"Les déchets plastiques sont un problème environnemental mondial, surtout le polyéthylène, particulièrement résistant et qui est très difficilement dégradable naturellement", explique Federica Bertocchini, une chercheuse au Centre espagnol de la recherche nationale (CSIC), auteur de la découverte, publiée dans la revue américaine Current Biology. Cette larve de la fausse teigne de la cire (Galleria mellonella), un papillon très répandu, pourrait permettre de bio-dégrader rapidement ce polluant dont, chaque année, quelque 80 millions de tonnes de polyéthylène sont produites dans le monde, et qui s’accumule dans l’environnement, notamment les océans.
Une larve "plasticophage"
Elevée commercialement en grand nombre pour servir d’appât pour la pêche, à l’état sauvage, cette larve est un parasite des ruches qui se niche dans la cire d’abeilles, partout en Europe. Egalement apicultrice amateur, la scientifique a observé que les sacs en plastique dans lesquels elle plaçait la cire des ruches infectée par ce parasite étaient rapidement criblés de trous. D’autres observations avec un sac de supermarché au Royaume-Uni, soumis à une centaine de ces larves, ont montré que celles-ci pouvaient endommager le plastique en moins d’une heure.
Dégradation du plastique à vitesse grand V
Des trous commençaient à apparaître après seulement quarante minutes et au bout de douze heures, la masse de plastique du sac était réduite de 92 milligrammes, ce qui est considérable, expliquent ces chercheurs. Ils soulignent que ce taux de dégradation est "extrêmement rapide" comparativement à d’autres découvertes récentes telle que celle d’une bactérie, l’an dernier, qui peut également dégrader certains plastiques mais au rythme de 0,13 milligramme par jour seulement.
Biotechnologie
Les auteurs de cette dernière découverte pensent que la larve de la fausse teigne de la cire n’ingère pas seulement le plastique mais qu’elle le transforme ou le brise chimiquement avec une substance produite par ses glandes salivaires. « L’une des prochaines étapes sera de tenter d’identifier ce processus moléculaire et de déterminer comment isoler l’enzyme responsable », expliquent-ils. « S’il s’agit d’une simple enzyme on pourra alors la fabriquer à une échelle industrielle grâce à la biotechnologie », estime Paolo Bombelli, de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni, un des principaux co-auteurs de ces travaux.
Un outil pour éliminer les déchets de plastique poltéthylène
Selon lui, "cette découverte pourrait être un outil important pour éliminer les déchets de plastique polyéthylène qui s’accumulent dans les décharges et les océans." Actuellement, le processus de dégradation chimique de ces déchets plastiques avec des produits très corrosifs comme l’acide nitrique peut prendre plusieurs mois. Laissés dans la nature, il faut environ un siècle pour que ces sacs plastique se décomposent complètement. Pour les plastiques les plus résistants, ce processus peut prendre jusqu’à 400 ans.
On connaissait déjà l'"effet papillon", dont la formulation exacte qui en est à l'origine, fut exprimée par Edward Lorenz en 1972, par la question suivante : "Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?"... La petite larve de l'un des papillons les plus répandus sur Terre pourrait, elle, contribuer à changer (en mieux) la face des océans. Ce qui ne surtout pas dire qu'on peut continuer à produire des sacs plastique jetables, destinés à finir dans les mers pour les polluer durablement.
Cathy Lafon avec l'AFP
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- Le polyéthylène est surtout utilisé pour l’emballage et compte pour 40% de la demande totale des produits plastiques en Europe dont 38% se retrouvent dans des décharges. Chaque année, mille milliards de sacs plastiques sont utilisés dans le monde et chaque individu utilise en moyenne plus de 230 de ces sacs, produisant plus de 100 000 tonnes de déchets.
- Environ huit millions de tonnes de plastique sont déversées tous les ans dans les mers et océans du globe, selon une étude publiée en 2015 dans la revue américaine "Science".
- Les scientifiques pensent qu’il pourrait y avoir jusqu’à 110 millions de tonnes de déchets en plastique dans les océans. Des petits fragments de plastiques peuvent absorbés par les poissons et les autres espèces marines.
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