Vous aviez raté ça ? Fin juillet, l'Anses a demandé de meilleures mesures pour protéger les salariés agricoles des pesticides
L'Anses juge que les mesures de protections des travailleurs agricoles sont insuffisantes. Photo archives Sud Ouest
En pleine torpeur estivale, le 25 juillet dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a présenté à Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, son rapport sur les conséquences pour les travailleurs agricoles de l’utilisation des pesticides. Particulièrement critique sur les mesures mises en place pour protéger les travailleurs exposés aux pesticides, l'Agence nationale a formulé des propositions pour améliorer la situation sanitaire des salariés agricoles.
Dans l’avis qu’elle a publié, l’Anses recommande ainsi la diminution des expositions par la réduction du recours aux pesticides, ainsi que différentes mesures de prévention. Par ailleurs, l’Agence recommande d’améliorer les connaissances sur les expositions en conditions réelles d’utilisation, dans un contexte où les données disponibles font aujourd’hui souvent défaut.
Ségolène Royal veut monter au créneau
De son côté, la ministre de l’Environnement a demandé le renforcement de l’encadrement réglementaire relatif à l’utilisation des produits phytosanitaires et biocides par les travailleurs agricoles, en procédant notamment, le plus rapidement possible au retrait des autorisations de mise sur le marché des produits identifiés comme les plus toxiques, comme l’Anses l’a fait pour le diméthoate, le chlorpyrifos éthyl et les herbicides au glyphosate utilisant des co-formulants. Une bonne chose. On se demande juste pourquoi ce n'est pas déjà fait.
A l'étude, d'autre mesures, comme le conditionnement de l’utilisation des produits phytosanitaires les plus dangereux (cancérigènes, repro-toxiques ou perturbateurs endocriniens), qui ne doivent être mis en œuvre que lorsqu’il n’existe pas d’alternative à la délivrance spécifique et préalable du conseil indépendant prévu par le code rural. La ministre demande aussi a mise en place d’un certificat « certipesticide » obligatoire pour les exploitants et les salariés agricoles avant qu’ils ne puissent acquérir et utiliser des pesticides, que ceux-ci soient considérés comme des produits phytosanitaires ou comme des produits biocides.
Enfin, elle proposera à la Commission européenne que les co-formulants utilisés dans les produits pesticides soient recensés et que les co-formulants cancérigènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens, comme par exemple la tallowamine, soient interdits au même titre que les substances actives.
L'explosion de l'usage des pesticides
Le ministère de l'Ecologie s'enorgueillit, à juste titre, d'avoir fait voter l’interdiction des substances néonicotinoïdes dans le cadre du projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité et de la nature, à compter du 1er septembre 2018. Une mesure qui, rappelle-t-elle, s'ajoute à l'interdiction de l'épandage aérien, au plan zéro pesticides dans les jardins publics et les espaces verts, et à l'interdiction de la vente des pesticides en 2019 pour les jardiniers amateurs. Le hic, c'est que les jardins privés et publics français ne sont pas les premiers consommateurs de pesticides. Dans ses champs et ses vignes, l'Hexagone reste le premier pays utilisateur de pesticides en Europe, et le troisième au monde. Force est de reconnaître que, en dépit des objectifs de réduction de l’usage des pesticides dans le cadre du plan Ecophyto 2, l'usage des phytosanitaires ne cesse d'augmenter en France. Plus on jure qu'on va les réduire et plus on en consomme...
Autour du pot
Si instruction a également été donnée récemment aux préfets de protéger les populations vulnérables en cas d’épandage de pesticides, on a la fâcheuse impression que sur ce sujet, l'Etat ne cesse de tourner autour du pot. La réduction des pesticides prônée par l'Anses pour éviter l'exposition et le danger sanitaire qui menace les salariés agricoles, nécessaire et urgente, ne peut passer que par des interdictions effectives et rapides de produits dont on sait qu'ils sont dangereux pour la santé humaine et pour la biodiversité. Or, alors qu'on peine à le faire, l'industriel Bayer, sitôt l'interdiction des néonicotinoïdes à compter de 2018 votée, a proposé le renouvellement de l'un d'eux et la mise sur le marché d'un nouveau produit neurotoxique systémique dès 2017, le Gaucho 350, à base d'imidaclopride, agrémentée d'un fongicide, tout aussi dévastateur pour les insectes pollinisateurs et même les oiseaux...
Certes, la prise de conscience sur les dangers des phytosanitaires évolue. Mais les actes ne suivent qu'avec une extrême lenteur. Quand ils suivent.
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