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Insolite. Mission numéro 1 : prédire la floraison des fleurs de cerisiers au Japon !

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Une Japonais prend des cerisiers en fleurs en photo à Tokyo le 27 mars 2018. Photo archives AFP/Kazuhiro Nogi

Le printemps approche et au pays du soleil levant, une question taraude habitants et touristes: quand les cerisiers vont-ils enfin éclore? Chaque année, l'ouverture des premiers bourgeons de cerisiers ("sakura", en japonais), qui s'étale de début mars à mai, selon les régions de l'archipel, déclenche la ferveur des Japonais. De très sérieux prévisionnistes météo travaillent à prévoir avec le plus de précision possible ce moment sacré pour la société nippone, avec l'aide de milliers de citoyens internautes. Décryptage de leur méthode.

Vaste collection de relevés de températures

« Aucune autre fleur au Japon ne suscite autant d’intérêt », assure Ryo Dojo du département statistiques de l’Agence météorologique nationale, sur le pont avec tous ses collègues. Il est donc capital de parvenir à déterminer le plus précisément possible le moment de la fleuraison des cerisiers. Dans leur quête d’exactitude, les observateurs s’appuient d’abord sur une vaste collection de relevés de températures.

En cas de temps clément au printemps, la floraison interviendra plus tôt. Inversement, elle sera plus tardive si l’automne et l’hiver précédents ont été plus chauds que d’habitude, repoussant le processus. Il n’est pas bon non plus que le temps soit extrême. L’an dernier, une succession de typhons a conduit à un phénomène rare: l’apparition de fleurs de cerisiers dès l’automne 2018 ! Soit bien avant la saison officielle, qui s’étale de début mars dans l’île méridionale de Kyushu à mai dans la région septentrionale de Hokkaido.

Au Japon, tout le monde s'y met

Pour affiner leurs prévisions, plusieurs organismes ont commencé à rassembler les données d’internautes. Par exemple Weathernews, une société basée à Chiba près de Tokyo, décrypte les photos des mêmes bourgeons transmises à intervalles réguliers par des milliers de citoyens. Le projet, nommé « Sakura project », a été lancé en 2004. Aujourd’hui il réunit quelque 10.000 habitants. « Grâce aux photos que nous recevons, nous pouvons voir très précisément comment les bourgeons évoluent », explique la porte-parole Miku Toma. « Prévoir la floraison serait impossible pour nous sans ce système. » Si le bourgeon est petit et ferme, il lui faudra encore un mois avant de s’ouvrir. Il prendra d’abord une couleur légèrement jaune verdâtre, avant de s’assombrir. Enfin, il deviendra rose pâle, une semaine avant le moment tant attendu de la floraison.

Deux millions de signalements 

Ce programme a permis à Weathernews d’accumuler des données en provenance de deux millions de signalements au cours des 15 dernières années. L’entreprise dispose aussi de ses propres données météorologiques collectées par des appareils d’observation disséminés en 13.000 endroits du pays, 10 fois plus que l’agence météo nationale. Et ses employés sont en contact régulier avec environ 700 parcs pour vérifier la croissance des bourgeons.

Modèles mathématiques et d’algorithmes

De ces prévisions dépendent de nombreuses décisions marketing. Dans les semaines précédant la saison des cerisiers, les magasins s’emplissent de produits aux couleurs des « sakura », des cannettes de bière jusqu’aux bonbons. Aussi, rien n'est laissé au hasard. Pour compléter ce travail de terrain, les prévisionnistes japonais usent de modèles mathématiques et d’algorithmes.

Les cerisiers sont sacrés 

Enjeu commercial, l'éclosion de fleurs de cerisiers est avant tout sociétale, voire mystique et religieuse. Sous les arbres, familles et amis, collègues de bureau viennent pique-niquer et fêter, selon la tradition du « hanami » (littéralement, regarder les fleurs) qui célèbre l’arrivée du printemps.  Ce moment rime au Japon avec rentrée des élèves à l’école et des nouveaux diplômés dans le monde de l’entreprise. Les cerisiers sont sacrés aussi car leur éphémère floraison, qui ne dure qu’une semaine environ, symbolise la fragilité de l’existence.

L’Agence météo nationale a cessé de livrer ses estimations en 2010, après plus de cinq décennies, laissant les autres organismes s’en charger. Toutefois, c’est toujours à elle que revient de décréter ouverte la saison en surveillant 58 arbres de référence à travers le pays. Leur localisation est gardée secrète pour éviter les canulars. A Tokyo, on sait toutefois que l’un de ces 58 arbres se situe au sanctuaire Yasukuni, en plein coeur de la capitale. A partir de début mars, les inspecteurs scrutent les bourgeons une fois par jour, puis deux fois par jour quand la date fatidique approche, explique M. Dojo. Un peu comme des obstétriciens au chevet d'une reine ou d'une impératrice prête à accoucher d'un héritier. « Nous les vérifions de nos propres yeux et nous annonçons la floraison quand cinq ou six fleurs apparaissent », poursuit-il. Enfin, la renaissance d'un nouveau cycle de la nature est officielle ! Ca valait le coup d'y consacrer autant de soin et d'énergie...

Cathy Lafon avec l'AFP

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