Interdiction des OGM : embrouilles à gogo et course contre la montre
Les opposants aux OGM dénoncent le maïs transgénique MON810 Photo AFP
Le feuilleton des OGM n'en finit pas de rebondir. En effet, dernière surprise en date, le lundi 17 février, le Sénat a rejeté la proposition de loi socialiste, pourtant soutenue par le gouvernement, qui visait à interdire la mise en culture du maïs génétiquement modifié.
Du coup, pour l'interdiction des OGM sur le sol français, le 15 mars est devenu la date butoir : les semis de printemps hantent désormais le calendrier politique français. Une situation pas vraiment bucolique, qui tient plus du sac de noeuds que d'une balade au bon air à travers champs. Décryptage.
Embrouilles politiques à gogo
Présentée par Alain Fauconnier (sénateur socialiste de l'Aveyron, photo ci-contre) en procédure accélérée, le texte de loi tricolore faisait suite à la décision européenne de ne pas interdire un nouvel OGM, le TC1507 (de l'Américain Pioneer, filiale de DuPont). En effet, si les Etats membres de l'Union européenne ont été majoritairement opposés à ce feu vert, ils n'ont pas atteint la majorité qualifiée, ce qui a relancé le débat sur le mécanisme européen d'autorisation des OGM. Quant à la loi française qui devait garantir l'interdiction du MON810, seul transgénique autorisé à la culture en Europe, elle, elle n'a pas été adoptée car la motion présentée par le sénateur UMP de la Manche, Jean Bizet, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi, a obtenu 171 voix pour et 169 voix contre, en débauchant au passage des sénateurs de gauche. Mais le gouvernement, dit maintenir intacte sa détermination à interdire les transgéniques sur le sol français.
La course contre la montre des pro et anti-OGM
C'est donc une véritable course contre la montre qui s'est engagée avec le rejet de la loi au Sénat, le 17 février, entre pro et anti-OGM à quelques semaines des premiers semis. En dépit de la volonté affichée du gouvernement de bannir les cultures transgéniques du territoire national, «il y a des producteurs qui manifestent encore leur intérêt pour le MON810, principalement en Midi-Pyrénées ou en Aquitaine», a déclaré à l'agence AFP Luc Esprit, directeur général de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM). Et vraisemblablement, il y aussi des sénateurs de gauche qui les soutiennent.
Le cas du MON810
Alors que le gouvernement se trouve pris par le temps pour interdire le MON810 de Monsanto avant les premiers semis, aux alentours du 15 mars, les partisans du maïs transgénique ne désarment donc pas, Pour mémoire, la France avait interdit le MON810 dès 2008, puis de nouveau en 2012, mais le Conseil d'Etat, saisi par les pro-OGM, a annulé le moratoire en août dernier pour non-conformité au droit européen. Immédiatement, le gouvernement avait manifesté son intention de trouver un autre moyen juridique pour prolonger l'interdiction de cultiver ce maïs, un engagement réitéré lors de la 2e Conférence environnementale, en septembre dernier.
Plus ultra que Monsanto
Les producteurs de maïs du Sud-Ouest de la France pourraient donc planter du maïs transgénique MON810 cette année, puisque le moratoire qui l’interdisait a été suspendu, soutient l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM). «Le MON810 résiste à plusieurs insectes, dont la pyrale (photo ci-dessus), qui touche particulièrement 400 000 à 450 000 hectares dans ces régions», plaide Luc Esprit. Pourtant, Monsanto a affirmé la semaine dernière ne pas avoir l'intention de fournir des semences de MON810 aux agriculteurs français, «ni aujourd'hui ni dans les années à venir». Mais cela ne découragerait pas les candidats français à la culture transgénique qui pourraient aller les chercher par exemple en Espagne, où est cultivé le MON810, a laissé entendre Luc Esprit.En clair, les producteurs pourraient bien semer du MON810 avant que ne soit prononcée une nouvelle interdiction.
Un arrêté d'interdiction pour le 13 mars
De leur côté, la Confédération paysanne, les agriculteurs bio (Fnab) et les apiculteurs (Unaf) appellent à «interdire urgemment toute culture génétiquement modifiée» et remettent en cause les évaluations des maïs MON810 et TC1507. Les ministres de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, et de l'Ecologie, Philippe Martin, semblent les soutenir, en affirmant qu’un arrêté ministériel d’interdiction va être prononcé avant le début des semis, afin d’anticiper le calendrier parlementaire. L'adoption de la loi par le Parlement ne devrait, en effet, pas se faire avant le 10 avril, soit après le début des semis : trop tard donc pour interdire, si les agriculteurs ont déjà semé.
Le texte de l'arrêté d'interdiction a été publié en urgence dès le lundi sur le site du ministère de l’Agriculture. Il doit maintenant être soumis à avis du public jusqu’au 9 mars, comme c’est le cas pour tous les arrêtés relatifs à des questions environnementales afin d'être publié au Journal Officiel aux alentours du 12 mars, soit juste avant le 15 mars.
Cet arrêté, une fois entré en vigueur, pourra néanmoins encore être contesté devant le Conseil d’État. Les deux précédents arrêtés d'interdiction ont été invalidés par la Cour européenne de justice puis par le Conseil d'État.
A suivre...
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