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Sciences : pourquoi fait-il si chaud la nuit, dans certaines villes ?

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A Bordeaux, le miroir d'eau est un îlot de fraîcheur lors des vagues de chaleur. Photo archives Sud Ouest / Laurent Theillet

Le CNRS se met à l'heure du printemps. A l'approche du retour des beaux jours et de températures plus clémentes, des chercheurs se sont interrogés : on sait qu'il fait plus chaud en ville qu'à la campagne ou qu'en proche banlieue, notamment la nuit. Mais pourquoi ce phénomène est-il variable selon les villes, où il peut faire plus ou moins chaud ? 

"L'organisation", vous dis-je ! 

Dans une étude publiée le 9 mars 2018 dans Physical Review Letters, une équipe internationale de scientifiques de l'unité mixte internationale CNRS/Massachusetts Institute of Technology, de Cambridge, du Centre interdisciplinaire des nanosciences de Marseille et de Paris-Saclay, ont montré que c'est l'"organisation" des villes et l'aménagement de leur habitat qui est à l'origine de ce phénomène. Plus une ville est "organisée au carré", sur le modèle quadrillé des villes nord-américaines, avec des rues très droites et perpendiculaires, plus elle piège la chaleur. A l'inverse, plus une ville est "désorganisée", comme, par exemple, certains cœurs de villes historiques européennes, tout emberlificotés dans leurs rues tortueuses, ruelles, places, placettes et autres impasses, et plus la chaleur s'évacue facilement. "Mais c'est une évidence, me direz-vous, pas besoin de faire des études scientifiques, tout le monde s'en est rendu compte un jour, en faisant du tourisme urbain l'été !" C'est vrai que ces résultats ne semblent pas surprenants en soi. Leur intérêt est de valider scientifiquement ce que le citoyen lambda pouvait pressentir. Car ce faisant, loin de se résumer à enfoncer des portes ouvertes, ils ouvrent de nouvelles pistes pour un urbanisme plus favorable au bien-être humain, et une gestion de l'énergie optimisés. Plutôt utile par ces temps de réchauffement climatique planétaire et de nécessaires économies d'énergie...

De quoi parle-t-on ? 

Les "îlots de chaleur urbains (ICU)", c'est le nom savant de ces zones dans les villes qui piègent la chaleur, notamment en période de canicule, et qui résultent de l'augmentation de la température de l'air dans les villes, par rapport à celle des zones rurales et péri-urbaines. Aux États-Unis, ce phénomène touche plus de 80 % de la population vivant dans les zones urbaines.  Ces îlots de chaleur sont susceptibles de générer au sein des agglomérations,  un accroissement de la demande énergétique, pour la climatisation par exemple. Ils accroissent aussi la pollution de l'air et détériorent le confort de vie et la santé des habitants, notamment les plus fragiles, personnes âgées, enfants, malades, femmes enceintes...

"Ilôts de fraîcheur"

Pour faire chuter le mercure dans ces espaces urbains ultra-minéralisés, points d'eau et verdure sont particulièrement efficaces. A tel point que certaines villes ont mis en place des stratégies de réduction de ces îlots de chaleur en les contrebalançant avec l'implantation d'espaces verts, de murs végétalisés, de fontaines, ou encore de miroirs d'eau, à l'instar de celui créé sur ses quais par Bordeaux, ville pionnière en la matière. Mais les impacts environnementaux et économiques réels de ces îlots de fraîcheur, à une échelle nationale ou même régionale, restaient à ce jour peu quantifiés. Là aussi, on en restait au stade du "ressenti". Et les scientifiques, il leur en faut plus. 

CQFD ! 

Les chercheurs français et américains à l'origine de l'étude  publiée par Physical Review Letters, ont donc étudié certains paramètres majeurs de l'élévation de la température, comme l'inertie thermique des bâtiments et leur capacité à rayonner pendant la nuit l'énergie absorbée durant la journée. Ils ont pour cela utilisé les températures enregistrées en ville ou à la campagne sur plusieurs années ainsi que des informations sur les empreintes spatiales des constructions urbaines, combinées à un modèle de dissipation de la chaleur.

Cette approche leur a permis de démontrer, pour la cinquantaine de villes étudiées, comme New York, Chicago et Boston, que les effets des îlots de chaleurs nocturnes varient selon la géométrie du tissu urbain. Les bâtiments peuvent en effet s'échanger de l'énergie, plus ou moins facilement selon leur degré d'organisation spatiale. Un paramètre mesuré par les chercheurs grâce à des outils de physique qui permettent de réduire la complexité de la ville à une description statistique, c'est-à-dire à des « lots » de bâtiments pertinents. Ils ont montré ainsi que plus une ville est organisée, comme la plupart des villes nord-américaines, plus l'effet des îlots de chaleur urbains  est important et plus la chaleur reste piégée, et inversement pour les villes « désorganisées ». Comme quoi, la désorganisation a aussi ses vertus...

Optimiser la demande en énergie et réduire l'empreinte carbone

Dans les pays au climat chaud ou tempéré, l'effet « ICU » augmente significativement la facture énergétique. A l'inverse, dans les régions froides, les îlots de chaleurs urbains générés par un habitat conçu sur le modèle nord-américain, peuvent contribuer à réduire la demande énergétique. Grâce aux résultats de cette étude, il devient possible d'identifier les pays qui, compte tenu des prévisions de croissance urbaine, ont la plus grande opportunité d'utiliser les « ICU » à leur profit. Et d'aider leurs décideurs à mettre en place des politiques d'aménagement urbain capables d'optimiser la demande en énergie des bâtiments tout en réduisant leur empreinte carbone. Et ce, à l'échelle des villes, mais aussi des régions voire des États. Quand les scientifiques s'interrogent, ça vaut toujours le coup (coût), non ?

Cathy Lafon

►A LIRE 

  • L'étude "Role of City Texture in Urban Heat Islands at Night Time", J.M. Sobstyl, T. Emig, M.J. Abdolhosseini Qomi, R. J.-M. Pellenq, and F.-J. Ulm. Physical Review Letters, 9 mars 2018 : cliquer ICI

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  • Les articles de Ma Planète sur le réchauffement climatique : cliquer ICI

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