Pesticides : trois viticulteurs girondins renoncent aux épandages aériens
Epandage aérien dans les vignes Photo archives DR
Alors qu'une étude de l'Inserm a récemment confirmé la nocivité des pesticides sur la santé humaine et malgré l'interdiction en France des épandages aériens de produits phytosanitaires, la Préfecture de la Gironde venait d'accorder, lundi 27 juin, des dérogations à trois viticulteurs girondins. A titre exceptionnel, pour une période qui courait jusqu'au 28 juin. Ces derniers y ont renoncé : on ne peut que s'en féliciter.
Les pesticides responsables de cancers et de maladies neurologiques
Les résultats d'un important rapport d'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), menée sur l'ensemble des connaissances internationales actuelles concernant les expositions professionnelles et les expositions précoces (fœtus et jeunes enfants) a conclu en effet, le 13 juin dernier, aux dangers pour la santé humaine des phytosanitaires. Parmi les premières victimes en France, les agriculteurs, au premier rang desquels les travailleurs de la vigne, tout particulièrement exposés et très concernés dans la région en Charente et dans le Bordelais. C'est ce qu'a montré l'étude APAChe : Analyse de Pesticides Agricoles dans les CHEveux, publiée en février dernier et menée en collaboration avec Marie-Lys Bibeyran, la soeur d'un salarié viticole en Médoc (photo ci-dessus) décédé d'un cancer en 2009 . La vigne à elle seule, utilise 20% des pesticides consommés en France !
Des dérogations légales...
Motif des dérogations pour ces épandages aériens : les conditions météo particulièrement défavorables, avec des pluies abondantes qui éprouvent la vigne et le risque de développement du mildiou et de l'oïdium. Les chateaux concernés : Grand Corbin d'Espagne, à Saint-Emilion, le château Ripeau sur la même commune et enfin, le domaine de Chevalier à Léognan. Pour aussi regrettables soient-elles d'un point de vue écologique et sanitaire, ces dérogations sont parfaitement légales, le législateur en interdisant l'épandage aérien les a en effet prévues, "dès lors que les circonstances et l'urgence le justifient".
... mais paradoxales
On est cependant en droit de s'étonner du paradoxe d'une loi qui autorise en même temps qu'elle interdit. Car alors, pourquoi interdire ? Et de regretter que la santé de la vigne et des raisins puisse passer (même exceptionnellement) avant celle des hommes qui y travaillent et/ou qui boiront le vin ainsi produit. En remarquant aussi que, s'il s'agit de sauver une économie en péril, les producteurs de vins bio, issus d'une viticulture aux méthodes durables comme la biodynamie qui n'utilise aucun produit phytosanitaire, souffrent tout autant des mêmes conditions météo... et sont soumis au même péril économique. Auront-ils droit à une mesure de soutien "exceptionnelle" et "naturelle", et si oui, laquelle ?
Les écolos vent-debout
Les élus écologistes d'Aquitaine sont montés dès hier au créneau, rappelant dans un communiqué que, selon l’article 10 de l’Arrêté du 31 mai 2011 relatif aux conditions d'épandage des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime par voie aérienne," le donneur d'ordre doit porter au préalable à la connaissance du public la réalisation d'un épandage aérien au plus tard 48 heures avant le traitement, et notamment demander l'affichage en mairie de ces informations". En soulignant qu'une mission commune d'information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé, impliquant des sénateurs représentant tous les groupes politiques avait rendu un avis le 10 octobre dernier recommandant de "mettre fin aux dérogations à l'interdiction d'épandage aérien des pesticides".
Les trois châteaux ont annoncé avoir renoncé à ce traitement pour leurs vignes
Ces trois châteaux autorisés de façon dérogatoire à faire de l'épandage par hélicoptère jusqu'au 28 juin inclus ont indiqué dès hier matin qu'ils n'utiliseraient finalement pas la voie aérienne pour traiter leurs vignes. Au domaine de Chevalier, on a indiqué que l’autorisation n'est pas encore officiellement parvenue et qu'elle entraîne une obligation d'affichage pendant quarante huit heures à la mairie avant de pouvoir effectuer ces épandages. Ce qui serait trop tard pour empêcher le développement des maladies. A Grand Corbin Despagne et à Ripeau c'est l'annonce d'une météo plus clémente qui a conduit à envisager d'autres solutions. On les en remercie en espérant pour eux que les conditions climatiques deviennent plus favorables.
Que des dérogations pour des épandages aériens soient accordées une dizaine de jours après la publication de l'Inserm dans une zone agricole et viticole aussi sensible que la Gironde, aurait été pour le moins choquant. Que les châteaux concernés aient renoncé à y recourir est une bonne chose pour la santé et la qualité de l'environnement. Cela ne résout cependant pas la question d'une loi qui se contredit elle-même.
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