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Biodiversité : les Bové père et fils, ennemis jurés de Xyllela, la "bactérie tueuse en série" d'oliviers

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Joseph-Marie Bové, chercheur à Inra, spécialiste de la Xyllela faistidiosa. Photo archives Sud Ouest / Stéphane Lartigue

Mauvaise nouvelle. Selon le site d’information « Corse net info », un cas positif de Xylella fastidiosa a été relevé ce mercredi en Corse-du-Sud sur des plants de polygale à feuille de myrte ("polygala myrtifolia"), dans une zone commerciale de la commune de Propriano. Un prélèvement, réalisé le 20 juillet par la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON), transmis au laboratoire de référence de l'ANSES, s'est révélé positif. 

Les agriculteurs, notamment les oléiculteurs, de l’Île de Beauté redoutaient de voir arriver la bactérie "serial killer" d’oliviers sur leurs terres : hélas, c’est chose faite. Ce n'est pas faute d'avoir été dûment avertis par l'eurodéputé écologiste José Bové et son père, Joseph-Marie. Ce dernier, chercheur girondin et ancien directeur de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Bordeaux, est spécialiste de la Xyllela depuis 20 ans.

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Qui est Xylella fastidiosa ?

Trompeur, le joli nom de "Xylella fastidiosa" désigne une redoutable bactérie tueuse  qui a déjà détruit des milliers d’oliviers multiséculaires en Italie (photo ci-contre). Présente aussi  en Amérique du Nord, où elle a dévasté les vignobles du sud des Etats-Unis dans les années 1990, en Amérique centrale et du Sud, au Japon, en Turquie et au Kosovo, elle fait dépérir les végétaux auxquels elle s'attaque. Elle se propage par de minuscules insectes volant, les cicadelles et les cercopes des prés, qui la transmettent aux végétaux en l’injectant lorsqu’ils se  nourrissent de leurs feuilles. Le gros problème, c’est qu’aucun remède n'a jusque là été trouvé pour la contrer. Plus de 309 espèces végétales sont concernées dont les pêchers, les cerisiers, les amandiers, les romarins et les lauriers, et elle constitue aussi une menace pour les vignes et agrumiers européens qui pourraient devenir des plantes d'accueil.

Mondialisation

Selon l'Institut agronomique méditerranéen basé à Bari, la Xyllela est arrivée en Italie via des plants de caféiers ornementaux en provenance du Costa Rica. Le dépérissement de milliers d’oliviers a commencé en 2010, autour de Gallipoli, dans les Pouilles, l'une des premières régions productrices d'huile d'olive au monde, également riche en vignes et en fruits, puis s’est étendu plus au nord, près de Lecce en 2013. En  mars dernier, selon les expertises menées jusque là, "au moins 10% des quelque 11 millions d'oliviers de la province de Lecce" étaient touchés par la maladie qui avait dépassé Brindisi.

olviiers corse-du-sud_slider.jpgCorse et Languedoc-Roussillon

En France, Xyllela inquiète particulièrement deux grandes régions, la Corse, proche des côtes italiennes, qui a relancé dans les années 80 sa production d'olives tombée en désuétude (photo ci-contre), et le Languedoc-Roussillon, grande région arboricole du sud. Le pays a entamé, au printemps 2014, une campagne de surveillance et de prévention qu’il a renforcée au début du mois d'avril dernier pour se protéger, en interdisant unilatéralement l'importation de végétaux en provenance des zones infestées. Une mesure qui ciblait de fait directement les productions agricoles des Pouilles.  Trop tardive ?  La maladie a mis le pied dans l’Hexagone le 15 avril, où un plant de caféier infecté était  identifié chez un revendeur de Rungis, près de Paris.

josé bové.jpgL’Europe et la bactérie tueuse

En mars 2015, les élus européens de la commission agriculture relayaient l'inquiétude notamment affichée par la France, l'Espagne et le Portugal, qui réclamaient un tel durcissement des règles de prévention.  "Il faut aller beaucoup plus vite pour empêcher la circulation des végétaux" vecteurs,  plaidait alors l'écologiste français José Bové, au Parlement européen, en affirmant que la bactérie avait  déjà été découverte dans "des oliviers d'ornement vendus dans des grandes surfaces en Corse". Selon lui,  la lutte contre la peste végétale était "une urgence absolue pour l'Europe".


José Bové sur la bactérie Xilella: "C'est une... par EurodeputesEE

Bové versus Xyllela

"Il est aujourd’hui primordial de communiquer et d’informer toute la population sur le danger que représente pour l’économie locale, l’environnement et la santé publique, l’introduction de végétaux en Corse." Joseph-Marie Bové, décembre 2014, "Corse net info"

Pour tout savoir sur la Xyllela, le député européen n’avait pas eu à aller très loin : chez les Bové, la lutte contre la bactérie est une affaire de famille. Le père de José, Joseph-Marie Bové, 86 ans, professeur de l’Université de Bordeaux 2 et ancien directeur de recherche à l'Inra, est en effet spécialiste depuis vingt ans de la Xylella… En décembre 2014, le chercheur animait ainsi une conférence-débat, organisée par l’Inra en Corse sur le site de San Giuliano, sur la biologie de la bactérie, et avertissait : "la Corse ne pourra pas échapper à la Xylella fastidiosa".

Quarantaine

Dans ses propos repris par "Corse net info", le scientifique mettait en garde, en affirmant que la Corse ne pourrait lutter seule : "Le problème doit être traité au niveau européen par des mesures strictes, qui passent par la mise en quarantaine des plants en provenance des pépinières italiennes, le respect de règles contraignantes de production de plants sous serres aux pépiniéristes européens pour limiter la propagation des insectes vecteurs (au Brésil, du fait de la maladie, 100% des plants de pépinières sont produits sous serre), la mise en place d’une veille sanitaire pour déceler les symptômes au plus tôt (campagne de communication et de sensibilisation sur la reconnaissance des symptômes)." Voilà pour la prévention.

"Une menace jamais vue"

Autant de préconisations reprises  par son fils José, l’eurodéputé, monté depuis au créneau contre la bactérie avec un ancien élu corse, François Alfonsi, en évoquant "une menace jamais vue sur l'ensemble du pourtour méditerranéen" pesant "à la fois sur notre culture et sur nos productions agricoles". En effet, une fois que la bactérie est là, il n’y a pas d’autres solutions que d’arracher, brûler les végétaux et de faire un cordon sanitaire de 10 km autour de la zone infectée, avec des insecticides, en lançant une enquête épidémiologique. Autant de mesures immédiatement prises en urgence, ce mercredi, par le préfet de Corse-du-Sud.

Cathy Lafon

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