Télévision. "Nous sommes tous frères des arbres" : l'appel d'un chef papou pour la forêt, ce soir sur Arte
Mundiya Kepanga (au centre), ambassadeur de la tribu des Hulis, dans sa forêt de Papouasie-Nouvelle Guinée. Photo Marc Doziere, Arte
Après plus d'une dizaine de voyages à travers l'Europe et les États-Unis, Mundiya Kepanga, chef papou de Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans l'océan Pacifique, au nord de l'Australie, est devenu l'ambassadeur des peuples autochtones. A l'occasion de la Journée internationale des forêts, le 21 mars prochain, dans "Frères des arbres, l'appel d'un chef papou", un documentaire captivant réalisé par le scientifiques français Marc Dozier, Mundiya relate ce soir sur Arte son parcours, à la manière d'un conteur traditionnel. Tout en faisant part de ses inquiétudes sur l'avenir des forêts, sources de vie sur Terre, il nous guide au long d'un voyage poétique et émouvant autour du globe et nous invite à comprendre de l'intérieur sa forêt. Et par la même occasion, toutes les forêts du monde. "Les blancs", dit-il, l'ont oublié, mais la vie des hommes sur la planète est intimement liée à celles des arbres...
Mundiya, la voix de la forêt
Originaire des Hautes-Terres en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mundiya Kepanga, chef de la tribu des Hulis, vit dans l'une des trois dernières forêts primaires de la planète, avec celles d’Amazonie et du bassin du Congo. Immense réservoir de biodiversité qui compte plus d'espèces animales et végétales que l'Europe toute entière, la Papouasie-Nouvelle Guinée est l'un des sanctuaires naturels de l'humanité. Véritable poumon vert, sa forêt abrite des milliers d'espèces de plantes, d'arbres, d'insectes et d'oiseaux, comme le cazoar et l'oiseau de Paradis, rarissimes sur Terre, ou qui n'existent nulle part ailleurs. Depuis des millénaires, le peuple de Mundiya se nourrit, s'abrite, s'habille et se soigne avec les plantes et les arbres de sa forêt.
Une forêt menacée de disparition
Sous l'effet de la déforestation, cet écosystème unique au monde est aujourd'hui menacé de disparition. D'ici 2021, elle pourrait être réduite de moitié, au rythme de l'exploitation actuelle de ses arbres. Afin d'alerter l'opinion sur cette situation préoccupante pour l'avenir des peuples autochtones mais aussi pour l'avenir de l'humanité et du climat sur la planète, Mundiya ouvre sa "fontaine à parole" et partage, avec ses mots, son histoire et celle de sa forêt. Riche de métaphores, son discours direct interpelle avec force et frappe en plein coeur.
"Il existe des solutions pour sauver la forêt"
Loin des statistiques et des rapports alarmistes, il parle, avec simplicité, de la nature, que ce soit lors de grandes réunions internationales, à l'Onu, à l'Unesco où il a été invité par l'acteur Robert Redford, engagé depuis 40 ans pour la planète, au Sénat, à Paris, ou bien lors de rencontres avec des enfants, des citoyens, des sylviculteurs, des exploitants forestiers de son pays, pas tous dans la légalité, et des propriétaires autochtones, dont le bois est la seule source de revenu... "Il existe des solutions pour sauver la forêt", explique-t-il aux tribus de Nouvelle-Guinée, "qui permettent de gagner sa vie autrement qu'avec la coupe des arbres". L'élevage légal de papillons (plus de 900 espèces dans le pays, dont un spécimen de 27 cm d'envergure, le plus grand du monde) destinés à des collectionneurs en fait partie.
"Pourquoi veulent-ils les arbres de ma forêt, s'ils ont autant de bois?"
À travers ses questions faussement ingénues, ce fervent défenseur de l'environnement – et fin observateur du monde occidental – pointe du doigt nos contradictions d'Occidentaux (de "blancs", dit-il) et son regard s'inscrit comme un pont entre deux mondes. "Tout le monde aime la forêt, glisse-t-il, mais tout le monde la coupe..." "Pourquoi vont-ils exploiter et dévaster, ailleurs, des forêts qui ne leur appartiennent pas, pour utiliser leur bois précieux s'enrichir avec, alors qu'ils ont chez eux de si bons arbres, qu'ils protègent avec soin ?", se demande au cours de ses voyages en France, ce Candide du 21e siècle. Lorsqu'il découvre la forêt landaise en Aquitaine, une des plus grandes forêts artificielles d'Europe et qu'il rencontre une exploitante, il lui pose la question. Avant de planter de jeunes pins avec la sylvicultrice, qui lui explique comment, en France, la loi oblige à reboiser cinq ans après avoir coupé les arbres...
Ce rôle de passeur l'a amené à offrir sa coiffe la plus précieuse au Musée de l'Homme, à Paris, en formant le voeu que tous ceux qui la verront penseront qu'il faut lutter contre la déforestation, pour préserver le climat. Avec cette donation, il adresse un message à l'humanité : sa forêt est un patrimoine universel qu'il faut sauvegarder. Elle produit de l'oxygène que nous respirons tous et qu'il faut préserver. La protéger est la seule contribution que peut apporter la Nouvelle-Guinée à la lutte mondiale contre le changement climatique.
"Pour qu'il ne reste pas le silence et la nuit à la fin du monde"
Même si nous n'en avons plus conscience, nous sommes tous les frères des arbres. "Lorsque tous les arbres auront disparu", nous dit encore Mundiya Kepanga, "les hommes aussi. Il ne tient qu'à nous pour qu'il ne reste pas le silence et la nuit à la fin du monde." En guise d'au-revoir, notre guide s'excuse avec humour d'être une "fontaine à paroles" et d'avoir trop parlé. Nous, on l'écouterait encore pendant des heures...
►A VOIR
- "Frères des arbres, l'appel d'un chef papou", de Marc Dozier et Luc Marescot, diffusé sur Arte ce samedi 18 mars 2017 à partir de 20h50, dans le cadre d'une programmation spéciale "Journée de la forêt". On peut revoir ce magnifique documentaire sur Arte +7, de même que la série des cinq documentaires "A la reconquête des forêts", diffusée également aujourd'hui, qui explore cinq grands massifs en pleine mutation, en Tasmanie, au Congo, au Bangladesh, en Guyane ou encore en France, avec "Les Landes, à l'aube d'un nouvel équilibre". Réalisé par Guy Bauché, le film montre comment la plus grande forêt artificielle d'Europe est née, et comment, fragilisée par les dérèglements climatiques elle cherche un équilibre pour relancer son exploitation.
►EN CHIFFRES
- La forêt de Papouasie-Nouvelle Guinée, c'est 70% de la surface du pays, 20 000 espèces de plants, 1 500 espèces d'arbres, 3 000 espèces d'insectes et plus de 750 espèces d'oiseaux. Aujourd'hui, le pays compte plus de 300 concessions forestières, autorisées par le gouvernement. Plus de 15 millions d'hectares sur les 46 millions du pays sont exploités par des sociétés étrangères, soit un tiers de la surface du pays.
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