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Affaire de l'épandage de pesticides à Villeneuve-de-Blaye : "un début de justice"

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L'école de Villeneuve en Gironde. On voit sur cette photo que les vignes sont en proximité directe de l'établissement. Photo Jérôme Jamet / Sud Ouest

Le 5 mai 2014, 28 enfants et leur professeure avaient été pris de malaises après un épandage de produits phytosanitaires dans les vignes qui jouxtent l’école de Villeneuve-de-Blaye en Gironde. Six ans plus tard, après un classement sans suite en 2014, puis une information judiciaire conclue par un non-lieu en 2017, puis un appel du non-lieu suivi d’un procès aboutissant à une relaxe en 2019, l’appel du Parquet Général de Bordeaux a débouché ce mercredi 18 novembre 2020 sur la condamnation de deux châteaux de Villeneuve-de-Blaye à des amendes avec sursis : le Château Castel La Rose et le Château Escalette.

Une victoire pour le collectif Alerte Pesticides Haute Gironde qui applaudit "un début de justice" et salue la décision de la Cour d'appel en ces termes  : 

"Non, il n’est pas normal de pulvériser des produits phytosanitaires lorsque le vent a une vitesse supérieure à 3 Beaufort comme l’impose la loi. Non, il n’est pas anodin de pulvériser au ras d’une cour d’école entourée d’un simple grillage lorsque les enfants sont dans l’école, a fortiori dans la cour. Oui, un viticulteur doit mettre en œuvre les moyens nécessaires pour éviter que les produits sortent des parcelles traitées. Voilà ce que dit cette décision de la Cour d’appel qui condamne les deux châteaux responsables à des peines d’amende avec sursis."

"Le principe d'une décision de nature à responsabiliser les viticulteurs les moins consciencieux"

Pour APHG, ce qui compte dans cette condamnation, ce n'est pas "le montant de l’amende qui tombe dans une période de marasme économique sans précédent pour la viticulture." C'est "le principe d'une décision de nature à responsabiliser les viticulteurs les moins consciencieux" qui importe, relève l'association en reconnaissant qu'il est en effet impossible pour le viticulteur de s’assurer que les produits restent bien sur sa parcelle, même s’il est équipé d'un pulvérisateur performant (ce qui est loin d’être généralisé) et bien réglé. Par ailleurs, les produits pulvérisés peuvent se volatiliser plusieurs jours après leur dépôt sur la plante. 

"Proscrire définitivement les pesticides chimiques"

Autant de bonnes et impératives raisons, insiste le collectif, afin de protéger santé des agriculteurs et des viticulteurs, mais aussi des riverains et des consommateurs, pour "proscrire définitivement l’usage de ces pesticides de synthèse, à commencer par les plus dangereux d’entre eux" : cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens, ou SDHi."  

Car, au final, les grands oubliés dans cette histoire, ce sont les enfants et leurs enseignants de l'école de Villeneuve-de-Blaye, déplore APHG, en rappelant qu'il n'y a eu lors de l'incident, ni constat de gendarmerie, ni d'analyses biologiques pour mesurer leur taux d’intoxication, pas plus le 4 mai 2014 que les jours suivants. Aucun suivi de leur santé n'a non plus été organisé sur le long terme, ce qu'aurait pu faire l'ARS. Et la procédure n’a pas instruit le délit d’empoisonnement.

"Deux produits très toxiques"

Or, parmi les produits pulvérisés ce jour-là, "l’un d’entre eux, précise l'association, l'Eperon Pepite, a pour substance active le Mancozèbe(1) un reprotoxique de niveau 1 dont l’agence européenne EFSA vient juste de décider le retrait définitif à partir de janvier 2021. Un autre, le Pepper, contient de la Spiroxamine, un produit toxique pour le fœtus (H361d)."

Maître François Ruffié qui représentait la Sepanso, l'association de protection de la nature et l'environnement, partie civile dans cette affaire au retentissement national, a axé sa plaidoirie sur un texte du Code rural qui encadre l'utilisation des produits phytosanitaires en insistant : "Nous ne sommes pas contre la viticulture. Cette condamnation est un appel à la raison et à l'usage de moyens appropriés pour des traitements phytosanitaires que l'on sait bien indispensables pour la vigne."

APHG, dont la démarche en justice était également soutenue par Générations Futures qui s'est aussi portée partie civile depuis le début, veut "continuer le combat avec tous ceux, de plus en plus nombreux, qui ne se résignent pas à la catastrophe écologique et sanitaire engendrée par l’usage débridé des pesticides de synthèse dans notre région." Il y a du pain sur la planche.

La France, où  62.700 tonnes de substances actives étaient vendues en 2011, reste le premier utilisateur de pesticides en Europe. Alors même que l’objectif du gouvernement est de parvenir à faire baisser de 50% l’utilisation des pesticides d’ici à 2025, grâce au plan Ecophyto, lancé en… 2008, au lieu de diminuer, la consommation de pesticides ne cesse d’augmenter dans l’Hexagone. On est donc très loin du compte.

En Gironde, qui achète pour sa part 2.700 tonnes de pesticides par an, 132 écoles sont classées "sensibles" à cause de leur proximité avec les épandages de pesticides dans les champs. Dans le Médoc, par exemple, sur certaines parcelles de vignes, il y a jusqu’à 18 épandages de pesticides par saison.

(1) Fongicide utilisé depuis des lustres en pomme de terre entre autres, le mancozèbe a fait l’objet en octobre 2020 d’une décision d’interdiction par les instances européennes à compter du 31 janvier 2021.

Cathy Lafon

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