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Loi biodiversité : les néonicotinoïdes tueurs d'abeilles autorisés par dérogation jusqu'en 2020

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Une abeille occupée à butiner. Photo archives AFP

Patience, la Nature, patience, patience, les abeilles... La loi biodiversité poursuit démocratiquement depuis deux ans son va-et-vient entre Sénat et Assemblée nationale.

La balle est dans le camp des députés qui ont voté mercredi soir, en troisième lecture, l'interdiction des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, utilisés dans l'agriculture et identifiés comme "serial killers d'abeilles." Premier hic: elle ne s'appliquera qu'à partir de septembre 2018, ce qui laisse encore deux années d’utilisation légale et le temps de constituer des stocks.

Dérogations jusqu'en 2020

Second hic : un amendement, également voté ce mercredi soir par les parlementaires, prévoit des dérogations à  l'interdiction possibles jusqu'en 2020. Autant dire que ces dérogations qui risquent d'être générales repoussent aux calendes grecques une interdiction désormais pourtant urgente aux yeux des associations écolos comme des scientifiques et des apiculteurs. Les uns et les autres ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur le risque d'effondrement massif des populations de butineuses que fait courir l'usage de ces insecticides, devant le taux de mortalité galopant des ouvrières de la biodiversité dont ils sont responsables.

Des dérogations "selon les bénéfices et les risques"

Le texte de la rapporteure Geneviève Gaillard (PS), adopté par ses collègues, prévoit en effet "que des dérogations à cette interdiction pourront être prises par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Ces dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020". Les ministres chargés de définir ces dérogations pourront s'appuyer sur le travail de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui "établira un bilan comparant les bénéfices et les risques" des néonicotinoïdes et des produits ou méthodes de substitution disponibles, comme l'a préconisé le Sénat en mai dernier, en revoyant à la baisse l'ambition de la loi sur ce chapitre (comme sur bien d'autres).

30% des colonies d'abeilles disparaissent chaque année

abeille,insectides,mortalité,interdiction,néonicotinoïdes,projet de loi,assemblée nationaleUne pétition ayant recueilli plus de 600 000 signatures pour demander l'interdiction des néonicotinoïdes, qui font l'objet d'un moratoire partiel en Europe depuis fin 2013, avait pourtant été remise le 16 juin par des ONG à Ségolène Royal, alors que le gouvernement était divisé sur cette question entre ministères de l'Agriculture et de l'Environnement. Depuis le milieu des années 1990, chaque année, 30% des colonies d'abeilles meurent. Avant 1995, date de l'apparition des néonicotinoïdes sur le marché français, "les mortalités avoisinaient seulement les 5%", selon ces ONG qui pointent logiquement du doigt la responsabilité de ces insecticides.

Les apiculteurs et les associations vent debout

Dans la pratique, les néonicotinoïdes tueurs d'abeilles bénéficient d'un sursis de quatre ans, s'insurgent ce jeudi les ONG environnementales. Pour Générations futures,  "cette décision, inacceptable, est un vrai recul face aux pressions de la FNSEA et des lobbies agrochimiques".

1,2 millions colonies d'abeilles condamnées à disparaître

François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, sort sa calculette et monte au créneau : "Sachant que ces pesticides néonicotinoïdes déciment environ 300 000 colonies d’abeilles tous les ans en France ce sont donc un million deux cent mille colonies d’abeilles dont l’Assemblée nationale vient de décider froidement de la disparition en France au cours des quatre prochaines années" déclare t'il, en colère.

"Irresponsable"

Pour lui, la décision des députés est "irresponsable" :  "Alors même que l’utilisation de ces insecticides augmente fortement en France ces dernières années (+ 31% de 2013 à 2014) et que leur rôle dans l’effondrement des colonies d’abeilles est maintenant clairement admis, il est totalement irresponsable de repousser aux calendes grecques leur interdiction. Le Gouvernement doit se reprendre et envisager une réelle interdiction dès 2018 au plus tard", ajoute t’il.

"La décision n'est pas à la hauteur des enjeux"

Grosse déception aussi pour Gilles Lanio, président de l’UNAF (l'Union nationale de l'apiculture française) :"Si le principe de l’interdiction de tous les néonicotinoïdes en 2018 constitue une véritable avancée par rapport au statu quo, l’UNAF déplore l’introduction de la possibilité de dérogations jusqu’en 2020, date bien trop lointaine." Le calcul effectué par la profession des apiculteurs tombe sur le même résultat que celui de Générations Futures. " Une interdiction totale dans quatre ans, c’est potentiellement 1,2 million de ruches supplémentaires décimées. La décision n’est pas à la hauteur des enjeux car il y a urgence à protéger les abeilles et les pollinisateurs et le service de pollinisation qu’elles rendent gratuitement…", déplore l'UNAF.

Le texte doit encore faire l'objet d'une navette avec le Sénat avant un ultime vote le 11 juillet de l'Assemblée (ouf !) qui aura le dernier mot. Mais lequel ? Que restera-t-il au final des ambitions initiales d'une loi destinée à "reconquérir la nature" ? Les députés viennent aussi de renoncer à taxer l’huile de palme, la fameuse "taxe Nutella" ...

Cathy Lafon

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