La nature face au choc climatique : de Madagascar à l’Amazonie, jusqu'à 50% des espèces menacées sur la planète
A + 4,5°C, 69% des espèces de plantes risquent de disparaître en Amazonie. Photo WWF
De Madagascar à l’Amazonie et jusque dans les Grandes plaines américaines, le dérèglement climatique pourrait menacer entre un quart et la moitié des espèces d’ici 2080 dans 33 régions du monde parmi les plus riches en biodiversité, selon les résultats issus d’une recherche sans précédent menée par le WWF et conduite en partenariat avec des experts du Tyndall Centre for Climate Change de l’Université d’East Anglia, parue le 14 mars. A +4,5°C de réchauffement par rapport à la Révolution industrielle — horizon qui se dessinerait si rien n’était fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre –, 48% des espèces seraient susceptibles de disparaître au niveau local.
Mais ce risque serait divisé par deux si la hausse de la température moyenne était contenue à +2°C, limite fixée dans l’accord de Paris adopté en 2015 sous l’égide de l’ONU, note cette analyse publiée par la revue Climatic Change, alors que s’ouvre à Medellin (Colombie) une importante conférence sur l’état de la biodiversité dans le monde.
« La biodiversité mondiale va souffrir terriblement au cours de ce siècle, à moins que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir » contre cela, prévient le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui a co-produit l’étude, présentée comme la plus complète sur cette trentaine de zones. Partout, le climat vient s’ajouter aux menaces pesant déjà sur la faune et la flore: urbanisation, perte d’habitats, braconnage, agriculture non soutenable…
Les chercheurs des universités d’East Anglia (Royaume Uni) et James-Cook (Australie) ont étudié la situation climatique de 80 000 espèces dans 33 régions jugées « prioritaires », aussi uniques et diverses que l’Amazonie, le désert de Namibie, l’Himalaya, Bornéo, le lac Baïkal ou le sud du Chili. Les saisons aujourd’hui exceptionnellement chaudes devraient y devenir la norme, parfois dès 2030, et même avec un réchauffement limité à +2°C. Pics de chaleur plus notables, moindres précipitations, sécheresses durables sont attendus en de nombreux endroits.
Sur ces zones, plus de la moitié de la surface (56%) resterait vivable à +2°C. A +4,5°C, cette part pourrait tomber jusqu’à 18%: ce que le WWF appelle des zones « refuges ». Les plantes devraient être particulièrement affectées, plus lentes à s’adapter, bougeant moins facilement. Ce qui en retour pourra nuire aux animaux en dépendant.
A +4,5°C, 69% des espèces de plantes risquent de disparaître en Amazonie. Du côté animal, reptiles et amphibiens ont plus de risques d’être « dépassés » que les oiseaux ou les mammifères, plus mobiles. Beaucoup dépendra en effet de la capacité des espèces à bouger pour suivre leur climat de prédilection: pourront-elles suivre? Seront-elles bloquées, par exemple par des villes, des montagnes? Auront-elles, à l’arrivée, un endroit pour vivre?
Le sud-ouest de l’Australie, dans le pire scénario, voit près de 80% des espèces de mammifères menacées d’extinction localement, perte ramenée à un tiers dans un monde à +2°C et en cas de capacités d’adaptation des espèces.
Conclusion: « il faudra faire des efforts bien plus importants pour garder la hausse des températures à leur minimum absolu », insiste le WWF. A ce stade, les engagements de réduction d’émissions pris à Paris conduisent le globe vers un réchauffement de plus de 3°C. Or à +3,2°C, 37% des espèces risquent encore de disparaître localement, dans les régions étudiées. En outre, comme les gaz déjà émis vont continuer à réchauffer la planète, il faudra aussi prévoir des mesures de protection locales: corridors biologiques pour favoriser le déplacement des espèces, identification de zones de « refuge » en dernier ressort, restauration d’habitats…
La Méditerranée, qui compte par exemple trois espèces emblématiques de tortures marines, verrait près d’un tiers des plantes, mammifères et amphibiens menacés à +2°C, si aucune possibilité d’adaptation ne leur est laissée.
Extinction ne signifie pas juste disparition d’espèces, souligne le WWF, « mais de profonds changements pour des écosystèmes rendant des services vitaux à des centaines de millions de personnes, » qu’il s’agisse d’alimentation, mais aussi de soutenir le tourisme ou la recherche sur de futurs médicaments. « Finalement, l’étude que nous présentons aujourd’hui nous interroge sur notre rapport à la Nature, à notre planète : qu’attendons-nous pour cesser de détruire les espèces et les espaces qui la composent, alors que nous savons pertinemment que nous ne pourrons pas vivre sur une planète morte ? », interroge Pascal Canfin, directeur général de l'ONG en France. Bonne question.
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