Trump et le climat : rendez-vous dans un an pour la sortie (ou pas) de l'Accord de Paris des Etats-Unis
Donald Trump, le 4 novembre 2019, à Lexington, dans le Kentucky. AFP
Donald Trump avait prévenu dès le mois de juin 2017: les Etats-Unis se retireraient de l'accord de Paris sur le climat. C'est donc sans surprise que le pays de l'Oncle Sam, après avoir respecté le délai juridique de rigueur, a notifié ce lundi 4 novembre les Nations unies son intention, confirmant le déni climatique américain incarné par son président. Selon le texte négocié fin 2015 par Barack Obama, aucun pays ne pouvait sortir avant le troisième anniversaire de son entrée en vigueur, le 4 novembre 2016. C'est-à-dire lundi. Largement critiquée dans le monde entier, la mesure reste, pour un an encore, très symbolique et n'a pas eu d'effet domino. Décryptage.
Les « attaques contre notre magnifique charbon propre »
Le président américain a enfoncé le clou dans un discours ahurissant vu le contexte planétaire, dans la petite ville de Lexington, dans le Kentucky, où il s'est félicité d'avoir mis fin « aux attaques contre notre magnifique charbon propre ». Sous un tonnerre d'applaudissements tout aussi ahurissants. Enregistrés, comme dans une mauvaise émission de télé-réalité ? Même pas. « Nous avons mis fin à la guerre contre notre magnifique charbon propre. J'ai abrogé le soi-disant propre "Clean Power Plan" et supprimé le moratoire fédéral d'Obama sur le charbon. Nous remettons nos super mineurs au travail ! », a-t-il énuméré fièrement devant ses soutiens. Ahurissant, donc. Reste qu'on n'en est (encore) qu'au niveau du symbole : le retrait américain ne change rien immédiatement.
Un délai d'un an
"L'heure est venue de quitter l'accord de Paris", avait déclaré le 1er juin 2017 le président républicain, en ajoutant : "J'ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris." Si les Etats-Unis ont désormais formellement notifié ce lundi à l'ONU leur sortie de l'accord de Paris sur le climat, le départ n'aura lieu au plus tôt que le 4 novembre 2020, le lendemain de la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis, où Donald Trump compte briguer un second mandat. D'ici là, les Américains enverront des délégations aux grands sommets climatiques de l'ONU, à commencer par la COP de décembre, en Espagne.
Les conservateurs satisfaits
La raison officielle du retrait est que Washington considère l'accord injuste pour les Etats-Unis, bien que la philosophie du texte soit que les pays fixent librement leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le but alors annoncé par Barack Obama était d'ailleurs moins ambitieux que d'autres pays. Dans son communiqué, Mike Pompeo a invoqué "le fardeau économique injuste imposé aux travailleurs, entreprises et contribuables américains". Donald Trump pourra faire valoir à ses électeurs qu'il a tenu sa promesse et les conservateurs américains ont salué l'annonce.
Des réactions consternées
Mais le parti démocrate a dénoncé une "insulte à l'humanité". "C'est honteux", a tweeté Joe Biden, possible rival de Trump pour la présidentielle de 2020. La présidente de la chambre basse du Congrès, la démocrate Nancy Pelosi, y a vu "une nouvelle décision anti-science (...) qui vend l'avenir de notre planète et de nos enfants". "Ce n'est rien de plus que la concrétisation d'une promesse de campagne cynique et insensée dans le seul but de gagner les faveurs de l'industrie des énergies fossiles", a dit le sénateur démocrate Patrick Leahy. "Elle est mue par ", a commenté Andrew Steer, président du World Resources Institute. Les ONG et les experts se sont , quant à eux, offusqués de l'égoïsme du deuxième émetteur de gaz à effet de serre mondial, alors que la Chine reste engagée dans le processus.
Des réactions consternés dans le monde entier
La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, la France et la Russie ont réagi à l'annonce américaine. "Nous espérons que les Etats-Unis feront preuve de davantage de responsabilité et qu'ils contribueront davantage au processus de coopération multilatérale, au lieu d'ajouter de l'énergie négative", a indiqué mardi un porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang, en "déplorant" la mesure américaine.
La France a également dit "regretter" la décision américaine. "Cela rend encore plus nécessaire le partenariat franco-chinois sur le climat et la biodiversité", a indiqué la présidence française alors qu'Emmanuel Macron entamait mardi à Shanghai la deuxième journée d'une visite en Chine.
Un coup "sérieux" à l'accord de Paris, a commenté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "Cela porte atteinte à l'accord de la manière la plus sérieuse qui soit, car il s'agit d'un pays leader en matière d'émissions" de gaz à effet de serre, a-t-il ajouté.
Pas d'effet domino
La bonne nouvelle, c'est que les Etats-Unis n'ont pas fait tache d'huile. La décision de Donald Trump n'a pas créé d'effet domino comme certains le craignaient dans des pays comme l'Australie et le Brésil. Elle a même eu l'effet inverse, en galvanisant de multiples acteurs américains non-fédéraux : Etats gouvernés par les démocrates, villes et entreprises qui se sont engagés à la neutralité carbone d'ici 2050 ou à d'autres actions. Cela compensera en partie l'inaction fédérale. En définitive, l'accord de Paris ne s'est pas effondré, renforcé par la mobilisation des jeunes pour le climat observée depuis l'an dernier.
Le résultat de l'élection de 2020 pourrait être plus déterminant. Si le pays repart dans une administration Trump pour quatre ans, les conséquences seront alors très différentes. LTous les adversaires démocrates potentiels de Donald Trump se sont engagés à revenir dans l'accord, ce qu'ils pourront faire à leur éventuelle prise de fonction, le 20 janvier 2021.
La balle est désormais dans le camp des électeurs américains. Ils ont un an pour se décider.
Cathy Lafon avec l'AFP
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