Conçu à Biarritz, le vélo électrique Alpha met de l’hydrogène dans ses piles
Le 30 septembre 2015, à Biarritz, Pierre Forté, président et fondateur de la société Pragma Industries, présentait le vélo à hydrogène Alpha. Photo archives Sud Ouest/Jean-Daniel Chopin
Le Pays basque a choisi de faire sa révolution verte à vélo. Depuis cette année, les agents territoriaux de Biarritz, Anglet, Boucau et de l’Agglomération Côte Basque Adour roulent à bicyclette avec Alpha, le premier modèle de vélo à assistance électrique au monde basé sur des piles à hydrogène, inventé par Pragma Industries, une entreprise biarrote née en 2003.
58 vélos Alpha en commande
Un vélo à assistance électrique (VAE) propre et vert, qui roule à l’hydrogène ? Beaucoup en avaient rêvé. Pragma Industries l’a fait, lui a donné un design ultra-soigné et l'a baptisé "Alpha". En 2015, Pierre Forté, le créateur et le patron de l’entreprise spécialiste des piles à combustibles fonctionnant à l’hydrogène, avait présenté au grand public dix exemplaires du prototype du deux-roues révolutionnaire, à l’occasion du 22e Congrès mondial des systèmes de transport intelligent (ITS) qui s’était déroulé à Bordeaux, du 5 au 9 octobre, puis lors de la COP21 au Grand Palais à Paris, au mois de décembre suivant, avant de le lancer en série en janvier 2016. Un an après, le carnet de commandes des huit salariés de Pragma Industries, qui travaillent sur ce projet novateur depuis six ans, compte 58 vélos Alpha à fabriquer et à livrer. La société qui a dû revoir ses objectifs à la baisse, espère en vendre une centaine d'unités cette année, et 300 en 2018.
De la Côte Basque à la Savoie, en passant par la Manche
Les premiers clients du vélo Alpha sont essentiellement des collectivités, parmi lesquelles, dans la région, l'agglomération Côte Basque-Adour (ACBA) qui en a acheté treize. Mais aussi deux communes de la Manche, Saint-Lô et Cherbourg. La première propose les vélos à hydrogène en location touristique ; la seconde les loue aux demandeurs d'emploi comme un moyen de locomotion électrique propre, via Cycloréca, une association d'insertion professionnelle financée par la région Normandie. Enfin, en Savoie, la ville de Chambéry où le Technopole Savoie Technolac, un incubateur et un accélérateur de start-up et d'entreprises dans les domaines des énergies et du numérique, les met à disposition des salariés du site.
Un vélo Alpha, comment ça roule ?
Pragma Industries a imaginé d'intégrer sur le cadre d'un vélo une pile de faible encombrement fonctionnant à l'hydrogène et reliée à un réservoir à hydrogène, placé sur le porte-bagages. D’une puissance de 150 W, la pile est couplée à une petite batterie qui permet de pédaler sans fatigue, avec une autonomie remarquable de 100 km. 100% propre, le vélo ne rejette que de la vapeur d’eau. Le tout pèse environ 27 kilos, peu ou prou le poids d'un vélo classique à assistance électrique avec une batterie au lithium, mais sans les inconvénients écologiques de cette dernière.
Et combien ça coûte ?
La recharge en hydrogène de la bicyclette à hydrogène ne dure qu’une minute, contre environ quatre heures pour un vélo à assistance électrique classique. Pourtant, c'est là que le bât blesse. Faute de stations à hydrogène en nombre suffisant sur le territoire, elle ne se fait aujourd'hui principalement que sur intervention de Pragma. On comprend pourquoi, dans un premier temps, l'entreprise a prioritairement visé les collectivités, les flottes professionnelles et les loueurs de vélos susceptibles d’avoir à leur base de stationnement une borne de recharge d’hydrogène... Et de disposer d’aides publiques ou de fonds suffisants pour passer à l'achat. Une borne de recharge hydrogène coûte en effet la coquette somme de 75 000 euros. Quant au petit bijou vert à deux roues, il n’est pas non plus donné : le prix unitaire de vente de la bicyclette Alpha est de 7 500 euros. Beaucoup trop cher pour espérer la démocratiser en l'état.
« Il faut que le vélo Alpha fabrique son hydrogène en autonome, sans passer par une borne de recharge ». Pierre Forté
« Le marché public des collectivités subventionné par la transition énergétique, était idéal dans un premier temps pour tester le produit», analyse le PDG de Pragma. « Mais, pour le rendre accessible au plus grand nombre et faire baisser son prix à 2 500 ou 3 000 euros, l'équivalent du prix d’un vélo électrique haut de gamme, il faut atteindre le seuil des 5 000 exemplaires, poursuit-il. Et pour y parvenir, le vélo Alpha n'a pas le choix. Il doit arriver à fabriquer son hydrogène en autonome, sans passer par une borne de recharge ».
Vers une nouvelle technologie autonome... et verte
Aussi, l’entreprise prépare-t-elle désormais une innovation majeure, à partir d'une technologie qu'elle a déjà développée pour le secteur militaire. L’usager n'aurait besoin, dans sa bicyclette Alpha, que d'un plein d'eau et d'une pastille de la poudre du composant chimique nécessaire pour produire la réaction chimique qui va fabriquer l'hydrogène alimentant la pile à combustion du vélo. La technologie qui vise à se dispenser de toute infrastructure de recharge est en cours de développement à Biarritz. « Non toxique et neutre pour l'environnement, elle devrait être opérationnelle d'ici deux à trois ans », précise Pierre Forté, un patron aux convictions écologiques chevillées au corps dont l'ambition est de permettre à chacun (ou presque) de s'offrir un vélo Alpha pour rouler sans polluer en 2020.
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- Tour sur l'hydrogène
L'élément le plus abondant de l’univers et sur Terre, n'est pas une énergie renouvelable au sens strict du terme, mais un vecteur énergétique (qui transporte de l'énergie, tout comme l’électricité), non polluant et non toxique. On le trouve principalement dans l’eau, mais aussi dans le pétrole ou le gaz naturel. Pas plus dangereux que tout autre combustible, contrairement à sa réputation, l'hydrogène est propre et vert, dès lors que le procédé d’électrolyse de l’eau qui permet de le produire utilise de l'électricité issue de sources d'énergie renouvelables, comme le solaire ou l’éolien.
Stockable sous forme solide dans des containers, notamment grâce à la technologie française McPhy Energy, ce gaz peut servir à produire de l’électricité à la demande (régulation de l’intermittence des énergies renouvelables) ou être injecté dans les réseaux gaz. Il permet aussi de faire rouler les véhicules électriques - bus, voiture ou vélo, comme le vélo électrique Alpha- avec la pile à combustible hydrogène (PAC). Une mobilité totalement propre qui ne rejette ... que de l'eau. L’hydrogène peut être employé comme carburant dans les stations-service pour les véhicules qu'il propulse. Pourtant, à la différence de l'Allemagne, des Etats-Unis ou encore du Japon où les constructeurs automobiles comme Toyota s'y intéressent depuis longtemps, sous le poids du lobby pétrolier, la France a délaissé jusqu’à présent ce gaz. Mais cela pourrait changer : en 2016, le gouvernement a lancé un appel à projet pour les territoires hydrogène et en a retenu 28. Avec le soutien public, l'hydrogène pourrait enfin décoller dans l'Hexagone.
La Gironde, avec la société Hydrogène de France Energie (HFE), installée à Lormont, est en pointe pour la mobilité durable hydrogène. HFE qui fait le lien entre les gestionnaires de flottes automobile, les constructeurs et les exploitants d'infrastructures, se positionne pour devenir l'un des leaders du marché de l’hydrogène énergie, en France et à l’international.
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