Bure: victoire juridique des opposants au projet d'enfouissement des déchets nucléaires
La justice a ordonné la suspension des travaux et la remise en état des lieux, environ 8 hectares de terrain dans le bois Lejuc. Photo AFP
Les opposants au projet Cigéo d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse) ont marqué un point mardi, avec l'invalidation par la justice administrative de la cession du Bois Lejuc à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Cigéo, c'est l'enfouissement à 500 mètres sous terre les déchets nucléaires les plus radioactifs ou à vie longue du parc français, qui resteront radioactifs pendant plus de 100 000 ans. Le projet fait l'objet d'une guérilla juridique entre l'Andra et les opposants qui considèrent qu'il est "écologiquement insoutenable, car il menace la nappe phréatique, les terres en surface et les 3 000 prochaines générations."
Saisi par des riverains du projet, le Tribunal administratif de Nancy a annulé hier la délibération du Conseil municipal de Mandres-en-Barrois qui avait cédé en juillet 2015 à l’Andra le bois, pour que celle-ci y installe les cheminées d'aération de Cigéo. Le tribunal reconnait que la cession du bois s’est faite dans l’illégalité, par un vote à bulletins secrets, à six heures du matin, avec des conseillers municipaux en situation de conflit d’intérêt. Pour la plus grande satisfaction des opposants.
Un projet qui n'a plus de légitimité, selon les anti-nucléaires
"L'Andra, dont la propriété est remise en question, n'a plus aucune légitimité pour (...) poursuivre des travaux" dans le bois Lejuc ou pour en expulser les militants, s'est félicité dans un communiqué le Réseau Sortir du nucléaire. Europe Ecologie-Les Verts, qui se réjouit également de la décision du Tribunal, "rappelle que l’industrie nucléaire n’est pas au-dessus des lois et des processus démocratiques, et demande que la commune de Mandres-en-Barrois annule la convention avec l’Andra plutôt que d’essayer de la reconduire."
"Déchets dangereux"
Les écologistes qui rappellent qu'un accident dans le centre de stockage géologique de déchets nucléaires de Carlsbad dans l'état du Nouveau-Mexique aux Etats-Unis a eu lieu, en 2014, où un fût de déchets a éclaté, nécessitant une remise en état pour un coût de plus de 2 milliards de dollars, et les opérations ne pourront pas reprendre avant 2021, redisent "leur opposition au stockage en profondeur des déchets nucléaires : ces déchets sont dangereux et il faut cesser d’en produire, c’est à dire sortir du nucléaire".
Pas d'arrêt du projet, selon l'Andra
De son côté l'Andra a reconnu que les travaux dans le Bois Lejuc pourraient être "reportés", mais cela "n'empêche pas les autres études liées à la conception de Cigéo d'avancer pour le dépôt de la demande d'autorisation de création", a-t-elle affirmé. Cette décision "ne signifie pas pour autant le blocage du projet, et encore moins son arrêt", a pour sa part assuré l'Agence. Elle a relevé que l'annulation de la délibération portait "uniquement sur une question de forme: le conseil municipal a voté cette délibération à bulletin secret, or pour cela il aurait fallu qu'un tiers au moins des conseillers en fasse la demande formelle", ce qui n'a pas été le cas. "Cependant, ce vote à bulletin secret était une manière de garantir l'indépendance des votes sachant que les opposants étaient présents dans la salle du conseil pour faire pression sur les élus", a argumenté l'Andra dans une réaction transmise à l'AFP.
Conflit d'intérêt
Selon les opposants, plusieurs des conseillers municipaux qui avaient pris part au vote ayant conduit à cette cession du terrain "étaient en état de conflit d'intérêt latent en raison des liens qu'ils entretenaient avec l'Andra: certains comptaient des membres de leur famille employés par l'Agence ou ses sous-traitants, d'autres s'étaient vu octroyer grâce à elle des baux de chasse ou des baux agricoles précaires". "Il est évident que ces personnes, qui pouvaient faire l'objet de pressions de la part de l'Andra, n'auraient pas dû prendre part au vote", affirme Sortir du Nucléaire.
Le tribunal administratif a donné quatre mois à la commune pour régulariser la situation. D'autres décisions de justice sont attendues dans les jours ou les semaines à venir dans ce dossier. Le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc doit notamment se prononcer le 5 avril sur l'éventuelle expulsion d'opposants qui occupent le Bois Lejuc. La question de Bure s'est invitée dans le débat public : le candidat du Parti socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon, a ainsi accepté, à la demande de l'écologiste Yannick Jadot, d'inclure dans son programme la fin du projet.
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