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Agriculture : la hausse spectaculaire des ventes de pesticides signe l'échec patent du plan Ecophyto

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Epandage de pesticides dans un champ de pommes de terre dans le Nord de la France. Archives AFP

Malgré la volonté affichée par les autorités depuis une décennie avec notamment le plan gouvernemental de réduction de l’usage des pesticides Ecophyto, la consommation des phytosanitaires chimiques ne cesse d'augmenter en France. On le savait déjà. Ce qui est plus inquiétant, c'est le bond important qu'ont enregistré leurs ventes, en 2018. Lors du dernier Comité d'orientation et de suivi d'Ecophyto du 7 janvier 2019, le ministère de l’Agriculture a en effet annoncé que leurs ventes avaient progressé de 24 % entre 2017 et 2018.

L'échec du plan Ecophyto

Pour mémoire, le plan Ecophyto a un objectif de réduction de la moitié de l'usage des pesticides d'ici 5 ans... Or, paradoxalement, après une hausse de plus de 12% entre 2009 et 2016 c’est maintenant une hausse très forte de l’indicateur de suivi du plan qui vient d’être enregistrée avec une augmentation du NODU - indicateur de référence qui décompte le nombre de doses unités de pesticides utilisées- de plus de 24% entre 2016 et 2018. Cette dynamique porte la quantité totale de produits vendus à presque 90 000 tonnes, un chiffre jamais atteint ces 10 dernières années !

Des règles plus contraignantes

Cette augmentation est "catastrophique" pour le spécialiste de la santé et de l’environnement,François Veillerette. "Cette hausse considérable de la dépendance de notre agriculture aux pesticides marque l’échec total de ce plan Ecophyto tant que l’Etat s’en remettra au bon vouloir de la profession agricole pour faire évoluer de manière volontaire ses pratiques", dénonce le directeur de l’association Générations Futures qui a pris part à ce Comité d'orientation et de suivi.

Pour Générations Futures, "la période des mesures non contraignantes a vécu et il faut maintenant que l’Etat français fixe des règles beaucoup plus contraignantes". Le plan Ecophyto devrait ainsi imposer des objectifs de réduction par culture et par région, décroissants dans le temps année après année, dont le non-respect déclenche des sanctions, notamment financières.

Aide et soutiens aux agriculteurs 

A l’inverse, avance François Veillerette, les agriculteurs les plus performants dans le domaine de la réduction de l’usage des pesticides doivent être soutenus et aidés pour les efforts qu’ils déploient, l’ensemble pouvant s’assimiler à un système de bonus/malus. L'ONG attend de même que la France pèse de tout son poids au niveau européen pour faire totalement réviser le système d’aides de la nouvelle PAC actuellement en discussion.

L'idée de Générations Futures  étant de diminuer considérablement les aides fixes à l’hectare au profit d’aides conditionnées par le respect de normes environnementales strictes et notamment dans le domaine des changements des systèmes de production agricole et de la réduction de l’usage des pesticides.

"Si de telles mesures fortes n’étaient pas prises rapidement il serait évident que le gouvernement ferait alors preuve de duplicité en ne se donnant pas les moyens d’un changement qu’il prétend vouloir mettre en œuvre.", conclut François Veillerette. 

Qu'en pensent les agriculteurs ? 

Pour les exploitants qui travaillent en bio, de plus en plus nombreux au demeurant, "la priorité absolue aujourd’hui, c’est de défendre une agriculture qui ne nous empoisonne pas". La Fédération nationale d'Agriculture Biologique (FNAB) estime que la seule solution pour réduire la dangerosité des phytosanitaires, c'est de développer l’agriculture biologique. La FNAB qui regrette que le gouvernement ait renoncé fin 2019 à mettre en place des Zones de Non Traitement (ZNT) ambitieuses et annoncé de nouveaux financements pour du matériel "économe" plutôt que pour un changement de système agricole, déclare ne voir "aucun signal qui indiquerait que les conclusions des échecs répétés d’Ecophyto ont été tirées".

Quant au plan ambition Bio 2022, il n’est pas doté de moyens pour atteindre les objectifs fixés, déplore le président de l'organisation, Guillaume Riou. "Pour atteindre 15% de bio en 2022 il faudrait convertir deux fois plus de surfaces par an que ce que nous sommes capables de faire aujourd’hui. Pourtant le soutien à l’accompagnement à la conversion ne se développe pas, la volonté politique n’est toujours pas au rendez-vous", se désole-t-il. 

Des chiffres différents

Sans nier la tendance haussière, d'autres voix, dans le monde agricole, insistent pour la contextualiser. L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) présente de son côté des chiffres différents de ceux du gouvernement, avec une hausse des ventes limitée à 8 % par rapport à 2017. La structure explique cet écart par l’utilisation de données différentes : le gouvernement comptabilise les ventes des firmes aux distributeurs, l’UIPP les ventes des distributeurs aux agriculteurs

Des achats pour stocker

Un certain nombre d’agriculteurs ont acheté plus de produits que nécessaire sur 2018, afin d’anticiper l’augmentation au 1er janvier 2019 de la redevance pour pollution diffuse, appliquée aux pesticides. Tous les produits achetés n’ont donc pas été utilisés, certains ayant ainsi été pris "en réserve". Il n'en demeure pas moins qu'ils ont été achetés pour être ensuite utilisés. Ils viendront encore aggraver la pollution environnementale et le coût assumé par la collectivité. 

Reste que le plan Ecophyto est bel est bien un échec indubitable, comme le reconnaît la ministre de la transition écologique elle-même, Elizabeth Borne : "La politique menée depuis 10 ans ne produit pas les résultats attendus. Il nous faut lui donner un nouveau souffle, car nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers une société moins dépendante des produits phytosanitaires." Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture, maintient de son côté malgré tout l’objectif de -50 % des utilisations de pesticides en 2025. 

Cathy Lafon

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