Réchauffement climatique : en France et dans la région, l'hiver 2015-2016 bat tous les records de chaleur depuis 1900
Douceur des températures sur la Grande Plage de Biarriz, en fin de matinée, le 29 décembre 2015. Photo archives Sud Ouest / Emilie Drouinaud
Peut-être cela vous a-t-il échappé, mais l'hiver tire à sa fin... Non, vous n'êtes pas particulièrement distrait, mais le printemps va débouler le 20 mars prochain sans que la France ait aperçu l'ombre d'une véritable vague de froid. Deux ou trois vaguelettes, tout au plus.
Avec des températures moyennes qui ont battu des records de douceur, de l'ordre de 8°C, soit +2,6°C au dessus de la normale saisonnière, l'hiver 2015-2016 a été le plus chaud dans l'Hexagone depuis le début du XXème, selon Météo-France. C'est dans la région, sur le littoral du Pays basque, que les températures hivernales ont été les plus élevées.
+2,6°C, "un écart énorme" selon Météo France
L'organisme national, qui se base sur les températures enregistrées en décembre, janvier et février, constate que la température moyenne sur ces trois mois a été de 8°C, soit °2,6°C au-dessus de la normale, ce qui constitue "un écart énorme qui place cet hiver loin devant les précédents records"
"Cette valeur place l'hiver 2015-2016 au premier rang des hivers les plus doux depuis le début des mesures", au début du XXème siècle, a expliqué Météo-France ce jeudi, en relevant que le pays n'a pas "connu de vague de froid ni de véritables conditions hivernales" cette année et qu'aucune région "n'a été épargnée" par la douceur.
Ainsi, 2015-2016 arrive "loin devant" 1989-1990 (+2°C) et 2006-2007 et 2013-2014 (+1,8°C). Les écarts sont établis par rapport à la moyenne enregistrée sur la période 1981-2000.
Et El Niño dans tout ça ?
Quant au phénomène El Niño - une modification des courants océaniques dans le Pacifique - il est établi qu'il a des incidences sur la météo de certaines régions du globe. Si El Niño est largement tenu pour responsable de la température moyenne record en 2015 au niveau mondial, les chercheurs sont plus partagés sur son influence réelle en Europe.
Biarritz, dans les Pyrénées-Atlantiques, bat le record des records nationaux de douceur
C'est à Biarritz, avec une température moyenne de 13,3°C, soit +4,3°C par rapport à la normale, qu'il a fait le plus doux en France. Le 25 janvier, le thermomètre affichait 24,1°C à Orthez et à Oloron (64), 22,7°C à Pau et 17,2°C à Bordeaux. En Gironde, au Cap-Ferret, un record est tombé avec une moyenne de 10,7°C en janvier. Février, en dépit d'épisodes frisquets, est resté sur la même tendance.
Marseille et Brest ont affiché 12,1°C, Paris 10°C. La moyenne de décembre à Strasbourg a été de 7,3°C et de 8,7°C à Lyon. Dans toutes ces villes, les écarts par rapport à la normale dépassent les 4°C.
Où sont passées les gelées d'antan ?
"Dans la continuité, janvier et février ont conservé en moyenne des températures très supérieures à la normale, malgré trois périodes plus fraîches". Météo-France
Autre indicateur de la douceur des mois passés: des gelées "peu fréquentes en plaine", souvent deux fois moins que la normale. Clermont-Ferrand et Strasbourg qui enregistrent en moyenne 14 jours de gel en décembre n'en affiche que six, tandis que Paris (sept en moyenne), Abbeville (10), Marseille (7) et Brest (4) n'en ont eu aucune.A Pau, Météo France a recensé en janvier seulement deux journées de gel contre neuf en moyenne, et cinq journées à Bergerac (24) au lieu de 11. A Bordeaux, où l'on pouvait faire du vélo en short en décembre (photo "SO" ci-contre), les jardins n'ont pas non plus vraiment blanchi cet hiver. Les citronniers en pot ont continué à fleurir et les plantes méditerranéennes comme le plumbago, fait rarissime, n'ont pas gelé.
Du soleil et des précipitations en plus, ou en moins, selon l'endroit où l'on habite
Coté ensoleillement et précipitations, les situations ont été très variables dans l'Hexagone. La pluviométrie a été ces trois derniers mois "excédentaire de 10 à 50% de la Bretagne au nord du Massif central et à l'Aquitaine, le long des cotes de la Manche et du sud de l'Alsace au nord des Alpes".
Elle a été déficitaire de 20 à 40% dans le Languedoc-Roussillon, le sud de la Provence, de l'Auvergne et de Rhône-Alpes. Sur les massifs, la neige a tardé à apparaître. Des chutes ont ensuite été enregistrées en février, mais "l'enneigement n'a retrouvé des valeurs conformes qu'en altitude, au-dessus de 1.400 mètres", note Météo-France.
Le bilan de l'ensoleillement est très contrasté. "Il a été déficitaire de 10 à 20% sur la pointe bretonne, le pourtour méditerranéen et dans une partie du Nord-Est". Par exemple, Nîmes a reçu 125 heures de soleil en moins que la normale avec 315 heures en trois mois. Mais il a été "excédentaire sur le reste de l'Hexagone". Cela a permis à Paris notamment de recevoir 234 heures d'ensoleillement, soit un surplus de 50 heures par rapport à la normale.
Changement climatique
2013 était la quatrième année la plus chaude depuis le relevé officiel des températures, en 1880. 2015 a été l'une des années les plus chaudes jamais enregistrées en France et de loin, et l'année la plus chaude à l'échelle du globe depuis le relevé. 2016 battra-t-elle un nouveau record de chaleur ? Elle est en tout cas bien partie pour.
Question oiseuse
"Il n'est pas possible d'amputer avec certitude cette clémence au réchauffement de la planète, car la variabilité naturelle du climat, qui peut être de plusieurs degrés d'une année sur l'autre, est le facteur déterminant", expliquent les spécialistes de Météo-France. Mais "le changement climatique favorise des hivers doux plus fréquents en Europe du Nord", soulignent aussi les climatologues. Langue de bois ? Et s'il était devenu oiseux de se poser la question de l'impact du réchauffement climatique provoqué par l'homme sur les records de chaleur battus année après année sur la planète ?
Puisque tous les scientifiques s'accordent à dire que le changement climatique est dores et déjà en cours, les phénomènes météorologiques comme ceux de l'hiver 2015-2016 s'inscrivent forcément dans ce nouveau modèle climatique. Sans compter que les moyennes des températures observées cet hiver, sont pile-poil dans les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Urgence
Selon le Giec, si l'humanité continue à vivre au rythme effréné de ses émissions actuelles de gaz à effet de serre, la hausse des températures pourrait atteindre + 4°5 C d'ici à 2100, ou se stabiliser autour de +2°5 C ou +3°C, si des mesures drastiques sont prises pour diminuer les pollutions qui contribuent à leur élévation. Les pays du monde entier se sont réunis à la COP21 à Paris en décembre dernier, en jurant vouloir contenir le réchauffement en dessous de +2°C d'ici à la fin du siècle : c'est le contenu de l'accord international pour le climat qu'ils ont signé. Sera-t-il vraiment enfin suivi de mesures concrètes ? Et rapidement ? C'est peu de dire qu'il y a urgence.
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