Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nucléaire: EDF donne son feu vert à Hinkley Point, un investissement à très haut risque pour l'électricien

hinkley point,epr,edf,projet,polémique,conseil d'administration,coût financier

Le conseil d'administration d'EDF devrait donner son feu vert au projet d'Hinkley Point. Photo AFP

Ce jeudi après-midi, dans un climat ultra-tendu, le conseil d’administration d'EDF a donné son feu vert à l’investissement pharaonique que représentent les deux réacteurs EPR d’Hinkley Point, sur la côte du Somerset en Grande-Bretagne. Une décision cruciale pour l'avenir de l'électricien, qui inquiète au plus haut point au sein même de l'entreprise.

A tel point que l’un des six administrateurs de l’Etat Gérard Magnin, qui devait siéger à 14h30 au CA d’EDF, a prévenu de sa démission par un courrier envoyé dans la matinée avenue de Wagram, au siège du groupe.

16 milliards d'euros, une somme colossale pour EDF

Hinkley Point, c'est un projet chiffré au total à 44,5 milliards d'euros. Avec un coût d'investissement de plus de 21 milliards d'euros, auxquels se rajoutent 22,8 milliards d'euros non prévus, liés au surcoût du rachat de  British Energy (7,2 milliards ), au retard estimé du chantier (11,6 milliards) et aux ventes d'actifs à perte (4 milliards). EDF est en effet sous le coup d’investigations de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur les informations financières communiquées par l'entreprise au marché depuis 2013 sur Hinkley Point : la très sérieuse AMF estime que le coût du projet a été sous-évalué. L'investissement initial est essentiellement à la charge d'EDF, qui doit le financer à hauteur de 16 milliards d'euros, soit 66,5%, le chinois CGN prenant en charge le reste. Une somme colossale pour l'électricien, le risque financier pesant à 100% sur lui.

Mur d'investissement

hinkley point,epr,edf,projet,polémique,conseil d'administration,coût financierTrès endetté, par ailleurs,  indépendamment du projet britannique, l'électricien doit faire face à un mur d’investissements très  lourd : absorption d’AREVA, grand carénage (rénovation de l'ensemble du parc électro-nucléaire français), dépassement des travaux sur le site des EPR de Flamanville, dans la Manche, et celui de la Finlande… La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne en rajoute une couche et vient obscurcir un horizon déjà bien chargé.

Risque financier et technologie EPR en question

Si personne en interne ne semble contester chez EDF le bien-fondé d'Hinkley Point, ce que dénoncent les salariés actionnaires, de nombreux ingénieurs, jusqu'au plus haut niveau de l'entreprise, et les syndicats, c'est le calendrier du projet et son coût démesuré. Tous réclament un report de deux à trois ans pour limiter les risques financiers et industriels du projet pour EDF. A ce jour, aucun des réacteurs EPR nouvelle génération n'a encore pu être mis en service. Au contraire, à Flamanville comme en Finlande, la technologie EPR accumule les déboires industriels et les surcoûts financiers.

"Totalement déraisonnable"

Le dossier d’Hinkley Point a causé il y a peu le départ du directeur financier d’EDF lui-même. Du jamais vu dans l'entreprise. Pour les syndicats qui ont intenté des actions en justice pour réclamer un report de la décision, même en cas de feu vert du Conseil d'administration, le risque financier encouru par EDF, l’État actionnaire et donc tous les contribuables-usagers du pays, est qualifié de "totalement déraisonnable".  Europe Ecologie-Les Verts, qui prône la  sortie du nucléaire, estime de son côté que "la décision de maintenir ce projet contre les intérêts de l’entreprise publique serait hélas symptomatique d’un Etat "lobbytomisé" par le secteur de l’atome".

Un projet très contesté en Grande-Bretagne depuis 2012

Outre-Manche, si Theresa May, le nouveau Premier ministre, soutient le dossier, Hinkley Point, dont les deux EPR doivent fournir 7% des besoins en électricité britannique, fait également l'objet de nombreuses critiques. Pour le gouvernement, l'enjeu majeur est de montrer que la Grande-Bretagne, malgré le Brexit, reste attractive pour les investisseurs étrangers. La perspective de la création de centaines d'emplois locaux réjouit également le syndicat Unite, mais les défenseurs de l'environnement et les financiers de la City se rejoignent pour dénoncer le coût exorbitant du projet, 18 milliards de livres, soulignant, eux aussi, que la technologie de l'EPR n'a pas fait ses preuves.

Le National Audit Office, l'équivalent de notre Cour des comptes a également tiré la sonnette d'alarme sur le prix d'achat garanti par l'Etat britannique en 2013, dont le montant a doublé par rapport aux premières évaluations, tandis que la subvention qui sera payé par le consommateur, elle, a triplé. Autant de dérapages qui impacteront le portefeuille des sujets de sa Majesté Elizabeth II.

Dans l'Hexagone, le contrat bénéficie de l'entier soutien du gouvernement français, actionnaire à 85 % de l'électricien. Loin de se poser des questions existentielles, l'Etat veut aller très vite sur ce dossier. Mais dans sa lettre de démission de deux pages, reproduite par Le Parisien ce jeudi, l’administrateur Gérard Magnin, 65 ans, avance notamment la crainte "que la mobilisation des moyens pour ce projet, à grand renfort de cessions d’actifs, ait des conséquences sur la sûreté des réacteurs, en particulier ceux dont la vie sera prolongée (...)".  Et dit espérer qu"’Hinkley Point n’entraîne pas EDF dans un abîme de type Areva comme certains le craignent. EDF aurait alors perdu sur tous les tableaux." Et ses salariés aussi.

Cathy Lafon

►LIRE AUSSI

  • Les articles de Ma Planète sur le nucléaire : cliquer ICI

Les commentaires sont fermés.