COP 25 : le changement climatique modifie la biodiversité autour des glaciers
Photo IRSTEA-IRD
Les glaciers recouvrent environ 10% des terres émergées. On le sait désormais, sous l'effet du réchauffement climatique, leur surface se réduit et beaucoup disparaîtront dans les décennies à venir. Ils constituent donc l’un des indicateurs les plus visibles de l’impact du changement climatique. Avec des conséquences, on s'en doute, pour les écosystèmes se situant à proximité. Oui, mais lesquelles, exactement ?
Pour la première fois à l’échelle globale, une étude menée par Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) et l’IRD, (Institut de recherche pour le développement), publiée dans Nature Ecology & Evolution, montre que, si la biodiversité autour des glaciers devrait augmenter localement avec leur retrait, cela se fera au détriment des espèces spécialistes des milieux glaciaires.
Une biodiversité et des espèces uniques
Avec leur basse température et leur faible disponibilité en nutriments, les environnements proches des glaciers ont longtemps été considérés comme hostiles et peu accueillants pour la vie. Mais si les écosystèmes qui se développent à proximité des glaciers présentent une faible diversité, ils sont constitués d’espèces uniques adaptées à ces milieux extrêmes et sont particulièrement sensibles au changement climatique.
Quelle évolution à l'échelle globale ?
Jusqu’à présent, ces écosystèmes n’ont été étudiés qu’à l’échelle locale et leur évolution reste mal connue. Pour comprendre cette évolution à l’échelle globale, deux chercheurs, Sophie Cauvy-Fraunié (Irstea) et Olivier Dangles (IRD), ont mené une méta-analyse sur les résultats de 234 publications. En compilant plus de 2.100 observations, les auteurs ont comparé, pour la première fois, l’effet de la fonte des glaciers sur les trois principaux écosystèmes influencés par des glaciers : les fjords (milieux marins), l’eau douce (rivières et lacs glaciaires) et les marges pro-glaciaires (milieux terrestres).
6 à 11 % des espèces "perdantes" face au changement climatique
L’étude montre que 6 à 11 % des populations étudiées seraient menacées par le retrait des glaciers, principalement des invertébrés et des organismes unicellulaires, en particulier dans les fjords. Dans les exemples cités par les chercheurs, trois spécimens que l'on ne croise pas tous les jours et dont la très grande majorité des humains ignorent l'existence : le foraminifère (1) Cassidulina reniforme dans les fjords, l’arthropode (2) Diamesa davisi en eau douce ou le coléoptère (3) Nebria nivalis. Il s’agit, pour la plupart, expliquent les chercheurs, d’espèces spécialistes, totalement adaptées aux conditions extrêmes des glaciers, mais peu compétitives et vulnérables à la modification de leur environnement et à la colonisation de leur milieu par d’autres espèces. Elles sont aussi d'une grande importance au niveau écologique mais aussi scientifique.
A l’inverse, l’étude a permis de constater qu’il y a des espèces généralistes, voire invasives, qui vont proliférer et venir coloniser ces nouveaux milieux, dont les conditions seront rendues plus favorables par le retrait des glaciers. On peut citer parmi elles des annélides, ou des arthropodes pour les milieux aquatiques, des plantes vasculaires, des mousses ou des champignons dans les marges pro-glaciaires. Là, ça nous parle davantage.
Au niveau local, proche des glaciers, l’analyse des scientifiques suggère que la biodiversité va probablement augmenter avec leur disparition, les milieux étant plus favorables au développement de nombreuses espèces qui se situaient plus en aval. Cependant, à l’échelle globale, la disparition des espèces spécialistes des milieux glaciaires risque d’entraîner une homogénéisation des communautés et donc, au final, un appauvrissement de la biodiversité à l’échelle régionale.
Bref, au grand jeu du chamboule-tout du changement climatique, il ne devrait y avoir que des perdants.
(1) Les foraminifères sont des organismes unicellulaires du monde animal qui vivent sur le fond des lagunes et des mers, ou bien parmi le plancton océanique.
(2) Les arthropodes sont des animaux dont le squelette externe, ou exosquelette, est articulé.
(3) Les coléoptères sont un ordre d'insectes holométaboles dotés d'
►A LIRE
- A global synthesis of biodiversity responses to glacier retreat, Nature Ecology & Evolution, Sophie Cauvy-Fraunié et Olivier Dangles , 18 novembre 2019.
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur le réchauffement climatique : cliquer ICI
►PLUS D'INFO
- Le projet Life Without ice, une collaboration IRD-Irstea va débuter en 2020 grâce à un financement de la Fondation BNP Paribas, avec pour objectif de documenter à l’échelle mondiale les conséquences de la disparition des glaciers par une approche interdisciplinaire alliant géophysiciens, écologues et philosophes. Irstea étudie actuellement l’évolution de la biodiversité aquatique autour des glaciers de Sarenne en Isère et du Carihuairazo en Equateur, deux glaciers amenés à disparaître dans les cinq prochaines années.