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Pesticides en Gironde : où en est-on ?

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Manifestation devant l'école Jean-Jaurès de Léognan (Gironde) contre l'usage des pesticides à proximité des écoles, le 3 juillet 2014.  Photo archives Sud Ouest / Laurent Theillet

"Pour un printemps sans pesticides", la 11ème Semaine européenne des alternatives aux pesticides qui se déroule en France et dans plusieurs autres pays jusqu'au 30 mars, s'est ouverte ce dimanche, à l'initiative de l'association Générations Futures.

L'échec du plan Ecophyto

Le constat d'échec du plan français Ecophyto donne tout son sens à ce rendez-vous annuel. Lancé par le Grenelle de l'environnement, il avait pour objectif initial de réduire de 50% l’utilisation des produits phytosanitaires entre 2008 et 2018. La consommation ayant continué à augmenter, un nouveau plan revu à la baisse en janvier 2015 par Stéphane Le Foll, l'actuel ministre de l'Agriculture, vise désormais une réduction en deux temps : 25% d’ici 2020 et 50% à l’horizon 2050. Les derniers chiffres communiqués par le gouvernement révèlent que leur consommation a encore progressé de 9,4% de 2013 à 2014. 

Ca bouge en Gironde

Parmi les multiples événements organisés partout en France cette semaine, le collectif Info Médoc pesticides invite les Girondins à une soirée-débat sur les pesticides demain mardi, à Listrac-Médoc, à 20h. Une bonne raison, s'il en fallait une, pour faire le point sur un dossier ultra-sensible en Gironde, alors que la préfecture vient de lancer une consultation publique sur un nouvel arrêté censé mieux encadrer les épandages de pesticides.

Le combat local

Ces dernières années, la mobilisation pour l'interdiction des pesticides monte en puissance en Gironde. Deux femmes, notamment, se sont lancées avec courage dans la bataille contre l'omerta qui entoure les risques sanitaires des phytosanitaires pour les salariés de la terre et de la vigne. Depuis 2011, Marie-Lys Bibeyran se bat pour la mémoire de son frère, Denis. Employé dans une propriété de Listrac-Médoc en Gironde, il est décédé à 47 ans, en 2009, d'un cancer des voies biliaires. Salariée viticole elle-même, elle a entamé des démarches auprès de la MSA de Gironde pour obtenir la reconnaissance post-mortem du cancer de son frère comme maladie professionnelle due aux phytosanitaires qu'il utilisait en tant qu'ouvrier agricole. La trentenaire collabore aussi avec l'ONG Générations futures, à l'origine d'une enquête réalisée en 2013 dans le Médoc, mettant à jour la surexposition au cancer des salariés de la vigne, et a fondé le collectif Info Médoc Pesticides.

La Bordelaise Valérie Murat, fille d'un viticulteur girondin mort d'un cancer incurable, mène également un combat judiciaire pour que son père soit reconnu victime des pesticides. Viticulteur à Pujols (Gironde), James-Bernard Murat est mort en 2012, à 70 ans, d’un cancer bronchopulmonaire, une maladie incurable diagnostiquée en avril 2010, huit ans après son départ en retraite en 2002.

D'autres acteurs, la Confédération Paysanne 33, l'ONG Générations Futures, le collectif Alerte Pesticides Léognan, Les Amis de la Terre ou encore Allassac ONGF, alertent aussi localement sur la dangerosité des épandages de pesticides.

L'intoxication aigüe de l'école de Villeneuve et l'arrêté préfectoral du 23 juin 2014

ecole-de-villeneuve-est-entouree-de-vignes-elles-longent_1834674_800x400.jpgAprès l'intoxication aux pesticides de 23 élèves et de leur institutrice, le 5 mai 2014, pris de violents malaises à la suite du traitement d'une parcelle de vignes voisine de l'école de Villeneuve-de-Blaye (Haute  Gironde, photo ci-contre), l'ancien préfet de Gironde, Michel Delpuech prend le mois suivant un arrêté interdisant les pulvérisations chimiques sur les vignes situées à moins de 50 mètres des écoles pendant la présence des enfants. L'affaire de Villeneuve a fait grand bruit et connu un retentissement national, au vu de la multiplication des études scientifiques mettant en cause la responsabilité des pesticides dans la hausse de certaines maladies particulièrement graves, touchant notamment les enfants.

L'étude de l'Institut national de veille sanitaire (INVS), août 2015

Nouvel élément à charge contre les phytosanitaires, en août 2015, l'Institut national de veille sanitaire publie une étude réalisée en 2013, examinant le lien potentiel entre des cas de cancers pédiatriques dans la commune viticole de Preignac, en Sud-Gironde, et l'usage des pesticides. A la suite de quoi, le mois d'octobre suivant, l'Association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) demande à l'Agence régionale de la santé d'approfondir l'enquête.

L'affaire de l'école de Villeneuve en justice

Un an et demi après les faits, fin décembre 2015, le parquet de Libourne finit par ouvrir une information judiciaire contre X après la plainte déposée par la Sepanso, pour "utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques", suite à l'épandage de fongicides dans les vignes situées près de l'école primaire de Villeneuve-de-Blaye.

L'électrochoc de l'enquête de "Cash investigation"

cash investigation.jpgDiffusée le 2 février 2016 sur France 2,  "Cash investigation", le magazine d'Elise Lucet, provoque un électrochoc dans l'opinion. Au terme d'un an d'enquête, "Produits chimiques, nos enfants en danger" dévoile les chiffres confidentiels des pesticides en France, inaccessibles au citoyen lambda, et démontre les graves conséquences pour la santé de leur usage immodéré. L'enquête rappelle que depuis 1980, les cancers infantiles, deuxième cause de mortalité chez l'enfant, augmentent de 1 % par an en France (2.500 cas supplémentaires chaque année). Les anomalies de naissance, les troubles hormonaux ou encore l'autisme se multiplient. Pour les scientifiques du monde entier, il existe un lien entre ces maladies très différentes et l'exposition aux produits chimiques, et notamment aux pesticides. Certains sont cancérigènes, d'autres mutagènes, reprotoxiques (entraînant la stérilité) ou neurotoxiques.

La "marche blanche" contre les pesticides

pesticides marche blanche.jpgOn y découvre aussi qu'en France, la Gironde est l'une des trois zones noires des pesticides. Sur les 65.000 tonnes de phytosanitaires épandus en moyenne chaque année dans l'Hexagone, 3.320 tonnes le sont dans le premier département viticole de France pour les AOC (appellations d'origine contrôlée), 132 écoles se trouvent en zone classée "sensible" par la préfecture, en raison des épandages de pesticides dans les vignes. Avec quelles conséquences sur la santé des enfants? Les journalistes ont prélevé et fait analyser dans un laboratoire indépendant au Luxembourg les cheveux de 20 enfants de quatre écoles girondines. Le laboratoire a comptabilisé la présence de résidus de 44 pesticides.  Le 14 février, une marche blanche réunit à Bordeaux 600 personnes contre les pesticides. 

La pétition du collectif Info Médoc Pesticides

remise pétition pesticides.jpgLe 1er mars dernier, dans la foulée du reportage choc de "Cash investigation", le collectif citoyen Info Médoc Pesticides (photo "Sud Ouest" ci-contre) remet au préfet de la Gironde, Pierre Dartout, une pétition en ligne. Lancé en septembre 2015 à l’initiative de Marie-Lys Bibeyran, et signé par plus de 84.600 personnes, le texte exige l’arrêt des traitements chimiques des parcelles agricoles et viticoles situées à proximité d'établissements recevant des enfants ou des personnes âgées, et leur passage en bio. Parmi les exemples cités par la pétition qui prouvent, selon le collectif, la dangerosité de ces pesticides sur les écoliers: l'apparition de cancers pédiatriques dans le Sauternais ou encore l'intoxication aigüe dans l'établissement scolaire de Villeneuve, suite à l'épandage de pesticides.

Alors que la législation actuelle "se limite à l’interdiction de l’application de pesticides pendant que les enfants sont dans l’enceinte de l’établissement scolaire ou à l’installation de filets anti-pesticides dont l’efficacité reste à prouver", Marie-Lys Bibeyran demande, au nom du collectif, à ce que les vignes soient traitées "uniquement avec des produits homologués pour l’agriculture biologique et en dehors de la présence des enfants". Selon elle, ce serait "le gage d'une cohabitation sereine entre le monde agricole et ses concitoyens".

Un nouvel arrêté préfectoral soumis à la consultation publique

Le 14 mars, le préfet de Gironde lance une consultation publique sur un arrêté destiné à renforcer l'encadrement de l'épandage de pesticides dans les vignes. Une démarche qui fait suite à la circulaire adressée à tous les préfets par Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, après les vives réactions suscitées par "Cash investigation" dont l'onde de choc est loin d'être finie. Stéphane Le Foll, le ministre de l'agriculture y avait reconnu être "parfaitement conscient que les  pesticides sont une bombe à retardement, un danger pour la santé, pour l'environnement et peut-être même pour l'économie".

Les Girondins ont jusqu'au 8 avril pour donner leur avis (sur internet ou par courrier) sur un texte qui étendra les mesures de précaution, au-delà des écoles, à toute structure accueillant des enfants (crèches, haltes-garderies...) ou des personnes "vulnérables" (malades, personnes âgées ou handicapées). Il favorisera aussi l'implantation de "dispositifs de protection physique adaptés", notamment la plantation de haies, et encouragera "le recours par les viticulteurs à des matériels limitant la dérive", entendez la dispersion des produits. Le texte s'appuie sur les dispositions de la loi d'avenir pour l'agriculture adoptée en septembre 2014, qui subordonne l'application des produits phytosanitaires à proximité des lieux sensibles à la prise de mesures adaptées.

Un arrêté insuffisant, selon les anti-pesticides

pesticides,gironde,chronologie,semaine alternative aux pesticides,generations futures,bibeyran,collectif info médocPour Info Médoc pesticides, le nouvel arrêté ne prend pas la mesure du problème. C'est l'arrêt des produits phytosanitaires dits "CMR" (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) près des lieux fréquentés par des enfants que réclame l'association. Ces nouvelles mesures préfectorales ne sont finalement qu'une mise en conformité avec les règles en vigueur depuis le 27 juin 2011, prévues par l'arrêté de la ministre de l'Ecologie d'alors, Nathalie Kosciusko-Morizet, pour harmoniser la France avec la directive européenne de 2009 en matière de protection des publics. Dans la pratique quotidienne, il ne devrait pas changer grand chose. Pour la Confédération paysanne et le collectif Alerte Pesticides, qui soulignaient le 18 mars dans "Sud Ouest" l'impossibilité pour les agriculteurs d'être équipés d'ici au 30 du mois de mars, le nouveau texte est même "un recul par rapport à celui du 23 juin 2014, qui faisait une différence entre les produits pulvérisés". Si les produits sont "non classés ou mutagènes, les conséquences ne sont pas les mêmes".

Une interrogation demeure. Ce qui est mauvais pour les enfants quand ils sont à l'école en zone viticole, ne l'est-il pas tout autant lorsqu'ils sont à la maison, au milieu des vignes ? Quid des nombreux particuliers dont le domicile jouxte des parcelles agricoles traitées par des pulvérisations de pesticides ?

Soirée débat à Listrac-Médoc

Pour continuer à informer des dangers potentiels des pesticides sur la santé, le collectif Info Médoc Pesticides, organise une projection-débat, le mardi 22 mars, à 20h, à la salle socio-culturelle de Listrac-Médoc. Après la diffusion du documentaire "Insecticide Mon amour" de Guillaume Bodin, le public pourra débattre avec plusieurs intervenants:  Maître Cottineau, avocat, Benoît Biteau, agriculteur bio, Jacky Ferrand, victime des pesticides, Pierre Michel Périnaud et Joseph Mazé, médecins, membres de l'association Alerte Médecins Pesticides.

Cathy Lafon

►PLUS D'INFO

  • Consulter le projet d'arrêté préfectoral encadrant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables et participer à la consultation: cliquer ICI
  •  Le public peut faire part de ses observations au plus tard jusqu'au 8 avril 2016 inclus :

- soit par voie postale à l'adresse suivante : Direction Départementale des Territoires et de la Mer - Direction - Cité Administrative - 2 rue Jules Ferry - 33090 Bordeaux Cedex.

- soit par voie électronique à l'adresse suivante : ddtm@gironde.gouv.fr

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