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Diminuer la part du nucléaire: une promesse de Hollande atomisée

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La centrale nucléaire de Cattenom (Moselle). Photo archives AFP

C'était l'une des grandes promesses solennelles de campagne de François Hollande en 2012, et sûrement l'une des plus importantes sur le plan environnemental et des plus novatrices sur le plan économique :  réduire la part du nucléaire et développer les énergies renouvelables pour inscrire la France dans la transition énergétique.

De nouvelles tergiversations du gouvernement pourraient bien l'enterrer. Si la loi de transition énergétique transcrit bien depuis 8 mois la promesse présidentielle, selon les explications de Ségolène Royal au "Monde" de ce jeudi, son application, elle, est reportée à 2019. Un recul politique sans grandeur qui refile la patate chaude aux gouvernements suivants.

Afficher une politique sans changer la vie

Lutter contre le réchauffement climatique, économiser les énergies fossiles, décarboner la société, réduire la pollution de l'air et développer le riche gisement d'emplois que représente pour la France l'économie verte : pour atteindre ces beaux et justes objectifs, une "loi de transition énergétique", dite aussi "pour la croissance verte", a bel et bien été votée et promulguée en août 2015. Sans même faire avoir fait descendre les Français dans la rue, un exploit par les temps qui courent. Le chef de l'Etat, pour une fois, a-t-il bien fait le job ? Hé bien non. En effet, selon l'habitude caricaturale d'un quinquennat où l'on veut sans cesse ménager la chèvre et le chou et faire les lois mais sans changer le droit, l'application du texte est repoussée en 2019, après la prochaine élection présidentielle. Autant dire que la loi peut être détricotée voire même carrément passer à la poubelle. Les bras nous en tombent.

Une loi de papier

transition énergétique,gouvernemet,loi,décret,photovoltaïque,éolienPour l'affichage politique, c'est réussi. Ambitieuse sur le papier, la loi sur la transition énergétique a tout ce qu'il faut pour plaire. Elle vise la réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990, la réduction par moitié de la consommation des énergies, la réduction de 30% le recours aux énergies fossiles en 2013 et le développement des énergies renouvelables à 32% à la même date. Dans un contexte de surproduction d'électricité française européenne, cela implique de réduire parallèlement le recours à l'atome à 50% dans le bouquet électrique tricolore en 2025. Sans compter que le nucléaire ne garantit pas au pays son indépendance énergétique.

En attendant la planification

La réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité est bel et bien prévue par l'article 1er de la loi de transition énergétique, qui stipule de l'abaisser à "50 % - contre 77 % en 2014 - à l'horizon 2025 ". Soit dans 9 ans. Pour appliquer la loi et organiser cette mutation énergétique, économique et sociétale, le secteur industriel de l'énergie attend depuis août 2015, une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui devait couvrir deux périodes, 2016-2018 et 2019-2023. Et le décret qui permet de la mettre en musique. 

Rendez-vous... en 2019

Reportée de mois en mois depuis le mois d'août 2015, la planification indispensable pour conduire la transition énergétique est reportée à... 2019, a annoncé au journal Le Monde, ce jeudi, la ministre de l'Ecologie. En attendant, Ségolène Royal, a demandé au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) d'examiner, ce vendredi 15 avril, un "arrêté relatif à la programmation des capacités de production d'énergie renouvelable" de 2008 à 2023, pour une publication au Journal officiel en mai. Dans l'arrêté, l'éolien terrestre doit monter fortement en puissance, en passant d'une capacité installée de 9,3 gigawatts (GW), en 2014, à 22 ou 23 GW, en 2023, de même que le solaire photovoltaïque, qui doit grimper de 5,4 GW à 18 ou 22 GW. Soit.

Et le nucléaire ?

Là où il y a un gros souci, c'est que cette feuille de route énergétique 2008-2023 ne concerne que les renouvelables et fait l'impasse sur l'atome, qui reste pourtant le nerf de la guerre de la transition énergétique. Résultat, au lieu de sécuriser économiquement  les filières énergétiques françaises alternatives, l'Etat va les fragiliser, car il ne "leur fait pas de la place sur le marché et sur le réseau", réagit l'ONG Greenpeace. Baisser la part de l'atome à 50% du bouquet électrique exige en effet de planifier et d'étaler l'arrêt de 17 à 20 réacteurs sur les 58 de l'Hexagone estime la Cour des comptes. La seule fermeture actée devait être celle de Fessenheim, dont un décret devrait acter l'arrêt "avant l'été", selon Ségolène Royal . Mais elle ne s'arrêtera de toute façon pas avant la fin 2018, lors de la mise en service prévue de l'EPR de Flamanville (Manche).

Les aléas de l'EPR

transition énergétique,gouvernemet,loi,décret,photovoltaïque,éolienTransition toute trouvée avec l'un des problèmes majeurs pour la filière nucléaire française : les incertitudes sur la fin du chantier de l'EPR, sans cesse repoussée, dont le coût a explosé de 3 à 10 milliards d'euros, sont loin d'être levées... EDF et Areva ont également annoncé ce mercredi qu’ils devaient mener des tests complémentaires sur la résistance d’un composant clé de la future centrale nouvelle générations. Si les entreprises se disent "confiantes sur leur capacité à prouver que la cuve est bien conforme aux exigences de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)", ce nouvel aléa fait croître l’inquiétude au sujet de l’aboutissement du chantier. D’ailleurs, l’ASN a déjà demandé à EDF de prévoir des scénarios alternatifs susceptibles de pallier les insuffisances jugées définitives de la cuve. Comme un malheur arrive rarement seul, le 31 mars dernier, un générateur de vapeur - une pièce de 22 mètres et de 465 tonnes - a également chuté lors d'une opération de démontage à la centrale de Paluel Seine-Maritime). Un incident qui traduit des défaillances, selon l'ASN.

La facture pour la rénovation de notre parc électro-nucléaire vieillissant, "le grand carénage",  avoisinant en outre les 100 milliards d'euros, il semble que l'Etat, une fois de plus, fasse le choix de laisser la politique énergétique du pays aux mains d'EDF et Areva, deux entreprises privées dont la seconde est d'ailleurs en faillite, au détriment des intérêts économiques et industriels du pays et de de ceux des citoyens. A quelques jours du 30ème anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (le 26 avril), de la signature solennelle par la France à l'ONU des engagements de la COP21 sur le climat (le 22) et de l'ouverture de la 4ème Conférence environnementale nationale (repoussée du 15 au le 25), quelle crédibilité écologique l'Hexagone peut-il encore revendiquer sur la scène internationale ? Sans parler de celle du chef de l'Etat, à l'intérieur des frontières du pays.

Cathy Lafon

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