Télévision. Electricité : quel est le montant de la facture ? Réponse ce soir, sur Arte
Photo Memento Films, Arte
Qu'y a t-il derrière le montant de votre facture d'électricité ? Pourquoi les prix de l'énergie ont-ils explosé ces vingt dernières années dans les pays européens et continuent-ils à grimper ? Pourquoi meurt-on à nouveau de froid en Angleterre, quinze ans après la disparition de ce mal ? Pourquoi un Européen sur dix est-il en situation de précarité énergétique ? Et pourquoi les énergies renouvelables ne peuvent-elles toujours pas donner leur pleine mesure pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, en dépit de leur énorme potentiel ?
Depuis vingt ans, l'Europe cherche à s'accorder sur une politique énergétique commune, après avoir promis la baisse des prix de l'électricité par une libéralisation totale du secteur, et une énergie plus verte, grâce à la transition énergétique. Avec "Electricité, le montant de la facture", un documentaire aussi passionnant que minutieux, signé Cécile Allégra et Patrick Dedole, Arte passe au crible les promesses énergétiques de l'Union européenne pour constater qu'elles se sont soldées par un échec retentissant. Sans oublier de décrypter les solutions qui pourraient remettre l'Europe de l'énergie sur les bons rails.
Se chauffer ou manger : pour certains Européens, il faut choisir
Selon Eurostat, en 8 ans, le prix moyen de l'électricité a augmenté de 42% en Europe, contre 16% aux Etats-Unis. Obligées de choisir entre payer leur facture d'électricité ou manger, les victimes du froid se comptent désormais par milliers sur le Vieux continent. L'Italie compte 5 millions de familles en situation de précarité énergétique, l'Allemagne, 7 millions, et la France, 8 millions. Pourtant, quand l'Union européenne a décidé en 1996 de libéraliser l'énergie, elle avait pour objectif de faire baisser les prix de l'électricité en faisant jouer la concurrence et en concluant un "pacte de l'énergie pour tous". Inspirée du Royaume-Uni, où Margaret Thatcher privatisait à tour de bras le gaz, l'électricité et les transports, l'idée qui guidait alors la Commission européenne, c'était que la loi de l'offre et de la demande allait tout régir, le marché s'autorégulant... Voilà pour la théorie. En pratique, souligne pour Arte Jean Gaubert, le médiateur national de l'énergie en France, c'est tout l'inverse qui a été obtenu.
Le désastre anglais
Avec un record de hausse du prix de l'électricité de 85% et la multiplication par deux en dix ans du nombre de précaires énergétiques (photo Arte ci-contre) l'Angleterre illustre tristement l'énorme raté européen. Il est vrai que le royaume britannique détient aussi le record des logements mal isolés : le plan d'isolation des logements enclenché dans les années 2000 a été supprimé par les coupes budgétaires de la politique d'austérité du gouvernement. Motif : "pas adapté à l'économie de marché". La politique actuelle anglaise pas vraiment à la hauteur des enjeux du réchauffement climatique sur ce point, génère aussi la pauvreté et donc la précarité énergétique. Force est de reconnaître que les promesses de la libéralisation des marchés n'ont pas porté leurs fruits pour les sujets de la reine Elizabeth II.
Les promesses des énergies vertes de l'avenir
"Fukushima a changé ma vision du nucléaire", Angela Merkel, chancelière allemande, mars 2011.
Invité depuis 1997 dans la construction énergétique européenne, le réchauffement climatique implique de faire baisser la consommation des énergies fossiles. L'Allemagne, excellente élève de la transition énergétique et championne des énergies renouvelables - 80% de sa population allemande est favorable à leur développement- , après avoir décidé de sortir du nucléaire dès 2000, a confirmé définitivement ce choix en mars 2011, après la catastrophe nucléaire de Fukushima. Outre-Rhin, la production des énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse, etc.) monte en flèche : tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. C'est sans compter sur les lobbies des énergies fossiles qui ont déclaré la guerre aux renouvelables et continuent les extractions en masse de lignite destructrices de l'environnement et du cadre de vie (photo Arte ci-dessus), tout en bataillant pour construire de nouvelles centrales à charbon, alors qu'il n'y a désormais plus vraiment de place pour elles dans le nouveau bouquet énergétique allemand. Résultat, des émissions de gaz à effet de serre dont les dommages écologiques sont évalués à 80 euros la tonne. Et devinez qui paye la facture ? Le consommateur allemand ? Gagné.
L'unification du marché commun de l'électricité en panne
Pas plus qu'elle n'a tenu sa promesse sur la diversification des sources d'énergie, l'Europe n'est pas parvenue à unifier le marché commun de l'électricité. Aujourd'hui, l'Europe importe 53% de son énergie, notamment d'Ukraine et de Russie. Le schéma d'interconnexion des pays membres, destiné depuis 2008 à atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique en augmentant de 20% les énergies renouvelables pour réduire d'autant les émissions de gaz à effet de serre en 2020, rame lui aussi. Contrairement au lobby des grands énergéticiens des fossiles et du nucléaire, parfaitement interconnecté et huilé, qui pèse de tout son poids pour ralentir la transition énergétique et voudrait rendre responsables, devant les consommateurs, les énergies renouvelables de la hausse de leur facture.
Et la France, dans tout ça ?
L'Hexagone qui a fait le choix du tout électrique et du tout nucléaire, est le seul pays d'Europe à ne pas être concerné par la libéralisation totale. EDF, avec ses 58 réacteurs nucléaires, a gardé le monopole de la production d'électricité jusqu'en 2010. Est-ce mieux pour le consommateur français ? Pas vraiment. Si les prix de l'énergie restent bas en France, en dessous de leur prix réel, ils montent aussi. Et chacun s'accorde à reconnaître que l'énormité des coûts à venir pour l'électricien, afin de conserver en état son parc électronucléaire vieillissant (100 milliards d'euros selon la Cour des comptes) ne permettra pas de maintenir longtemps encore une tarification aussi basse. Le deuxième hic étant que le monopole d'EDF bloque aussi le développement des énergies renouvelables. En témoignent ces habitants de l'île de Sein qui voudraient bien (et pourraient) faire de leur île un exemple de transition énergétique, en supprimant le fuel et en exploitant la force des marées, le vent et le soleil pour obtenir une énergie moins polluante et aussi moins chère que le courant importé du continent. EDF les en empêche, au motif que les énergies renouvelables, intermittentes, seraient insuffisantes pour produire l'électricité nécessaire. Or non seulement c'est possible, mais c'est vraiment plus propre et vraiment moins cher...
L'impasse du big bang énergétique
Le big bang énergétique européen issu de la libéralisation a bel et bien eu lieu, mais, victime de l'inconséquence des gouvernements, sous la pression des lobbies des énergéticiens conventionnels, il n'a pas tenu ses promesses. En France, "le mur d'investissement" dans le nucléaire, avec le coût du grand carénage (travaux de maintenance des réacteurs), fera inévitablement augmenter le prix de l'énergie tricolore. Le monopole protecteur créé par l'Etat et EDF s'est retourné contre les contribuables, sous le coup d'un endettement massif lié au nucléaire, qui ne cesse de se creuser.
Réglementer et redéfinir les objectifs
Pourtant, la libéralisation de l'énergie, loin d'être un sujet tabou, peut contribuer à développer les énergies renouvelables. En atteste le modèle allemand, en dépit de ses réelles imperfections. Mais, pour atteindre ses objectifs, elle demande à être réglementée et doit aussi tenir compte des enjeux du réchauffement climatique. Après Fukushima, catastrophe nucléaire oblige, il faut aussi que l'Europe mette le cap sur les énergies propres et renouvelables. Telles sont les conclusions d'une enquête menée sur vingt ans d'une chimère européenne qui a laissé sur le bord de la route des millions de citoyens européens, tombés dans la précarité. Sans apporter les réponses nécessaires à la pollution de l'air et au réchauffement climatique.
►A VOIR : "Electricité, le montant de la facture", une soirée Théma animée par Emilie Aubry, Arte, 20h55.
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