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L'Afrique du Sud a les abeilles : nouvel épisode dans la disparition planétaire des butineuses

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Un apiculteur inspecte un nid d'abeilles suspecté d'être atteint par le germe de la loque américaine, le 18 mai 2015, près de Durban (Afrique du Sud). Photo AFP

L'effondrement des abeilles gagne du terrain sur la planète. Après l’Europe et les Etats-Unis, l’Afrique du Sud est à son tour touchée par la disparition de ces insectes, indispensables pollinisateurs d’un grand nombre d’espèces végétales nécessaires à l’alimentation humaine.

Le stress de l'homme, de l'apiculture intensive, des pesticides et de la pollution

En Afrique du Sud, c'est la loque américaine, une bactérie ravageuse, qui est à l'origine d'une épidémie mortelle pour les ruches : une première dans l’histoire du pays. En l'occurrence, foin de "mystère" : pour les abeilles comme pour la majeure partie des hécatombes de cétacés, ce sont les activités humaines qui sont bel et bien à l'origine du malheur de la biodiversité animale. "C’est exactement la même chose qui se passe partout dans le monde", expliquait à l'AFP, le 5 juin dernier, Mike Allsopp, agronome spécialiste des abeilles à Stellenbosch, dans l’arrière-pays du Cap. Les abeilles attrapent des maladies parce qu’elles sont "stressées par les méthodes d’apiculture intensive, les pesticides et la pollution ", alors qu' "autrefois, elles étaient moins vulnérables", dit-il.  Elles souffrent " de l’homme, des pressions et du stress que les humains leur imposent ".

La loque américaine, quésaco ?

abeille,pollinisation,culture,pollen,disparition,afrique du sudLa loque américaine s’attaque au couvain (l’ensemble des larves), empêchant la reproduction des ouvrières. Lorsqu’une ruche est morte, des abeilles d’autres ruches s’y précipitent souvent pour en récolter le miel. C’est ce miel contaminé qu’elles rapportent dans leur propre ruche, propageant la maladie. L’Amérique du Nord et l’Europe sont confrontées à cette maladie depuis des siècles, mais les abeilles sud-africaines y avaient jusqu’ici résisté notamment grâce à la grande diversité des espèces d’abeilles locales, estiment les scientifiques. Un règlement imposant que tous les produits de la ruche importés en Afrique du Sud soient irradiés a également permis d’éviter la contamination pendant très longtemps.

"Une bombe à retardement"

abeilles durban apiculteur.jpgAu pays de Mandela, la maladie a frappé pour la première fois en 2009, laissant craindre une épidémie massive. Six ans plus tard, le cauchemar est devenu réalité. Les ruches s’éteignent l’une après l’autre. En 2015, la loque qui s’est répandue massivement ces cinq derniers mois (pendant l’été austral), a gagné dans l’ouest du pays un territoire de 200.000 km2 où quasiment tous les ruchers sont infectés. Les experts redoutent désormais que la maladie  ne se propage vers le nord, pour s’étendre au reste du continent africain, où l’apiculture artisanale fait vivre des centaines de milliers de personnes. "C’est une bombe à retardement. Toutes les ruches que j’ai examinées avec un cas de loque américaine sont mortes " indique encore Mike Allsopp, qui avoue ne pas voir "pourquoi elle s’arrêterait, à moins qu’une intervention humaine ne parvienne à la contrôler".

70% des récoltes mondiales sont pollinisées par les abeilles

Comme partout, les abeilles sud-africaines ne sont pas seulement des fournisseuses de miel. Elles sont surtout indispensables à la pollinisation de centaines d’espèces végétales. Selon l’organisation Greenpeace, qui a lancé une campagne pour sauver les insectes, quelque 70% des récoltes dans le monde, qui fournissent 90% de la nourriture consommée sur terre, sont pollinisées par les abeilles. L'apport des abeilles sauvages dans la pollinisation des cultures est évaluée à plus de 3.250 dollars (2.800 euros) par hectare et par an, selon une étude publiée le 17 juin dernier par la revue Nature Communications. Si cette étude montre aussi que seules 2% des espèces sauvages pollinisent 80% des cultures pollinisées par les abeilles dans le monde, leurs cousines jouent un rôle primordial pour l'écosystème et l'équilibre de la biodiversité. La contribution des ouvrières pollinisatrices au système alimentaire mondial s'évalue en milliards de dollars, soulignent les auteurs de l'étude, qui ont suivi près de 74.000 abeilles de près de 785 espèces, à travers le monde.


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153 milliards d'euros

Comme tous les insectes et les animaux acteurs de la biodiversité, les abeilles bossent dur, et à l'oeil. Or, nous avons trop souvent tendance à ne reconnaitre la valeur des choses, qu'à l'aune de ce qu'elles coûtent ou de ce qu'elles rapportent...  Pour montrer l'importance de la défense les abeilles, ce qui devrait pourtant aller de soi, les études se succèdent, afin de donner une valeur "monétaire" aux "service" rendus par nos petites ouvrières. L'apport financier de leur boulot à l'économie mondiale été estimé, en 2005, à 153 milliards d'euros. En Afrique du sud, la valeur du secteur agricole qui dépend de la pollinisation par les butineuses est estimée à 20 milliards de rands (1,5 milliard d’euros).

Un plan de sauvetage gouvernemental

Autant dire qu'il n'est pas question pour le pays de perdre ses abeilles. Le gouvernement fait savoir qu'il agit. "Nous avons une équipe qui travaille actuellement à un programme d’actions qui sera annoncé dans les prochaines semaines", assure Mooketsa Ramasodi, directeur au ministère de l’Agriculture. Le plan du gouvernement prévoit de limiter les autorisations d’ouvrir des ruches, d’informer largement sur la maladie et de créer des règles plus strictes de gestion des colonies, comme l’analyse régulière des larves pour identifier les malades avant qu’elles ne contaminent toute la ruche. L’usage d’antibiotiques pour protéger les ruches, qui pourrait faire plus de mal que de bien, ne sera retenu qu’en "tout dernier ressort", selon les autorités.

Aujourd'hui, l'inquiétude des apiculteurs sud-africains est vive: ils craignent que ces mesures ne soient insuffisantes et, surtout, n'arrivent trop tard.

Cathy Lafon avec l'AFP

PLUS D'INFO

  • Pour lire l'étude "Ecology: Common wild bees provide the best economic returns", publiée dans Nature Communications le 17 juin 2015 :  cliquer ICI

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