Pesticides. Professionnalisation de l’application des produits phytosanitaires : le Sénat fait marche arrière
Traitement de pommiers en fleurs. Photo Archives AFP
Lors de l’adoption du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, le 17 avril, le Sénat a voté un amendement qui met en péril la professionnalisation de l’application des produits phytosanitaires et par la même occasion, la santé de leurs utilisateurs, et la protection de l'environnement.
Le vin, patrimoine protégé de la France
Après les députés en janvier, les sénateurs viennent d'examiner 841 amendements en plus de 41 heures de débat. Deux d'entre eux, qui visaient à reconnaître que "le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France", ont été adopté. Sympathique décision, qui a aussitôt fait le buzz et en a éclipsé une autre, moins réjouissante.
Création d'une dérogation à l'obligation d'agrément pour appliquer les pesticides
Un autre amendement à la loi pour l'avenir de l'agriculture, destinée à faire prendre à la France le virage de l'agroécologie, concerne les pesticides, est en effet passé inaperçu, sauf aux yeux des professionnels du secteur. Voté pour créer une dérogation à l'obligation d'agrément, il avait l'avis favorable du gouvernement. Résultat: l’application de produits phytosanitaires, malgré le danger potentiel qu'ils représentent pour la santé de ceux qui les manipulent, pourrait se faire sans agrément, en dessous d’une certaine limite de surface et de chiffre d’affaires.
"Un revirement stupéfiant"
Dans un communiqué de presse, la Fédération Nationale Entrepreneurs des Territoires (FNET), qui regroupe les entrepreneurs de travaux agricoles, de travaux forestiers et de travaux ruraux, déplore ce vote du Sénat, qui est, selon son Gérard Napias, son président (photo ci-contre), "un revirement stupéfiant allant à l’encontre de la professionnalisation de l’application des produits phytosanitaires".
La sécurité de l'applicateur en question
"Nos entreprises de travaux se sont mobilisées pour obtenir leur agrément. Par obligation certes, mais également pour afficher un professionnalisme vis-à-vis de la société", explique Gérard Napias. Cette décision du Sénat anéantit les efforts réalisés par les 10.000 entreprises agréés pour garantir la sécurité de l’applicateur, le respect de l’environnement et la traçabilité des interventions.
Incompréhension
Un vote incompréhensible et paradoxal, souligne la FNET qui rappelle que "ces mêmes sénateurs ont voté il y deux mois la loi Labbé interdisant l’utilisation des pesticides en zone non agricole d’ici 2025". Le fossé entre les zones agricoles et les zones non-agricoles se creuse, avec, paradoxalement, moins de protection pour les professionnels de l'agriculture, alors qu'ils utilisent en bien plus grande quantité les phytosanitaires. De là à penser que la loi Labbé ne serait là que pour amuser la galerie, il n'y a qu'un pas.
Pesticides : on recule au lieu d'avancer
"Avec cet amendement à la loi d’avenir, nous reculons alors que ce n’est pas le moment de baisser la garde sur la question de l’usage des produits phytosanitaires" conclut Yolaine Villain, Présidente de la commission environnement à la FNET. En effet, sur le terrain, la FNET constate que des mises en cause pénales de chefs d’entreprises liées aux phytosanitaires surgissent. Et que leurs conséquences sont sans commune mesure avec de simples questions de commodité et de voisinage.
Que fait le ministre ?
Mais que fait le ministre, s'interroge la FNET ? Alors que Stéphane Le Foll refusait la dérogation sur le sujet depuis des mois, il vient en effet de laisser passer un amendement qui enterre une partie des objectifs du plan Ecophyto 2014, projet d’envergure de réduction des phytosanitaires, porté depuis le Grennelle de l'environnement de 2008.