Le livre vert du week-end : "Les pêcheurs de sable", un bon polar écolo signé Serge Nicolino
Pour lutter contre la diminution de certaines plages sur le Bassin d’Arcachon, ce bateau pompe du sable dans la mer avant de le rejeter sur la plage. Photo archives AFP
Un jeune surfeur franco-marocain est retrouvé mort sur une plage du Maroc. A première vue, il s'agit d'un accident. Mais la mère et la soeur de la victime refusent d'y croire : Hakim Noguera sait à peine nager et a horreur de l'eau. En revanche, ce brillant étudiant à l'IEP de Toulouse est un militant écologiste très engagé. Ce qui peut ne pas plaire à tout le monde. Surtout quand on sait que la cause à laquelle il s'intéresse précisément touche aux activités du crime environnemental ou écologique international (1)...
Un énorme scandale écologique méconnu : le trafic de sable
Face à la passivité des autorités marocaines et françaises, les deux femmes aussi belles que troublantes, se tournent vers Antoine Mesabki, un enquêteur toulousain privé original qui ne se déplace qu'en Vélib' et en métro, et a installé ses bureaux de détective sur une péniche. Elles vont le convaincre de se lancer dans des recherches qui le conduiront de Toulouse à Rabat, au Maroc, en passant par le chantier de l'éco-ville de Zenata, au nord de Casablanca, la zone côtière de Larrache, au nord du Maroc, le siège de la DGSE à Paris, Lestelle-Betharram, en Béarn, les Hautes-Pyrénées et Hendaye, autant de lieux familiers aux lecteurs de la région. Sur sa route, il va débusquer entrepreneurs français véreux, barbouzes américains et autres policiers marocains corrompus et vraiment pas très nets. Mais il va surtout aussi lever le voile sur un énorme scandale écologique méconnu : le trafic de sable. Ressource naturelle la plus consommée après l'eau, surexploité, parfois illégalement, le sable, matière première indispensable pour le BTP mais aussi pour la fabrication de quantité de produits industriels, disparaît, victime de la convoitise humaine.
Un véritable désastre écologique pour le littoral, déjà menacé par le réchauffement climatique, qui se double d'un triple drame, humain, économique et social : pêcheurs et habitants d'îles et de zones côtières, partout autour de la planète, dans les pays les plus pauvres, ce sont les êtres humains qui sont les premières victimes de la guerre du sable. Vols de plage menaçant le développement du tourisme, effondrement de zones entières d'habitation à proximité de côtes creusées, îles englouties, disparition des poissons nichant dans les écosystèmes côtiers détruits... Certains pêcheurs et leurs familles, finissent même par devenir des "pêcheurs de sable", pour survivre, rajoutant du mal au mal en creusant encore plus les plages. En effet, contrairement aux apparences, pas plus qu'aucune ressource naturelle, le sable n'est inépuisable... Antoine va donc découvrir... la valeur du sable. Et nous avec lui.
Efficace, ce polar, publié par l'éditeur palois Cairn, est le premier roman de Serge Nicolo. Originaire des Pyrénées-Atlantiques dans le Sud-Ouest et installé à Toulouse où il travaille dans un musée, ce dernier revendique comme source d'inspiration l'excellent documentaire de Denis Delestrac, diffusé en 2013 sur ARTE : "Le sable, enquête sur une disparition". La trame de l'enquête policière du privé toulousain se double donc d'un véritable documentaire sur le sable, ressource naturelle rare et objet de tous les trafics, désormais au coeur d'une véritable guerre économique mondial. Un fil rouge sur un autre niveau d'écriture, presque aussi passionnant que l'intrigue policière elle-même.
Pour la petite histoire, "Les pêcheurs de sable" est aussi un restaurant toulousain installé quai de la Daurade, qui doit son nom au métier de pêcheur de sable, qui n’existe plus aujourd’hui à Toulouse, mais qui fut très utile au moment du développement de la ville. Les pêcheurs de sable partaient alors à deux sur une barque, l’un maintenait le bateau et l’autre ratissait le sable. En le mélangeant à la chaux il permettait d’obtenir le ciment qui maintient les briques des demeures toulousaines entre elles.
(1) Le crime écologique, ou écocide, est une notion juridique récente qui, même si elle ne possède pas de définition faisant l'unanimité, est reconnue par la majorité des pays.
►A LIRE
- "Les pêcheurs de sable", de Serge Nicolo, édition Cairn. 213 p. 9,50 euros.
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