Pesticides: un arrêté qui limite l'exposition des riverains aux pesticides menacé d'abrogation
Un arboriculteur traite ses pommiers en fleurs le 9 avril 2008 à Lamanon (Bouches-du-Rhône). Photo archives AFP
L’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des pesticides a été attaqué au Conseil d’Etat par les arboriculteurs de l’Association nationale pommes et poires (ANPP). Le 7 juillet dernier, le Conseil d'Etat rendait une décision visant à l'abrogation. Au risque d'exposer davantage au risque phytosanitaire les populations riveraines vulnérables, alerte Génération Futures. Sauf si le législateur le remplace par un nouveau texte, véritablement protecteur pour la santé des riverains, des salariés agricoles ou encore des promeneurs, comme l'espère l'ONG.
Que dit l’arrêté de 2006 ?
Selon l'ONG, cet arrêté était jusqu'à présent l’un des rares textes qui permettent aux riverains de zones cultivées de manière intensive de se protéger – a minima – de pulvérisations de pesticides toujours plus nombreuses. En effet, il définit les mesures de précaution que doit prendre l’agriculteur au moment des épandages, en cas de vent et à proximité des cours d'eau. "Quelle que soit l’évolution des conditions météorologiques durant l’utilisation des produits, précise l'arrêté, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. Les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort." Pour mémoire, le seuil de 3 (19 km/h) étant dépassé lorsque les feuillages bougent à l’œil nu dans les arbres. Ce même texte interdit la pulvérisation à moins de 5 mètres des cours d’eau visible sur une carte au 1/25000. Le non-respect de ces principes faisait courir à l’agriculteur contrevenant le risque d’une lourde amende et d’une peine de prison ce qui parvenait à dissuader certains exploitants agricoles (sinon tous) d'enfreindre l'arrêté.
Pourquoi cette attaque contre le texte de loi ?
Ce que les agriculteurs intensifs rejettent tout particulièrement, c’est l’interdiction de pulvériser des pesticides par temps venteux, explique l'ONG qui n'y voit d'ailleurs rien d'étonnant. Selon elle, "des centaines de témoignages reçus par nos associations attestent bien souvent du fait que cette limite est aujourd'hui déjà très souvent dépassée".
Inquiétudes...
Malgré ses insuffisances, cet arrêté est le seul outil réglementaire qui permette aux riverains de zones cultivées de se protéger... un peu, Martèle l'ONG. Même si, dans les faits, Générations Furtures le reconnaît, "en règle générale, il n'est pas respecté". Par ailleurs, le texte qui protège explicitement les cours d'eau des pesticides, ne dit rien sur la protection de la santé des personnes exposées par ces pulvérisation, regrette-t-elle.
… et espoirs ?
Son abrogation, espère Générations Futures, sera peut-être l’occasion de remettre enfin à plat une règlementation qui ne protège pas assez les populations les plus vulnérables, et de promulguer un texte vraiment efficace, alors même que les études scientifiques se multiplient pour attester du scandale des risques sanitaires que les pesticides font courir à la population. Et que l'omerta entourant les victimes des phytosanitaires, en région viticole notamment, finit par se briser peu à peu...
"Une question majeure de santé publique"
"Cela fait des années que notre association recueille des centaines et des centaines de témoignages de riverains victimes des pesticides, en témoigne la carte de France des victimes que nous avons publiée en avril dernier", déclare François Veillerette (photo ci-contre), porte-parole de Générations Futures, $qui poursuit : "Des collectifs, toujours plus nombreux, de parents et de riverains, se forment pour dénoncer les menaces que font courir l’usage de ces produits à proximité de zones où des enfants, des femmes enceintes ou tout autre personne vulnérable seraient susceptibles de se trouver."
Pour l'ONG qui veut positiver, l’abrogation de l'arrêté de 2006 peut devenir l'occasion de remettre à plat la situation, en faveur des populations. "Le Ministère de l’agriculture, mais aussi celui de la santé et l’environnement, doivent – en concertation avec les associations – rédiger et publier un arrêté véritablement protecteur pour les populations exposées. Il s’agit là d’une question majeure de santé publique" conclut François Veillerette.
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur les pesticides : cliquer ICI
►PLUS D'INFO
- Pour lire le texte de l'arrêté du 12 septembre 2006 : cliquer ICI
- La carte de France des victimes des pesticides établie par Génerations Futures : cliquer ICI
- Une pétition et des courriers. Pour obtenir une nouvelle réglementation, Générations Futures et certains membres de la Coordination nationale de défense des victimes des pesticides (dont Allassac ONGF dans le Limousin, Alerte Pesticides Leognan, Alerte Pesticides Haute Gironde, et le Collectif Info Médoc Pesticides en Gironde), ont lancé une pétition d'interpellation du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll (déjà signée par plus de 9.000 personnes), doublée d'un courrier envoyé aux ministres concernés dans l'attente d'un rendez-vous, demandant la participation de leurs organisations à la rédaction du prochain arrêté. Par ailleurs, les associations disent vouloir faire, dans les mois qui viennent, des propositions pour l'adoption d'"un arrêté qui se voudra plus protecteur vis-à-vis des populations exposées aux pesticides".