Réchauffement climatique et COP 24 : où en est la finance verte ?
La finance essaie de se « verdir » la finance pour se mettre au service du climat. Photo AFP
Pour le climat aussi, l'argent reste le nerf de la guerre et la finance verte sera l'un des sujets majeurs de la COP 24 qui s'est ouverte ce dimanche à Katowice (Pologne) et se tient jusqu'au 14 décembre. Selon la Commission européenne, la finance verte exige 180 milliards d'euros d'investissement en plus par an jusqu'en 2030 pour respecter les objectifs Paris, à savoir une hausse des températures inférieure à 2°C par rapport à la période préindustrielle. L'occasion de faire le point sur les financements consacrés actuellement par la communauté internationale, les Etats et les organismes privés pour lutter contre le réchauffement climatique et aider les pays les plus pauvres de la planète à s'adapter aux conséquences de la menace numéro 1 du XXIe siècle.
Que fait la Banque mondiale ?
La Banque mondiale, qui a fait du climat une priorité, vient d'annoncer un doublement de ses engagements, de 100 à 200 milliards de dollars entre 2021 et 2025 qui seront destinés aux pays les plus vulnérables. Sur ces 200 milliards, la moitié viendra de financements directs de la banque. Le reste sera couvert pour un tiers par ses deux agences - la société de financement internationale IFC et l'agence de garantie des investissements Miga - et deux tiers de fonds privés. Au-delà des projets visant à réduire les émissions de CO2 qui passent entre autres par les énergies renouvelables, la Banque veut mettre l'accent sur l'adaptation aux effets du réchauffement.
Où en sont les émissions d'obligations vertes ?
Au-delà des financements de la Banque mondiale, la finance verte désigne l'ensemble des produits financiers destinés à soutenir des objectifs écologiques, en particulier la transition énergétique. Il s'agit notamment de l'émission d'obligations vertes, c'est-à-dire d'emprunts émis sur le marché par une organisation publique ou privée pour financer sa transition énergétique.
Plus de dix ans après les premiers emprunts verts les émissions d'obligations vertes qui avaient bondi en 2017 à plus de 125 milliards d'euros (contre 90 en 2016), devraient atteindre 138,04 milliards d'euros en 2018, soit environ 2% de l'encours mondial obligataire. C'est encore peu, mais les spécialistes observent que ces emprunts non bancaires émis sur les marchés financiers par des entreprises, des institutions publiques ou des Etats en vue de financer des projets « verts », favorables à l'environnement, ou aider un acteur à accomplir sa transition écologique, sont en forte croissance. Sur 2017, l'OCDE a recensé 56,7 milliards de fonds publics, et la France, sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, a engagé 7 milliards l'an dernier, notamment via l'Agence française pour le développement (AFD).
Et les fonds souverains ?
L'été dernier, six fonds souverains - Norvège, Nouvelle-Zélande, Qatar, Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis - pesant plus de 3 000 milliards de dollars, se sont mobilisés contre le changement climatique. Alimentés par les recettes pétrolières et gazières de leur pays, ces poids lourds de la finance se sont engagés, dans une charte présentée le 5 juillet à Paris, à l'Élysée, à détourner leurs investissements des énergies fossiles. Les entreprises dans lesquelles ces fonds investissent vont en effet intégrer le risque du changement climatique et présenter des données publiques sur leur stratégie bas carbone. Une initiative à porter au crédit du chef de l'Etat, qui s'inscrit dans le cadre du One Planet Summit qu'il avait organisé le 12 décembre 2017 à Paris.
Et le Fonds vert pour le climat ?
Le Fonds vert pour le climat, décidé à la Cop de 2009 à Copenhague et initié l'année suivante à la COP de Cancun (Mexique) a pour vocation d'aider les pays du Sud à lutter contre le réchauffement climatique, un objectif renforcé dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord de Paris. La gouvernance de cet mécanisme financier placé sous l'égide de l'ONU, rattaché à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), est partagée entre pays développés et en développement. S'il ne représente qu'une petite partie des 100 milliards de dollars actuels annuels d'engagement climatique du Nord vers le Sud, il a une puissance symbolique et finance des projets clés. Doté d'un capital initial de 10 milliards de dollars - ramené à 8 milliards en raison du retrait américain - le fonds traverse toutefois des tensions liées entre autres au besoin de recapitalisation. L'enjeu étant de boucler cette dernière avant le sommet climat de l'ONU en septembre 2019 à New York.
En mars 2018, le Fonds vert pour le climat a validé le financement de 23 nouveaux projets d'adaptation et d'atténuation dans les pays en développement pour un total d'un milliard de dollars. Au total, ce sont désormais 76 projets qui sont soutenus par l'organisme à hauteur de 3,7 milliards de dollars. D'ici 2020, ce sont 10 milliards de dollars qui devront être engagés. L'Allemagne, dont l'apport initial vient était de 750 millions d'euros, vient d'annoncer un doublement à 1,5 milliard d'euros. La France dont l'apport était similaire, n'a pas encore fait d'annonce.
Et le marché carbone ?
Le marché carbone fait aussi partie des mécanisme de la finance verte. Début septembre 2017, 40 pays et 25 provinces ou villes ont mis en place une tarification du carbone pour pousser les entreprises à réduire leurs émissions de CO2, mais qui reste encore faible.
Et en France ?
En France, 22,6 milliards d’euros ont été investis à ce jour dans la transition énergétique par des fonds dédiés lancés depuis l’Hexagone depuis la loi de Transition énergétique de 2015, qui avait aussi pour objectif de pousser la sphère financière à jouer la carte de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique, en imposant aux investisseurs institutionnels de publier des informations sur l’intégration de critères environnementaux dans leur politique d’investissement. Des labels ont également été développés pour certifier les engagements des fonds d’investissement. Ces 22,6 milliards d'euros proviennent, pour l'essentiel, de fonds en actions, pour 19,1 milliards d’euros et, de manière plus marginale, d’investissements dans les fameuses obligations vertes, pour 1,6 milliard d’euros.
Les fonds privés mettant en avant des critères environnementaux, sociaux et gouvernementaux (ESG) sont en pleine croissance, notamment dans l'Hexagone, où, selon l'institut de recherche Novethic, 361 fonds étaient commercialisés fin 2016, soit un encours de 110 milliards d'euros.
Ces chiffres ne reflètent toutefois qu’une partie des investissements totaux consacrés en France à la transition écologique par les institutions financières, un marché en pleine expansion, difficile à mesurer.
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