Ours : vers la réintroduction de deux ourses femelles dans les Pyrénées ? Si oui, comment ?
La France autorisera-t-elle en 2017 le lâcher de deux ourses femelles dans les Pyrénées françaises, en vallée d'Aspe ? Photo FIEP
Quel calendrier pour la réintroduction de deux ourses femelles en vallée d’Aspe ? La question était posée le 19 septembre dernier, à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), par Nicolas Thierry, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, en charge de l’environnement et de la biodiversité, à la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal.
Question réitérée dans une tribune publiée sur le site Internet du Monde, le 12 octobre 2016, cosignée par l'élu aquitain, François Arcangeli (président de Pays de l'Ours Adet, conseiller régional d'Occitanie et maire d'Arbas), Gérard Caussimont (président du Fonds d'intervention Eco-Pastoral), Jean-François Darmstaedter (président de Ferus), Denez L'Hostiz (président de France Nature Environnement) et Pascal Canfin (directeur général du WWF France). Pour cette année, c'est plié : il est trop tard pour une éventuelle réintroduction en 2016, même si la douceur des températures enregistrées ce mois de novembre, dans le massif pyrénéen, n'incite pas vraiment les ours à hiberner.
Mais, au regard de la gravité de la crise qui frappe le vivant dans toute sa diversité, faisant craindre une sixième extinction sur la planète, si l’on veut assurer la survie des plantigrades dans les Pyrénées, on se doute que le sujet reviendra immanquablement sur le tapis en 2017. Et ce, quelque soit le (ou la) nouveau président de la République et la majorité qui gouvernera la France à compter de juin 2017.
Les enjeux de la réintroduction
Le constat est indiscutable. Il ne reste plus que deux ours mâles dans les Pyrénées occidentales : Néré (19 ans, de souche slovène) et Cannellito (12 ans, le fils de Cannelle, la dernière femelle de souche pyrénéenne tuée par un chasseur en 2004). Par comparaison, ce sont 27 ours (13 femelles, 8 mâles et 6 oursons) qui se répartissaient en 2015 sur les territoires, côtés français et espagnol, des Pyrénées centrales et orientales, avant le lâcher de l'ours slovène Goiat, en mai 2016, dans l'Alt Aneu, en Catalogne. Sans un renforcement rapide par la présence d'une ou deux nouvelles femelles, le noyau occidental des Pyrénées-Atlantiques est condamné. Une éventualité qui réduirait à néant plusieurs décennies d'efforts publics et privés pour aller vers une cohabitation entre l'ours et le pastoralisme, l'ours et la chasse, et pour protéger les habitats de cette espèce.
Une nouvelle femelle
Pour les défenseurs de l'ours, la réintroduction d'une femelle est donc le seul moyen de conserver et transmettre le patrimoine génétique de la souche pyrénéenne que possède Cannellito, dont la disparition définitive constituerait en outre une perte d'identité pour les Pyrénées. Conserver ce patrimoine génétique, c'est en effet aussi conserver un patrimoine culturel fortement ancré, qui s'exprime au travers des carnavals, blasons, mythes, légendes, contes et dictons pyrénéens associés à l'ours.
Les politiques évoluent
Politiquement l’hypothèse de cette réintroduction a fortement évolué ces dernières années. En témoigne le vote à Toulouse, le 1er juillet dernier, au Comité de Massif des Pyrénées qui rassemble les acteurs de la chaîne des Pyrénées, où pour la première fois, elle a recueilli une moitié de votes favorables. A la question posée "Etes-vous pour ou contre le lâcher d'une ourse femelle en Béarn ?", la réponse s'est traduite par une égalité entre les partisans et les opposants de cette réintroduction, sur le score de 15 à 15. Le signe d'une évolution toute aussi positive, veut croire Nicolas Thierry, "du côté des citoyens, bergers, élus et acteurs économiques dans la vallée d'Aspe qui se déclarent favorables à une réintroduction."
Améliorer les méthodes de surveillance
Mais l'idée d'une nouvelle réintroduction est encore toutefois loin de faire l'unanimité chez les éleveurs, même chez ceux qui sont favorables à la présence de l'ours dans les Pyrénées. Car ils constatent aussi sur le terrain les dégâts réels que font certains ursidés sur les troupeaux de brebis et posent la question des méthodes de surveillance, de prévention et de protection de l'agropastoralisme et des animaux.
Un "protocole expérimental de suivi des troupeaux et de l'ours"
Pour éviter les prédations, un premier "protocole expérimental de suivi des troupeaux et de l'ours" a été mis en place en 2007, sur le territoire des deux communes d’Arrens-Marous et d'Estaing (Hautes-Pyrénées), avec les gestionnaires d'estives et le Parc national des Pyrénées, en liaison étroite avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et la gendarmerie. Dans ce cadre, des zones pastorales susceptibles d'être attaqué par l'ours et particulièrement vulnérables sont définies par le Parc national. Mais les différentes techniques permettant de recueillir les traces du passage de l'ours, mises en œuvre quotidiennement pour prévenir au mieux les prédations de l'ursidé et protéger les troupeaux, ne sont pas toujours efficaces.
Des caméras de surveillance
Le dernier ours lâché en Catalogne en mai 2016, et descendu jusqu’à Saint-Lary, ayant fait beaucoup de dégâts, les différents intervenants travaillent actuellement avec la Préfecture des Hautes-Pyrénées, pour faire évoluer les processus des méthodes de surveillance. Parmi les pistes examinées, l'équipement de zones à risques de caméras susceptibles de détecter la présence de l’ours au jour le jour, afin d'améliorer les méthodes de surveillance, pour mieux protéger les troupeaux et l'activité pastorale des éleveurs. Un élément incontournable à prendre en compte, si l'on veut réussir l’indispensable réintroduction d’ourses en vallée d’Aspe, avec l'assentiment de tous.
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