Santé : la France lance une première campagne nationale de mesure des résidus de pesticides dans l'air
La contamination de l’air par les pesticides est une composante de la pollution atmosphérique moins documentée que d’autres milieux. Un manque que veut combler la France. Photo AFP
Quand on y songe, notre bol d'air quotidien est vraiment peu ragoûtant... Présents en résidus dans ce que nous mangeons et buvons, les pesticides, utilisés dans certains produits de consommation courante par les particuliers dans leurs maisons ou leurs jardins, comme par les collectivités, et épandus par l'agriculture, l'arboriculture et la viticulture, se retrouvent aussi dans l'atmosphère. Et ce, aussi surprenant que cela puisse paraître, en l'absence de toute norme sanitaire particulière relative à la concentration des pesticides dans l'air, comme c'est le cas pour l'eau.
La bonne nouvelle, c'est que ça bouge (enfin) dans l'Hexagone, du côté de la surveillance des pesticides dans l'air respiré par les Français... L’Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), l’Ineris et le réseau des Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA) fédéré par ATMO France ont lancé ce lundi 25 juin une campagne nationale de mesure des résidus de pesticides dans l'air de notre douce France. Une grande première au niveau national.
Une priorité définie par le gouvernement
Objectif de cette étude : connaître la quantité de résidus de pesticides présents dans l’air ambiant et l'exposition de la population sur le territoire national, pour définir à terme une stratégie de surveillance de ces polluants chimiques dans l’air. Elle s’imbrique dans le programme de surveillance mis en place par Atmo depuis 2000 sur ce sujet, auquel participe Atmo Nouvelle-Aquitaine, l’observatoire régional de l’air du grand Sud-Ouest.
La mise en place de cette surveillance au niveau national est une priorité définie dans le cadre du Plan d'action gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) 2017-2021. Dans un rapport d’expertise publié en octobre 2017, suite à une saisine des ministères en charge de l’agriculture, de l’écologie, de la santé et du travail, l’Anses a fait des recommandations sur la conduite et les modalités de mise en œuvre d’une campagne exploratoire en vue d’une telle surveillance. Au vu de ces recommandations, un partenariat a été mis en place entre l’Anses, l’Ineris et la Fédération ATMO France pour la définition et la réalisation de cette campagne. Celle-ci est conduite dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance mis en œuvre par l’Anses.
Quelque 80 substances actives analysées sur 50 sites de prélèvements
Cette campagne exploratoire d’un an comprendra l’analyse d’entre 70 à 90 substances, sur 50 sites de mesures, en France métropolitaine et dans les Départements et Régions d’outre-mer pour un total d’environ 1500 échantillons sur la durée de la campagne. Elles ont été identifiées en fonction de leur présence avérée dans l'air, de leur volatilité, des tonnages utilisés et de leur caractère toxique. Cette liste tient compte des recommandations récentes de l'Anses. La répartition des sites de prélèvements a été choisie afin de prendre en compte les différents types de zones d’habitation : 52% de sites urbains/péri-urbains et 48% de sites ruraux). Mais aussi de productions agricoles : 40% de sites en grandes cultures, 22% de sites viticoles, 22% de sites arboricoles, 14% de sites en maraichage et 6% de sites d’élevage.
Ainsi, 1 à 6 sites par région ont été retenus afin de couvrir les différentes situations d’exposition aux pesticides dans l’air.
Les substances ciblées entrent dans la composition des produits phytopharmaceutiques ainsi que de certains biocides, médicaments vétérinaires et antiparasitaires à usage humain. Elles ont été priorisées par l’Anses sur la base de leurs caractéristiques de danger et de critères d’utilisation, d’émission et de persistance dans l’air. Pour conduire cette campagne, un protocole de mesures harmonisé sur l’ensemble du territoire national, financé par l’Agence Française de la Biodiversité (AFB) au sein du plan Ecophyto, a été défini sur la base des recommandations de l’Anses ainsi que de validations métrologiques menées par l’Ineris, dans le cadre de ses travaux pour le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA), en lien avec les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) ATMO Grand Est et Air PACA. Un co-financement a par ailleurs été apporté par le ministère en charge de l’Ecologie pour les systèmes de prélèvement nécessaires à la campagne.
Des mesures de pesticides depuis 2000 en Nouvelle-Aquitaine
Pour Atmo Nouvelle-Aquitaine, de tels relevés ne sont pas une première. L'agence régionale mesure en effet les pesticides dans l'air depuis bientôt 20 ans, afin de suivre l'évolution de leur présence dans l'air au fil des ans. Depuis 2000, chaque année, quel que soit le site étudié, en campagne ou en ville, des pesticides sont détectés dans les prélèvements d’air réalisés par Atmo. Les résultats collectés alimentent une base nationale qui regroupe les mesures réalisées en France par les différents observatoires régionaux de l’air. Ces données enrichissent aujourd'hui les réflexions menées tant au niveau national que régional, dans le cadre du plan Ecophyto ou du PNSE (Plan national santé environnement), décliné en Nouvelle-Aquitaine à travers le PRSE (Plan régional santé environnement). La nouveauté cette année pour Atmo, c'est qu'elle surveillera pour la première fois le glyphosate dans l’air de la région.
Six sites dans la région Nouvelle-Aquitaine
Atmo Nouvelle-Aquitaine prélève les pesticides présents dans l’air de six sites à l’échelle de toute la région : un dans la Vienne, en lien avec les grandes cultures, deux en Haute-Vienne, en secteurs de grandes culture et pomiculture, deux autres en Gironde en zones viticole et de grandes cultures et enfin, un dernier site dans les Landes, en lien avec le maraîchage. Atmo avait débuté les prélèvements sur ces six sites en février dans le cadre de sa surveillance régionale. A partir du 25 juin, et ce pour une durée d’un an, ils sont réalisés pour les besoins de la campagne nationale.
Nicolas Hulot n'a pas manqué de saluer le lancement de cette première campagne : "Le retour d'expérience, qui en sera fait, permettra de définir la stratégie de surveillance nationale pérenne à mettre en œuvre par la suite, afin de déterminer l’exposition moyenne de la population et l’évaluation des risques sanitaires associés", a souligné le ministre de la Transition écologique et solidaire. Rendez-vous en 2019 pour découvrir les conclusions de l'étude. Et surtout, savoir quelles mesures de prévention pour la santé publique des agriculteurs comme celle des habitants, elles pourront, ou pas, enclencher.
►PLUS D'INFO
- Pourquoi un tel état des lieux ? Cette étude est nécessaire afin d’établir des comparaisons avec les données recueillies dans le cadre d’études spécifiques, visant à évaluer l’exposition de populations vivant à proximité des sources d’émission de pesticides notamment la future étude sur l’exposition aux pesticides des riverains en zones agricoles qui sera réalisée prochainement par l’Anses et Santé publique France. Ces travaux s’inscrivent et sont financés dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance mis en place par l’Anses depuis 2015 et dont l’objectif est de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques.
- Qui fait quoi ? Sur le terrain, les AASQA, fédérées par Atmo France, réalisent les prélèvements et apportent leur expertise territoriale pour mettre en œuvre la campagne au niveau local. L’Ineris, en tant que coordonnateur de la campagne, assure l’appui technique nécessaire aux mesures, pilote l’analyse des échantillons et exploitera les données avec l’appui des différents partenaires. L’Anses, quant à elle,
apporte son soutien scientifique et prend en charge le financement de cette campagne.
Cette campagne exploratoire, première du genre à l’échelle nationale, permettra de définir les
modalités d’une stratégie pérenne nationale de surveillance des résidus de pesticides dans l’air
ambiant. Les données collectées viendront alimenter la base nationale des données sur la qualité de
l’air « GEOD’AIR » et contribueront à établir un premier état des lieux des niveaux de contamination
en résidus de pesticides dans l’air ambiant. - Pour retrouver toutes les études « pesticides » réalisées par Atmo Nouvelle-Aquitaine sur le site Internet de l'agence : cliquer ICI
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- Les articles de Ma Planète sur la pollution de l'air : cliquer ICI
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