7 choses à savoir sur le décret anti-climat de Donald Trump
Donald Trump veut "mettre fin à la guerre contre le charbon". Photo AFP
Contrarié sur l'immigration et la santé, Donald Trump continue ses attaques contre l'héritage Obama et veut se rattraper sur l'environnement. Si l'on peut dire. Après avoir donné son feu vert, le vendredi 24 mars 2017, au Keystone XL, un projet controversé de nouvel oléoduc entre le Canada et les Etats-Unis, le président américain a entamé ce mardi le détricotage des mesures de lutte contre le réchauffement climatiques mises en place par son prédécesseur Barack Obama, avec la volonté affichée de donner un coup de pouce aux énergies fossiles, au nom de l'emploi. Pourquoi et avec quelles conséquences ? Décryptage.
1. Pour Trump, "l'ennemi de l'économie, c'est l'environnement"
A 20h, heure de Paris, le président américain qui a ouvertement mis en doute la réalité du changement climatique, s'est rendu ce mardi au siège de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), à quelques centaines de mètres de la Maison Blanche, dont il déjà réduit de près d'un quart le budget de fonctionnement, pour signer le "Décret sur l'indépendance énergétique". "Pour "rendre sa grandeur à l'Amérique", selon ses mots. L'équipe en place à la Maison Blanche estime que ce décret doit contribuer à s'assurer que l'énergie soit "abordable et propre" afin de "favoriser la croissance économique et les créations d'emplois". Clairement, pour l'administration Trump, les clauses environnementales destinées à préserver le climat et la planète sont "les ennemies de l'emploi", qu'elle entend relancer par le démantèlement des réglementations fédérales anti-carbone.
2. L"indépendance énergétique" passe par le réexamen du Clean Power Plan d'Obama
Le texte, qui vise à réduire "les obstacles inutiles" dans le secteur énergétique à travers la remise en cause de plusieurs règlementations anti-carbone, veut restaurer "l'indépendance énergétique" de l'Amérique. Il annule la fin des concessions des mines de charbon du pays et gomme les mesures destinées à réduire les émissions de méthane des installations pétrolières et gazières. L'administration américaine n'est plus tenue d'intégrer les conséquences du réchauffement climatique dans ses décisions politiques. Enfin, le décret présidentiel ordonne en particulier un réexamen de la mesure phare de son prédécesseur démocrate: le Clean Power Plan (CPP, Projet pour une énergie propre).
Le CPP impose aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2 de 32% d'ici 2030 par rapport à 2005. S'il entrait en vigueur, il se traduirait par la fermeture de nombre de centrales à charbon (les plus anciennes et les plus polluantes). Dans les faits, il est cependant pour l'heure bloqué depuis février 2016 par la justice américaine, qui avait été saisie par une trentaine d'Etats, majoritairement républicains. Autant dire que le réexamen du Clean Power Plan ne se fera pas demain et prendra "un certain temps" comme le reconnaît l'exécutif, en évoquant en particulier les procédures de consultation du public en vigueur à l'EPA.
3. La relance du "magnifique charbon propre" développera-t-il vraiment l'emploi ?
Même s'il est en déclin, le charbon reste une composante essentielle du paysage énergétique américain. Les centaines de centrales à charbon réparties sur le territoire fournissent environ un tiers de l'électricité du pays, à égalité avec le gaz naturel et devant le nucléaire et l'hydroélectricité. Donald Trump évoque régulièrement devant ses partisans sa volonté de relancer l'exploitation du "magnifique charbon propre", un thème privilégié de sa campagne. "De nombreux mineurs vont retrouver du travail", a-t-il affirmé le semaine dernière dans le Kentucky.
Mais la plupart des experts sont très sceptiques et doutent que le décret du 45e président américain puisse se traduire par des créations nettes d'emplois dans ce secteur. "Cela n'aura pratiquement aucun impact", juge le professeur James Van Nostrand, de la West Virginia University, rappelant que le déclin du charbon est d'abord lié à la hausse des coûts d'exploitation et la concurrence accrue du gaz naturel. "Démanteler l'EPA et se débarrasser de la règlementation ne fera pas renaître l'industrie du charbon", explique le spécialiste. Faute de demande locale, les compagnies minières n'embaucheront pas pour autant : seules les mines les plus rentables resteront en production et poursuivront leur mécanisation.
4. Les énergies vertes sont-elles menacées ?
Certes, la Chambre de commerce américaine a salué avec force l'annonce de la remise en cause du Clean Power Plan de Barack Obama, jugeant qu'il était "non seulement illégal, mais mauvais pour les familles et les entreprises américaines". Pas question pour autant pour l'Amérique de remettre en question l'essor de son économie verte : les filières industrielles américaines des énergies renouvelables, en plein boum, sont créatrices d'emplois et de richesses. En effet, le gel par la Cour Suprême du CPP n'a pas empêché les compagnies de production d'électricité d'anticiper son application en remplaçant de nombreuses centrales au charbon par de chaudières à gaz, des parcs éoliens ou des centrales solaires.
Par ailleurs, aux Etats-Unis, les Etats ont beaucoup de pouvoir. La Californie, très avancée en matière d'énergies renouvelables, solaire notamment, ou encore le Midwest, sur l'éolien, vont continuer leurs développements, dans un secteur particulièrement juteux... et vertueux.
5. Abandon des objectifs de réduction des émissions de CO2 de 30% d'ici à 2030
"Pour moi, Paris a tout simplement été un mauvais accord", Scott Pruitt, directeur de l'EPA
Si l'administration Trump met en avant sa volonté de conserver des textes relatifs à la propreté de l'eau et de l'air, elle reste en revanche à ce stade muette sur sa politique en matière de climat, c'est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le nouveau patron de l'EPA, Scott Pruitt, ne cesse de marteler sa volonté de rompre avec l'administration précédente qui "avait une stratégie résolument anti-énergies fossiles". Scott Pruitt qui a récemment affirmé, à rebours du consensus scientifique international, que les émissions de CO2 n'étaient pas une des causes majeures du réchauffement climatique en cours, a réitéré ses critiques sur l'accord de Paris sur le climat. "Nous nous sommes pénalisés avec des pertes d'emplois alors que la Chine et l'Inde n'ont pas pris de mesures pour faire face au problème", a-t-il affirmé, faisant fi des engagements pris par ces deux pays.
6. "Oublier" l'accord de Paris sur le climat
L'administration Trump n'a toutefois pas encore tranché sur la position qu'elle entendait adopter sur l'accord emblématique sur le climat, conclu dans la capitale française fin 2015 par plus de 190 pays. "C'est en cours de discussion", a indiqué lundi soir un responsable de l'exécutif sous couvert d'anonymat. L'accord n'étant pas contraignant, il y a fort à parier que les Etats-Unis, deuxièmes plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde derrière la Chine, vont purement et simplement "oublier" leurs engagements dans le cadre de la COP21, sur une réduction de 26% à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005.
Un retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris "ternirait clairement l’image de l’Amérique", a pour sa part estimé Todd Stern, l’émissaire américain sur le climat de 2009 à 2016, sous l’administration Obama. "Ce serait vu de manière extrêmement négative dans le monde entier et il y aurait des dommages collatéraux au-delà du climat", a-t-il ajouté dans un entretien à l’AFP.
7. Trump ne rayera pas tout d'un seul trait de plume
Aux Etats-Unis, les réactions contre le décret Trump sont vives, le gouverneur démocrate californien Jerry Brown a notamment dénoncé "un cadeau inconscient du président Trump aux pollueur". Certes, le décret Trump sur l'énergie ne demande pas de vote au Congrès et ne risque donc pas un échec politique similaire à l'abrogation de l'Obamacare. Mais comme pour les décrets anti-immigration, il y aura des recours contre son application et les tribunaux américains seront certainement saisis, notamment, par des associations environnementales. Pourquoi un tel changement à 180° pourrait-il remettre radicalement en question ce qui était jugé prioritaire, bon pour le pays et réaliste avant l'accession de Trump à la Maison Blanche, il y a tout juste deux mois ? De même que le Clean Power Plan de Barack Obama, pour l'heure bloqué par la justice, qui avait été saisie par une trentaine d'Etats majoritairement républicains, le "Décret sur l'indépendance énergétique" ne sera donc pas appliqué demain, si tant est qu'il le soit un jour. Le président ne pourra pas tout rayer d'un seul trait de plume.
Les énergies fossiles et ultra polluantes responsables du réchauffement climatique en cours et qui menacent l'avenir de l'humanité sur la planète, vont-elles avoir de nouveau le champ libre aux Etats-Unis ? Une question de première importance pour l'avenir de l'humanité : contrairement à l'abrogation de l'Obamacare qui ne concerne que les citoyens américains, les décisions de Trump sur l'environnement auront un impact pour tous les habitants de la planète.
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