Faire du vélo en ville, c'est trop souvent la galère au quotidien
Faire du vélo en ville, c'est pas si facile. Bordeaux, le 13 mars 2016. Photo archives Sud Ouset / Fabien Cottereau
Faire du vélo en ville, c'est coton. A Bordeaux (j'ai testé pour vous), mais aussi dans la plupart des autres villes. Certes, il y a de plus en plus de cyclistes. 10% à 11% à Bordeaux, contre 3% avant 1995. Pour l'état de la planète, la pollution et le climat, c'est bien. Mais pour les cyclistes, il y a des "mais". Et des gros en plus.
Revue de détail, ce dimanche, jour de la Fête du vélo, des petites et grandes galères quotidiennes des déplacements à deux roues en ville.
Plus de vélos ne veut pas dire moins de voitures
Premier "mais", et de taille. Davantage de vélos ne signifie pas toujours que la circulation automobile régresse pour autant. A titre d'exemple, les derniers chiffres du trafic des camions sur la rocade bordelaise montrent une augmentation de ce mode de transport. Pourtant, depuis les Grenelle de l'environnement (2007-2012), toutes les lois et les grandes orientations des stratégies publiques nationales et locales sont censées diminuer la part de la route au profit du rail et de transports moins polluants...
Les aménagements routiers ne sont pas à la hauteur
Bon. Revenons à nos pédales. Dans Bordeaux, puisque c'est là qu'on habite, aller au boulot à vélo s'apparente certains jours et sur certains trajets à un véritable parcours du (de la) combattant(e), qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse soleil. Quand il y a une bande cyclable, de la simple ligne blanche parfois effacée sur les nids de poule de la chaussée, à la piste bien lisse et toute neuve, il n'est pas rare qu'elle soit encombrée de voitures stationnées parfois en double file, ou d'engins de travaux publics et de camions en train de décharger, ou encore de scooters roulant à plein gaz. Sans parler des bus avec lesquels il est prévu que les vélos partagent certaines voies cyclables, à l'exemple, cours Victor Hugo. Ailleurs, c'est avec les piétons que les cyclistes doivent partager, en leur laissant la priorité. Et tout cela, quel que soit le quartier de la ville, du plus populaire au plus bourgeois. Agaçant.
Où est donc passée la bande cyclable ?
Il y a plus énervant. Il n'est pas rare non plus qu'aux feux tricolores, à l'intersection de deux rues, la fameuse bande cyclable qui a le mérite d'exister, disparaisse, plus ou moins loin en amont du feu. Le ou la cycliste se retrouve alors coincé(e) au beau milieu du flot des véhicules, à respirer les gaz d'échappement, obligé(e) de slalomer, voire de descendre de sa machine et d'emprunter le trottoir pour sauver sa peau et sa santé. Et puis, pour pimenter le trajet, il y aussi toutes ces petites rues coupées par les chantiers ou les déménagements, rarement signalés et dont les emplacements varient chaque matin (c'est la grande mode à Saint-Michel), ces pistes rendues impraticables par les travaux (la voie cyclable entre Bordeaux et Lormont, le long de la Garonne), ces trous dans le bitume, ces pavés dignes du Paris-Roubaix et parfois disjoints, voire manquants, ces lisses infernales du tram et enfin, ces pistes ou bandes cyclables qui s'arrêtent brutalement pour vous laisser, paniqué(e)s, au beau milieu d'une jungle d'asphalte, entre rails du tram et voitures. C'est le cas lorsqu'on arrive par les quais aux Bassins à flot, quartier tout neuf, en pleine requalification urbaine. "M'enfin, c'est pas possible, et où je roule, moi ?!"
Le comportement des autres usagers de la route laisse plus qu'à désirer
Le soir, à la sortie du boulot, la dure journée du (de la) cycliste n'est pas finie. A partir de 18 h, là où les pistes cyclables sont de véritables voies royales diurnes, sur les quais le long de la Garonne, notamment, ou encore sur le pont de pierre, d'autres obstacles surgissent. Et c'est l'enfer. Au secours ! Des hordes de joggeurs fluos déboulent sur la piste réservée aux vélos, alors qu'un espace piéton existe juste à côté. "Ding, ding !", la sonnette va bon train. Sans compter tous ces piétons qui ont le chic pour traverser sans regarder, de jour comme de nuit, car évidemment, un vélo ça ne fait pas de bruit, donc ça n'existe pas. Quand il pleut, c'est bien plus drôle. En prime, le vélo peut déraper sur les pavés glissants et, avec un peu de chance, percuter de plein fouet l'un des potelets qui hérissent par centaines les trottoirs bordelais. A ce stade, il se peut même qu'un juron bien senti couvre le bruit de la sonnette.
Voitures, piétons, cyclistes indélicats... bienvenue dans un monde de brutes !
Fini de rager ? Non, non, je n'oublie pas non plus ces voitures qui accélèrent lorsque vous vous engagez sur la piste cyclable et le passage piéton pour traverser la rue, ni celles, délicates, qui s'arrêtent pile dessus, en plein embouteillage, au lieu de laisser le passage libre comme le recommande le code de la route. La nuit, avec les lumières des phares, c'est encore plus beau. "Ding, ding !" Ou encore ces automobilistes qui ne vérifient jamais dans leur rétro, avant de déboîter, s'il n'y a pas un cycliste dans les parages, ou qui se garent et ouvrent leur portière sans regarder, juste au moment ou vous passez à vélo. Ca peut faire très, très mal. Et ceux qui, après avoir sifflé leur canette, la balancent par la fenêtre ? Pas de chance, elle a atterri malencontreusement sous la roue de votre vélo... "Ding, ding ! Non mais attention, ça va pas la tête !?"
Le must du must : la piste cyclable à contresens
Pas plus, et j'y tiens, ces cyclistes, vos propres frères et soeurs de galère à deux roues, qui vous doublent en fonçant comme des malades, vous font sursauter et vous engueulent en prime car vous ne roulez pas assez vite ! La palme revenant aux célèbres adeptes de la secte de la piste cyclable à contresens qui ne daignent même pas vous jeter un coup d'oeil en vous croisant, quand vous avez évité le pire en vous écartant au dernier moment, même si c'était vous qui étiez dans votre bon droit. Vous savez, le coup du : "C'est moi qui bouge, ou c'est lui (ou elle) ? Parce que si on bouge ensemble... ". Et les scooters, interdits de pistes cyclables ? Même pas le temps de faire "Ding, ding !", mais grosses sueurs froides à la clé, si vous n'avez pas valdingué, heurté(e) par le guidon du scooter dont le conducteur, bien sûr, ne s'arrête surtout pas pour prendre de vos nouvelles. Gagné, la sonnette est cassée...
De pire en pire ?
Exagéré ? Mon guidon au feu qu'à vélo, la très grande majorité de ces petites et grandes misères s'abattront un jour où l'autre sur vous... Pas toutes en même temps, à moins d'être vraiment dans un très mauvais jour, et à condition, aussi, qu'on ne vous ait pas piqué votre bécane ! D'où l'impression inquiétante et tenace, que pour les vélos, en ville, "ça s'arrange pas". Et qu'on n'a pas fini de jouer, chaque jour, sa vie sur son vélo... "Ding ding !".
Heureusement, il y a des solutions ! L'association Vélo-cité prône notamment l'installation d'un réseau de voies express dédiées et adaptées aux vélos (REVe), promis depuis 2012 dans l'agglomération bordelaise.
►PLUS D'INFO
- Sur Vélo-Cité: 16 rue Ausone - 33 000 BORDEAUX. Tel : 05-56-81-63-89 / 07-81-41-96-07. E-mail: bordeaux@fubicy.org. Site internet : cliquer ICI. Facebook : cliquer ICI
►EN CHIFFRES
- Accidentologie en hausse dans l'agglo bordelaise. Un cycliste a été tué en mai 2013 place Bir-Hakeim (Bordeaux), un autre le 3 mars dernier à Bègles, près des boulevards. Dans les deux cas, le chauffeur du véhicule automobile n'aurait pas vu le cycliste qui se trouvait dans son angle mort. Cinq piétons ont été tués en 2014. Selon Bordeaux-Métropole, le nombre de cyclistes blessés a augmenté de 2013 (136) à 2014 (163). Celui des piétons blessés idem : 192 en 2013, et 210 en 2014. Ces statistiques ne tiennent pas compte des innombrables accidents et chutes qui, s'ils ne font pas l'objet de constats formels, émaillent le quotidien du (de la) cycliste.
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